Amara : «Le problème de l’entreprise publique n’est pas la finance, mais la gestion»

L’Union nationale des entrepreneurs publics (UNEP), fait ses propositions :

Le moral des dirigeants des entreprises publiques semble bon. Ils sont plus combatifs que jamais et se préparent d’ores et déjà à l’après-crise du Covid-19 qui a fragilisé les structures des entreprises étatiques, basculées, sans préavis, en mode de «gestion de crise» et s’adaptent au contexte actuel.

Ils se préparent à faire face au choc financier et économique qui a sévèrement impacté leurs trésoreries et prévisions, à long terme. Une année après le début de la crise sanitaire de la Covid-19 qui a remis à jour la mauvaise gestion des entreprises publiques ainsi que leur approche de la résilience organisationnelle, de plus en plus indispensable pour s’adapter au changement pour trouver des alternatives à leur croissance durable, les responsables des groupes publics résistent et espèrent une remise à niveau du secteur. Protecteur, l’Etat a opté pour l’endettement pour éviter la faillite de ces entreprises. Une démarche appréciable qui devra être soutenue par des actions concrètes et rentables. Pour sauver leurs sociétés, les entrepreneurs publics appellent les autorités à restructurer le secteur public industriel et à prendre en compte leurs recommandations pour renforcer le secteur public marchand. Cette remise à niveau se fera, probablement, une fois que les résultats de l’audit global du secteur industriel, lancé quelques mois plutôt, seront obtenus. En attendant, les entrepreneurs publics tentent de sauver leurs entreprises et redonner un nouveau souffle au secteur, en déprime.
La prospérité du secteur public a toujours été sujet à polémique et à controverse en raison de l’appui qu’il reçoit des pouvoirs publics en permanence. Revenant sur cette situation, lors d’une rencontre ayant pour thème «L’entreprise publique et la relance économique», organisée à Alger, le vice-président de l’Union nationale des entrepreneurs publics (UNEP), Charaf-Eddine Amara dira que «les entreprises publiques contribuent à la croissance économique nationale à hauteur de 73%, grâce aux secteurs des hydrocarbures mais aussi ceux de l’agriculture et de l’industrie», estimant, par ailleurs, qu’«elles sont en mesure d’améliorer ce chiffre en recourant à des niches de croissance par l’investissement». Plusieurs entrepreneurs publics ont assisté à cette rencontre consacrée au débat autour des problèmes rencontrés par ces opérateurs, qui ont, à cet égard, formulé une série de recommandations devant accompagner la réussite du Plan de relance économique. Cette initiative intervient quelques jours après que la Confédération algérienne du patronat citoyen (CAPC) ait rendu public une liste de 62 propositions à soumettre au Président Tebboune.
Les deux secteurs sont appelés à collaborer afin d’inventer ensemble un nouveau modèle économique et surtout contribuer efficacement à la mise en œuvre du Plan de relance économique, en cours. L’objectif est d’encourager la compétitivité, la coopération (gagnant-gagnant), le rendement et surtout la diversification de l’économie nationale. Le vice-président de l’UNEP s’est dit confiant en les capacités et performances des entreprises publiques à surmonter la double crise multi-crise (sociale, économique et sanitaire) actuelle par «la possibilité, pour une entreprise étant à l’aise financièrement, de créer de la valeur en investissant dans une autre entreprise moins bien nantie financièrement», soulignant «la vulnérabilité des entreprises face à des événements perturbateurs de grande ampleur. Cette crise n’a épargné aucune entreprise, quelle que soit la taille ou le secteur». Concernant l’état de santé des entreprises publiques défaillantes, M. Amara s’est montré rassurant, expliquant que «dans ce genre de cas, nous avons plus besoin d’une bonne gouvernance que de finances, au vu des montants alloués par les organismes financiers aux entreprises, sans que certaines d’entre elles ne fassent évoluer leur situation. Les finances ne sont qu’un outil pour concrétiser les bonnes idées». Il a pointé la mauvaise gestion et gouvernance quasi-généralisée.
C’est un mal qui ronge chaque jour un peu plus le secteur public, ce qui accentue, selon le président de l’UNEP, Lakhdar Rekhroukh, «les problèmes en relation avec la gestion, l’exportation, la compétitivité en plus du secteur informel qui engendre une concurrence déloyale». La solution à ces problèmes serait que «l’entrepreneur public soit tenu à une gestion rigoureuse des capitaux marchands de l’Etat», préconisant la «la dépénalisation de l’acte de gestion dont le dossier est pris en charge par les autorités avec un texte de loi qui est en cours d’élaboration, ce qui permettra de libérer l’initiative du gestionnaire public». Il a appelé à «la levée des obstacles à la promotion de l’investissement et à l’accès au financement bancaire, l’assouplissement des procédures de soutien aux exportations ou encore la relance du Conseil des participations de l’Etat (CPE) qui n’a pas siégé depuis près d’une année». Les participants ont évoqué, également, le problème du foncier qui est mal «distribué», appelant les autorités à plus de rigueur et à remettre de l’ordre dans ce secteur. En conclusion, les entrepreneurs publics et privés s’accordent sur les difficultés que rencontre l’investissement en Algérie, mais aussi sur les solutions à apporter. La majorité des propositions formulées par les opérateurs des deux secteurs (public-privé) font consensus.
Samira Takharboucht