Urgence du redressement de l’économie nationale en évitant les utopies

Situation socio-économique

Nous sommes à l’ère d’internet et des réseaux sociaux, le langage de la vérité, par une autre communication, doit primer si l’on veut faire adhérer la population algérienne. L’on devra analyser la situation socio-économique sans passion : ni sinistrose, ni auto-satisfaction, source de névrose collective. Car les mêmes causes et comportements produisent les mêmes effets, posant l’urgence du redressement de l’économie nationale pour ne pas aller vers le FMI, horizon 2022, ce qu’aucun patriote ne souhaite.

1- Nous assistons à des tensions géostratégiques au niveau des frontières de l’Algérie, la chute des prix du pétrole et surtout du gaz naturel plus de 70% depuis 2010 procurant 33% des recettes de Sonatrach (98% des recettes en devises avec les dérivés) qui en plus connaît une baisse de la production en volume physique tant du pétrole que du gaz, l’Algérie ne profitant que très peu de la remontée actuelle des prix du pétrole qui ont un impact sur le niveau des réserves de change. La baisse des réserves de change est drastique, 194,0 milliards de dollars fin 2013 à 62 fin 2019 et à fin 2020, malgré toutes les restrictions à l’importation, selon la déclaration du Président de la République en date du 1er mars 2021 entre 42/43 milliards de dollars les prévisions de la loi de Finances complémentaire étaient de 44,2 milliards de dollars contre 51,6 prévus dans la loi initiale. Aussi, il y a urgence d’un sursaut national devant éviter des promesses utopiques où l’actuel ministre de l’Energie et des Mines promet depuis plus d’une année, la venue d’un partenaire étranger sans résultats, comme le ministre des Finances qui allait intégrer le capital argent de la sphère informelle, le ministre du Commerce qui allait maîtriser l’inflation, et le président du Conseil économique et social qui passe son temps à donner des interviews en promettant des études alors que la composante prévue par le décret présidentiel de janvier 2021, seule habilitée à valider tout rapport du CNES, n’a pas encore vu le jour, tout cela sans résultats palpables sur le terrain et plus avec des propositions contradictoires.

2- Concernant les mines, les exportations de matières premières brutes qui d’ailleurs demandent du temps pour leur réalisation de leur teneur physique dont une grande partie de la matière est rejetée dans l’atmosphère, ne sont pas la solution miracle. Le prix mondial du phosphate brut est resté stabilisé entre janvier mars 2021 entre 75/85 dollars la tonne métrique. Pour le phosphate de Tébessa, les réserves sont estimées entre 2,2 et 2,6 milliards de tonnes dont seulement 24% de pentoxyde de phosphate. Ainsi si l’on exporte trois millions de tonnes de phosphate brut annuellement à un cours moyen optimiste de 100 dollars, nous aurons un chiffre d’affaire de 300 millions de dollars et trente millions de tonnes 3 milliards de dollars. Comme dans cette filière, les charges sont très élevées (amortissement et charges salariales notamment) minimum de 40%, le profit net serait pour trente missions de tonnes environ 1,8 milliard de dollar. En cas d’association avec un partenaire étranger selon la règle des 49/51%, le profit net restant à l’Algérie serait légèrement supérieur à 900 millions de dollars. On est loin des profits dans le domaine des hydrocarbures. Pour accroître le profit net, il faut donc se lancer dans des unités de transformation hautement capitalistiques. Le prix de l’ammoniac sur le marché mondial étant très volatil fluctuant entre janvier et mars 2021 entre 350 dollars et 400 dollars. Mais pour une grande quantité exportable, cela nécessite des investissements très lourds et à rentabilité à moyen terme pas avant 2025/2027 si le projet est en fonctionnement en 2021. Et pour une importante quantité exportable, cela passe par un partenariat du fait du contrôle de cette filière par quelques firmes au niveau mondial. Par ailleurs, pour l’Algérie, il faudra résoudre le problème du prix de cession du gaz qui ne saurait être aligné sur celui du marché et éviter les nombreux litiges.

3- Pour le fer de la mine de Gar Djebilet, ses réserves sont estimées à 3,5 milliards de tonnes, dont 1,7 milliard de tonnes sont exploitables et devant distinguer pour les importations actuelles le fer brut de ses dérivées. Entre janvier début mars 2021, le cours fluctue entre 100/115 dollars la tonne. Pour un cours de 100 dollars la tonne, pour une exportation brute de 3 millions de tonnes/an, nous aurons un chiffre d’affaire de 300 millions de dollars et pour 30 millions de tonnes 3 milliards de dollars auquel il faudra retirer 50% de charges (le coût d’exploitations est très élevé) restant entre pour 3 millions de tonnes 150 millions de dollars et pour 30 millions de tonnes 1,5 milliard de dollars. Ce montant est à se partager selon la règle des 49/51%, avec le partenaire étranger restant à l’Algérie en cas de 30 millions de tonnes environ 750 millions de dollars. Il faut donc descendre à l’aval de la filière où le prix de l’acier février/ mars 2021, sur le marché mondial est de quatre à cinq fois le prix du fer brut (500/550 dollars la tonne), avec des investissements lourds et à rentabilité à moyen terme. C’est que l’exploitation du fer de Gara Djebilet dont les études datent depuis 1970/1974 au moment où j’étais jeune conseiller du ministre de l’Industrie et de l’Energie de 1973/1979, nécessitera de grands investissements dans les centrales électriques, des réseaux de transport, une utilisation rationnelle de l’eau, des réseaux de distribution qui fait défaut du fait de l’éloignement des sources d’approvisionnement, tout en évitant la détérioration de l’environnement, les unités comme pour le phosphate étant très polluantes ainsi qu’une formation pointue. Et là, on revient à la ressource humaine, pilier de tout processus de développement. Donc comme pour le phosphate, seule la transformation en produits nobles peut procurer une valeur ajoutée plus importante à l’exportation. Du fait de la structure oligopolistique de la filière mines, au niveau mondial, la seule solution est un partenariat gagnant/gagnant avec les firmes de renom qui contrôlent les segments du marché international qui n’accepteront pas la règle restrictive des 49/51% avec les lourdeurs bureaucratiques, la souplesse et les décisions au temps réel régissant le commerce international (voir notre interview à la Radio publique chaîne I du 5/3/2021).
En résumé, il y a urgence d’une vision stratégique pour l’Algérie qui possède d’importantes potentialités, existant des liens dialectiques entre sécurité et développement, loin des replâtrages conjoncturels qui accèderont l’insécurité et la crise à terme. En ces moments de grands bouleversements géostratégiques, c’est par une nouvelle gouvernance et un discours de vérité collant avec la réalité sociale, loin des bureaux climatisés de nos bureaucrates, que l’on trouvera les solutions à la crise actuelle qui touche tous les pays et pas seulement l’Algérie, avec l’impact de l’épidémie du coronavirus qui devrait modifier considérablement tant les politiques socio-économiques que les relations internationales.
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul