Des méfaits ravageurs de l’absolutisme

«Loâbet El Arch» en lice au 14e FNTP

La pièce de théâtre «Loâbet El Arch» (Jeu de trône), une tragi-comédie sur les méfaits ravageurs de l’absolutisme au pouvoir, a été présentée mercredi à Alger, devant un public tenu au strict respect des mesures d’hygiène sanitaire.

Entré en compétition du 14e Festival national du théâtre professionnel (FNTP), le spectacle «Loâbet El Arch», accueilli au Théâtre national Mahieddine-Bachtarzi, a été mis en scène par Abbas Mohamed Islem, sur un texte de l’œuvre, «Escurial» du dramaturge belge, Michel de Ghelderode (1898-1962), adapté, puis soumis au traitement dramatique par Rabah Houadef et Fethi Kafi, respectivement. D’une durée de 70 mn, le spectacle traite d’un monarque en fin de règne, campé par Fethi Kafi, un tyran qui venait d’empoisonner la reine, devenu capricieux et grincheux, affaibli par de multiples trahisons dans son entourage immédiat et un climat de suspicion généralisé, après l’infiltration dans son royaume d’idées complotistes. Suggérée par des aboiements de chiens, l’insurrection populaire contre la monarchie royale est orchestrée par le bouffon du roi (Aribi Hamdi), qui a fait reculer le bourreau (Mohamed Bezzahi), un serviteur faussement solidaire de son «maître» et tentant de gagner le soutien des deux servantes (Hanane Cherairia et Meriem Fenides), devenues conseillères du souverain et présentes avec lui dans ses moments intimes.
Tentant de rétablir la confiance avec son peuple à travers le plan d’urgence, «une viande pour chaque chien», le roi essuie un rejet catégorique de la part de ses administrés qui seraient, eux aussi, infiltrés car ils auraient sollicité l’aide des royaumes étrangers. «Les rois ne savent pas aimer le royaume et l’amour ne peuvent se rencontrer», cria le bouffon dans la figure de son maître, avant l’arrivée du bourreau qui, à défaut d’offrir son roi à la colère de la rue, le fait fuir pour occuper le trône et faire du bouffon un de ses plus proches conseillers, sous les aboiements intenses des chiens. Dans une trame poétique aux échanges métaphoriques qui ont mêlé le dramatique au comique, les comédiens, très applaudies par le public, ont brillamment occupé tous les espaces de la scène et réussi à porter la densité du texte, attirant l’attention, selon un spectateur, sur «le droit des peuples à vivre dans une République qui puisse leur garantir la liberté, la justice sociale et le partage égal des richesses».
Le décor, minimaliste, à dominance rouge, a consisté en un trône au dossier biscornu, présentant des saillies, placé au milieu de l’arrière-scène, entouré de grandes étoffes et bâti sur une double estrade tapissée, au milieu de deux pantalons (longs rideaux de scène) sur lesquels des squelettes de crânes humains sont dessinés. La cour du roi a également été embellie par une entrée et une sortie disposées en diagonale, faites en arcs fleuris et frappées de projecteurs rougeâtres, restituant ainsi, les atmosphères de solennité de ce haut lieu de l’exercice du Pouvoir. Œuvre de Mokhtar Mouffok, honoré par le 14e FNTP, l’éclairage, aux atmosphères feutrées, soutenu par des bouffées de fumées aux fragrances agréables a bien servi les scènes de détente du roi avec ses servantes.
La bande son, signée Madjid Mansouri, faite d’extraits de musiques basées sur des patrons rythmiques dans le genre «Aissaoua», entre autre, a été d’un apport concluant au spectacle, appuyant les différentes scènes par des séquences adéquates aux charges émotionnelles portées par les personnages dans les différents tableaux. Applaudissant longtemps les artistes à l’issue de leur prestation, l’assistance a savouré tous les instants du spectacle «Loâbet El Arch», produit en 2019, par le Théâtre régional de Guelma.

«Sekoura» plaide pour le droit de la femme à s’émanciper
La pièce de théâtre «Sekoura», une comédie noire sur le droit de la femme à s’émanciper et disposer de sa vie, est entrée, jeudi à Alger, en compétition du 14e Festival national du théâtre professionnel (FNTP). Accueilli au Théâtre national Mahieddine-Bachtarzi (TNA), le spectacle d’une durée de 75 mn a été mis en scène par Ali Djebbara, sur un texte adapté par Moulay Meliani Mourad Mohamed, du roman «El Malika» (la reine) de l’écrivain Amine Zaoui, présent dans la salle. Surnom donné à toute femme belle et chic dans les régions berbérophones en Afrique du nord, «Sekoura» (la perdrix en Tamazight), est un nom vernaculaire d’un genre d’oiseaux admiré pour sa beauté et son élégance, mais également prisé comme gibier par les chasseurs. Tout commence dans la morgue d’un hôpital où les premiers extraits du roman, «El Malika» d’Amine Zaoui sont lus, faisant adhérer les huit employés de la Santé qui y travaillent, s’invitant dans l’histoire de Sekoura, pour pénétrer son univers et incarner ses différents personnages. Vêtue d’une robe rouge, Sekoura, personnage principal du spectacle campé par Loubna Noui, est une femme libre, à la limite de la désinvolture, sujette à tous les «qu’en-dira-t-on ?», car elle venait de divorcer avec son conjoint, sans donner les raisons de sa rupture à l’entourage de son mari.
Retrouvant sa liberté, Sekoura s’est remariée avec un Chinois en qui, elle a trouvé toute l’attention et le respect dont elle était privée avec son premier mari. Les parents du mari divorcé, rendus par Ali Achi et Michou, la servante joué par Chaima Ouerad, Abderrahmane par Riad Djefaflia, Abdelkader par Brahim Helaimia, l’officier de police par Samir Zafour et le président de l’Assemblée populaire communale, Chihab Eddine Atrous, cherchent tous à percer le secret de cette rupture, jetant l’opprobre sur Sekoura. Dans la foulée des événements, la servante, victime de la tragédie nationale, raconte son marasme de jeune femme, alors âgée de 16 ans, kidnappée et abusée par plusieurs terroristes, au point de ne pouvoir reconnaître le père de son enfant parti nulle part lui aussi. Dans un spectacle à rebondissements, l’opposition des visions entre, Sekoura qui veut vivre et disposer de sa vie et tous les autres qui lui dressent des regards obliques, l’accablent de préjugés et la pointent du doigt pour la salir et la déshonorer, a créé une dualité qui a mis à nu l’esprit étroit de l’homme et le regard macho de la société.
Repoussée dans ses retranchements et accablée par la rumeur, Sekoura lavera son honneur en révélant la raison de son divorce qui laissera tout le monde perplexe et sans voix. Œuvre du metteur en scène, la scénographie fonctionnelle à dominance blanche, a consisté en un décor imposant qui a restitué les atmosphères glaciales d’une morgue toute en faïences, annoncée par une entrée en arcade qui s’ouvre sur une symétrie de tables funéraires, utilisées comme bancs ornés de grands éventails évoquant la Chine, qui s’ouvrent et se referment selon les différentes scènes. Les atmosphères créées par un éclairage, diversifié entre vif et feutré, latéral, facial ou vertical a bien servi le spectacle, tout comme la conception de la bande son, signée Mohamed Zami qui a pris le soin de plaider pour toutes les femmes en Algérie, en faisant voyager la thématique du spectacle à travers des compositions de qualité, conçues dans plusieurs styles musicaux de différentes régions du pays. Très applaudis par le public, les comédiens ont excellé dans le rendu du spectacle «Sekoura», produit par le Théâtre régional de Souk Ahras. Le 14e Festival national du théâtre professionnel se poursuit jusqu’au 21 mars, avec au programme de vendredi, deux pièces de théâtre, «Keddab.com», spectacle en off, de la Coopérative culturelle «Les nomades» de Béjaïa, programmé à l’espace Hadj-Omar (salle annexe du TNA), et «Arlequin, valet des deux maîtres», prestation en compétition, produite par le Théâtre régional d’Oran et programmée au TNA.
R. C.