«Mon plus grand soutien, c’est l’Armée !»

Tebboune en réponse aux voix de la discorde :

Reprenant les séances de questions-réponses avec la presse, avant-hier au soir, où il conversait, de façon presque amicale, avec Abdelwahab Djakoune de La Nouvelle République et Djalal Bouatti d’El Khabar, le président de la République, Monsieur Abdelmadjid Tebboune, s’est voulu rassurant au sujet de sa santé, revenant, tout de même, sur les moments d’épreuve douloureuse, lorsqu’en sa qualité de Chef de l’Etat, il était loin du pays qu’il s’était engagé à mener vers une nouvelle ère.

Abordant la question du dernier remaniement ministériel et le fait qu’il soit perçu comme un non-événement par la classe politique, M. Tebboune a reconnu que le changement n’était pas profond et qu’il ne pouvait pas l’être, parce qu’à l’horizon des législatives, c’est la majorité issue des élections qui choisira un chef du Gouvernement. Le Président, qui a dit suivre la mise en œuvre et l’avancée des actions de son programme sur le terrain, a noté, tout de même, que les jeunes ministres sans expérience qu’il avait nommés, commencent à agir par eux-mêmes, au lieu de suivre les méthodes de leurs prédécesseurs, et qu’ils commencent à faire du bon travail. Questionné au sujet du Hirak qui s’est remis en mouvement ces derniers jours, à partir du 22 février écoulé, le Président a affirmé ne pas être dérangé par les marches pacifiques car, selon lui, le peuple est sorti pour commémorer un événement, alors que certains groupes étaient sortis avec des agendas. Cela d’autant, ajoutera le Président, que la plus grande partie des revendications du Hirak ont été satisfaites. S’agissant de certains slogans qui appellent à une dawla madania (Etat civil) machi dawla askaria (et non militaire), le Président a rappelé qu’il était le commandant en chef des Armées et le ministre de la Défense nationale et qu’il n’existait, entre l’Armée et lui, aucun désaccord sur la gouvernance.
Cela pour la simple raison, expliquera-t-il, que l’Armée algérienne est disciplinée, professionnelle et rigoureusement attachée à ses missions constitutionnelle et que «cette chanson, qui se répète depuis des années» déjà au sujet de l’Armée, ne fait plus recette. Prenant acte des contestations qui s’expriment à son sujet par certains manifestants dans la rue, M. Tebboune a tenu à rappeler qu’il y avait 8,5 millions de personnes qui avaient voté pour lui, envers qui il s’était engagé sur 54 chantiers à mettre en œuvre, dont le processus était enclenché, portant sur tous les secteurs, mais surtout se focalisant sur les zones d’ombre. Sur les dernières mesures de grâce qui ont touché des détenus du Hirak, le Président a estimé que certains (deux ou trois) peuvent être considérés comme détenus d’opinion, mais la plupart d’entre eux sont des détenus de la diffamation, de l’insulte et des attaques contre les symboles de l’Etat. Et le Président d’inviter ces gens à s’insérer dans la vie politique pour avoir l’occasion d’exprimer leurs contestation dans l’espace institutionnel d’où ils peuvent vraiment changer les choses. D’ailleurs, le Chef de l’Etat considère que les législatives prochaines sont une véritable mise à l’épreuve pour la classe politique qui devra se passer de l’argent – propre ou sale -.
Quant aux jeunes à qui le Président promet une assistance particulière durant ces élections pour leur permettre de se hisser au Parlement, ils sont invités à aller aux élections pour porter leurs aspirations sur le terrain du débat et de la confrontation politiques. Sur la situation financière et pour démentir ceux qui annoncent un début d’endettement FMI prochain de l’Algérie, le Président a tenu à préciser que le niveau des dépenses publiques que l’on connaissait auparavant, s’agissant des importations, était excessif. Et M. Tebboune d’en soustraire les achats en devises dont nous pouvons nous passer, les produits et les équipements que nous pouvons fabriquer par nous-mêmes, sans oublier, dit-il, les milliards de dollars de fausses facturations. Pour le Président, moyennant l’exploitation et la valorisation optimum de ce que nous produisons localement, nous n’aurions guère besoin de plus de 8 milliards de dollars de dépenses en devises pour importer uniquement ce qui nous est indispensable et ce, dont les populations ont vraiment besoin. Même le blé, dont nous importons 20% de nos besoins, pourrait, selon le Chef de l’Etat, voir cette part produite localement si l’on affine et performe les procédés d’irrigation.
Sur les réformes qui touchent l’économie, le Président s’est voulu direct, faisant état de la suppression de tous les courants idéologiques qui entravaient l’économie, dont le principe du 51/49% qui dissuadait certains investisseurs étrangers d’investir dans notre pays, sachant, tout de même, qu’il y a des investisseurs étrangers chez nous, observait le Président, qui a tenu à préciser, pour l’exemple, qu’il y avait pas moins de 400 entreprises françaises présentes dans notre pays. Et M. Tebboune de se focaliser plutôt sur les investisseurs algériens qu’il avait réunis pour parler de l’investissement, sachant que les opérateurs économiques sont entravés et qu’un audit général est en train de se faire pour évaluer l’ampleur de la situation. Ne mâchant pas ses mots, le Chef de l’Etat est allé jusqu’à endosser le terme de «contre-révolution» utilisé par l’un de ses interlocuteurs du jour, pour qualifier ces lourdeurs et cette bureaucratie qui tente de retarder la dynamique de changement qu’il a voulu créer.
Pour lui, les banques sont de simples guichets publics qui refusent de prendre des risques, arguant des peines d’emprisonnement qu’ils encourent pour délit de gestion. Répondant à une question sur la présence excessive des vocables «zones d’ombre» dans la jargon sectoriel, le Président a tenu à clarifier un point : à savoir que les zones d’ombre sont une réalité très lourde de notre pays et que c’est pour cette raison que la réponse politique est venue prioritaire et urgente pour faire de la prise en charge des zones d’ombre un programme politique entièrement à part. «Laissez proliférer cette réalité sans la prendre en charge, et vous verrez ce qu’il vous en coûtera politiquement». C’est ainsi, traduit, le sens de la réponse du Président à la question des zones d’ombre à laquelle il a tenu à donner une dimension à la fois économique, sociale et idéologique, rappelant, au passage, pour expliquer la dimension idéologique, que le monde rural a été spolié de ses terres durant la colonisation et qu’il a été peu regardé durant l’indépendance, faisant qu’aujourd’hui, aux yeux du Président, un logement rural est devenu plus important qu’un logement AADL. «Ce sont pas moins de 8,5 millions d’habitants qui ont besoin d’un nouveau réaménagement du territoire», devait-il conclure.
Questionné sur la relation de l’Algérie avec la France, sur le refus de celle-ci d’ouvrir le dossier des essais nucléaires et sur sa timide démarche concernant les crimes coloniaux, M. Tebboune a estimé que sa relation avec le Président Macron était bonne. Mais que cette éclaircie était assombrie par des lobbies puissants, dont des relais chez nos voisins, qui entretiennent la «nostAlgérie», et menacent tous ceux qui essayent de faire avancer certains dossier, dont Stora lui-même qui, avant de livrer son travail, dira le Chef de l’Etat, avait reçu, en guise de menaces de mort, un linceul. Et le Président de préciser, à la lumière de ces éléments, que l’Algérie ne peut pas, certes, construire des relations aux dépens de la mémoire, mais qu’elle n’en fera pas, non plus, un fonds de commerce. Tout en démentant la rumeur selon laquelle l’Algérie s’apprêtait à envoyer ses soldats se faire tuer au Sahel, le Président Tebboune n’en a pas moins précisé que notre pays avait une armée puissante en Afrique, mais qu’elle cherche, plutôt que des options militaires, à ce que des pays puissent s’édifier, se stabiliser et des démocraties s’installer. «C’est ce que nous voulons pour la Libye, pour la Niger et le Mali», a-t-il martelé.
Par Ahmed Rehani