Et les dégâts causés par les essais nucléaires français ?

Les Algériens attendent du concret

«Aucun crime, aucune atrocité commise par quiconque pendant la Guerre d’Algérie ne peut être excusé, ni occulté». Ce sont les termes du communiqué de la Présidence française du mardi 2 mars 2021, qui annonçait la reconnaissance par la France de l’assassinat du Chahid Ali Boumendjel par l’armée française.

Le Président Emmanuel Macron a fait savoir que ce travail sera prolongé et approfondi au cours des prochains mois. Les Algériens attendent un geste de reconnaissance des crimes du colonialisme français en rapport avec les essais nucléaires effectués par la France en Algérie. Tôt ou tard, la France devra assumer ses responsabilités historiques sur ces essais nucléaires. Durant l’occupation coloniale, le GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) avait protesté contre l’utilisation du Sahara comme «périmètre atomique français» à cause des risques de radioactivité dans l’air. Pour la même raison, les premières expériences faites à Reggane avaient été condamnées par les pays amis de l’Algérie qui était en guerre pour son indépendance.
Bien plus tard, en 1985, la télévision algérienne diffusera un film documentaire (tourné en 35 mm), «Algérie, combien je vous aime», réalisé par Azzedine Meddour (décédé le 16 mai 2000) qui, en 105 minutes, dresse un tableau du colonialisme à partir d’images d’archives, notamment des journaux télévisés français, avec beaucoup d’humour et d’ironie, admirablement servi par le commentaire d’Abdelkader Alloula (assassiné le 10 mars 1994). Sur la base de témoignages directs, Azzedine Meddour révélait pour la première fois au grand public que des prisonniers de guerre algériens avaient été utilisés comme cobayes durant des expériences nucléaires françaises au Sahara sous domination coloniale. S’il n’y a pas de ligne rouge à la reconnaissance par la France de ses crimes commis en Algérie, c’est le pas suivant que les Algériens attendent du Président Macron. Les responsables français qui ont aligné des prisonniers algériens pour tester les effets des explosions atomiques doivent être dénoncés et condamnés officiellement.
Dans le même sens, sur la base du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) signé par 122 Etats sous l’égide des Nations unies, et dont le seuil de 50 ratifications a été franchi le 24 octobre 2020, la France devrait penser à la «remise en état de l’environnement des zones contaminées» et à l’assistance aux victimes des essais nucléaires effectués en Algérie. Pour rappel, récemment, dans un entretien à la revue El-Djeïch, le chef de service du Génie de combat du Commandement des forces terrestres, le général Bouzid Boufrioua a souligné que la France devra «assumer ses responsabilités historiques» à travers la décontamination des sites des essais nucléaires effectués et l’indemnisation des personnes souffrant de pathologies conséquentes à ces essais atomiques.
«Les essais en surface effectués à Reggane, ont causé la pollution d’une grande partie du Sud algérien», a-t-il fait remarquer. «Leurs effets se sont étendus jusqu’aux pays africains voisins, alors qu’un nombre d’essais souterrains a échappé au contrôle, ce qui a provoqué la propagation des produits de fission due à l’explosion et la pollution de vastes zones», a-t-il ajouté. Détaillant les conséquences de ces essais, le général Bouzid Boufrioua cite «les déchets immenses très radioactifs et de longue vie, certains sont enfouis sous terre et d’autres sont laissés à l’air libre, sans oublier les radiations répandues sur de vastes surfaces, causant un grand nombre de victimes parmi la population locale et des dégâts à l’environnement qui perdurent hélas jusqu’à nos jours».
Il a déploré, à ce titre, «l’absence d’informations techniques sur la nature des explosions nucléaires et le matériel pollué enfoui», qualifiant l’absence de données sur ces essais de «crime majeur commis par la France coloniale». Les gestes symboliques préconisés par l’historien Benjamin Stora, ne sont pas à négliger, mais ils sont insuffisants s’ils se limitent à répondre à des préoccupations de politique intérieure française. Les crimes du colonialisme français en Algérie (liste interminable) sont «aussi graves, odieux, que ceux commis par les SS pendant la Seconde Guerre mondiale, et ils doivent être traités de la même façon». C’est Henri Pouillot, un Français ancien combattant en Algérie, militant antiraciste et anticolonialiste, qui l’exige.
Lakhdar A.