Posant la problématique de la sécurité nationale, l’inflation et la détérioration du pouvoir d’achat, il s’impose de revoir la gouvernance économique

Développement économique

Comment ne pas rappeler ma contribution, au niveau national et international, sous le titre « Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement, allons faire le marché ensemble» (www.google.com le 8 septembre 2009) toujours d’une brûlante actualité, montrant que les mécanismes de régulation et de gouvernance n’ont pas fondamentalement changé.

S’agissant d’un problème aussi complexe que celui de l’inflation, une analyse objective doit tenir compte de la structure et des particularités de l’économie à laquelle elles sont appliquées, les aspects de structures de l’économie internationale, de l’économie interne résultant de l’option de la stratégie de développement économique, aux schémas de consommation générés en son sein pour des raisons historiques, d’influences socioculturelles et aux composantes des différentes forces sociales pour s’approprier une fraction du revenu national. Il y a lieu d’éviter à la fois autosatisfaction et sinistrose par un discours de vérité, des réalisations entre 1963/2020 mais également des insuffisances qu’ils s’agit de corriger.

1- Concernant la maîtrise de l’inflation annoncée par certains responsables, je laisse le soin aux ménages algériens, aux journalistes de terrain, aux experts universitaires et aux opérateurs économiques le soin de juger. En économie, la production des marchandises par des marchandises, des segments de circuits ouverts, circuit existant en dynamique, un lien dialectique entre toutes les sphères de l’activité économique. Nous avons depuis quelques mois, avec une amplification entre janvier et mars 2021, une envoilée de la majorité des prix tant des matières premières, biens d’équipements et des biens de consommation comme par exemple les produits des pauvres les pâtes, lentilles, haricots entre 30/50%, la sardine plus de 1 000 dinars le kg, le poulet 500 dinars le kg et beaucoup plus pour les produits informatiques, les fruits malgré leur disponibilité fluctuant entre 150/300 dinars le kg ou d’autres poissons et de la viande 1 500 dinars/1 800 le kg selon la qualité, le foi plus de 3 000 dinars le kg, la crevette royale et le rouget plus de 2 500/3 000 dinars le kg, donc inaccessibles aux bourses moyennes. Alors que doit être un revenu pour une famille avec trois enfants payant les factures de loyer, d’électricité et gaz et sans voitures ? Concernant le blocage des importations de voitures, qui ne sont pas un produit de luxe, (la voiture d’occasion ayant augmenté entre 40/50%) du fait de la faiblesse des moyens de transport public, pour la majorité des couches moyennes l’utilisant comme moyen de locomotion pour aller travailler, la majorité des pièces détachées.
Certes, on peut économiser la valeur des importations, sans bonne gouvernance, mais c’est comme un ménage mal nourri, il fait des économies mais avec des répercussions sur le corps social à travers différentes maladies, mais cette fois qui se répercute à travers les importations de médicaments en devises. On ne peut invoquer, pour expliquer l’inflation et par là, la détérioration du pouvoir d’achat de la majorité des Algériens, uniquement les effets des augmentations des salaires qui représente moins de 20% du PIB. Encore, il faut être réaliste, il serait suicidaire de vouloir doubler les salaires pour des raisons populistes ce qui entraînerait une hyperinflation non maîtrisable du fait de la mauvaise gouvernance encore qu’existe une profonde injustice sociale de la gestion de la caisse de retraite qui certes accuse un déficit d’environ 700 milliards de dinars en 2020, existant deux collèges, l’un étant réévalué régulièrement percevant 100%, et l’autre la majorité plus de 90% percevant 80% de leur salaire d’origine.
Comme il est faux d’imputer cette hausse des prix à l’extérieur, excepté certains produits qui connaissent depuis l’épidémie du coronavirus une tension sur le marché mondial, où nous assistons à la déflation. Se pose la question face à la déflation (baisse des prix au niveau mondial) qui a eu des répercussions sur la baisse du niveau des importations algériennes mais pas sur les prix des consommateurs. Pourquoi le consommateur algérien n’en bénéfice pas ? La raison essentielle de la non répercussion de cette baisse des prix au niveau mondial est que la Banque centrale d’Algérie a dévalué simultanément (et c’est un paradoxe puisque la cotation de ces monnaies n’évolue pas dans le même sens), le dinar par rapport à la fois au dollar et à l’euro. En fait, la raison fondamentale du processus inflationniste en Algérie trouve son fondement dans le mode d’accumulation biaisé, où n’existe pas de proportionnalité entre la dépense publique et les impacts économiques et sociaux et si l’on continue dans cette voie hasardeuse de l’assainissement répété des entreprises publiques, couplé avec l’inefficacité des dépenses publiques C’est la conséquence d’un manque de cohérence et de visibilité dans la politique économique et sociale, avec la corruption socialisée qui engendre une démobilisation générale.

2- Quelles sont les raisons principales de ce processus inflationniste ? Premièrement, l’inflation provient de la faiblesse de la production et de la productivité interne (plus de 1 000 milliards de dollars de recettes en devises entre 2000/2019 avec une importation de biens et services d’environ 935 milliards de dollars, le taux d’intégration entreprises publiques et privées ne dépasse pas 15%. L’efficacité de la récente dynamisation de la diplomatique économique suppose des entreprises compétitives en termes de coûts/qualité alors que 97/98% des exportations sont le résultat des hydrocarbures à l’état brut et semi-brut tenant compte des dérivés d’hydrocarbures comptabilisés dans la rubrique exportation hors hydrocarbures. Les réserves de change ont terminé fin 2020 à 42 milliards de dollars contre 194 en janvier 2014, 62 fin 2019 et à cette tendance entre 2019/2020 fin 2021 environ 20 milliards et qu’en sera-t-il en 2022 si le cours du pétrole stagne entre 55/65 dollars et s’il n’y pas de relance économique ? La loi de finances 2021 pour son équilibre selon le FMI, nécessite plus de 110 dollars le baril, 135 dollars selon la Banque mondiale dans son rapport de janvier 2021, le PLF-2021 prévoyant un déficit budgétaire record de plus de 21,75 milliards de dollars contre à la clôture 2020 de 18,60 milliards de dollars avec un déficit global du trésor de 28,26 milliards de dollars, soit 17,6% du PIB.
C’est que plus de 95% du tissu économique sont constitués de PMI/PME organisées sur des structures familiales, ne possédant pas de management stratégique, ne pouvant pas faire face à la concurrence internationale. La deuxième raison du processus inflationniste est la dévaluation rampante du dinar, sans réformes structurelles. On peut établir un coefficient de corrélation entre la cotation du dinar, le niveau des réserves de change provenant des hydrocarbures et l’évolution des recettes des hydrocarbures pour un taux d’environ 70%, 30% étant dues aux phénomènes spéculatifs et aux sections hors hydrocarbures bien que limitées. Avec une diminution des réserves de change inférieur à moins de 15/20 milliards de dollars, pouvant tendre vers zéro horizon 2022, la cotation du dinar s’établirait à entre 200/250 dinars un euro au cours officiel et plus de 300 dinars un euro sur le marché parallèle. La troisième raison du processus inflationniste est la dominance de la sphère informelle produit des dysfonctionnements des appareils de l’Etat et le manque de vision stratégique qui bloquent l’émergence d’entreprises productives.
Il s’agira d’éclairer l’opinion publique afin d’éviter la cacophonie sur le montant exact de la sphère informelle en ne faisant pas de confusion en distinguant la part dans le PIB qui serait d’environ 40/50% selon l’ONS, en référence à la superficie économique dominée par les services, du volume des emplois, incluant les emplois temporaires, et le montant de la masse monétaire en circulation qui serait d’environ 33% selon la Banque d’Algérie ayant augmenté entre 2019/2020. Car existent plusieurs méthodes d’évaluation chacune un montant différent (voir étude pour l’Institut français des Relations Internationales sur la sphère informelle au Maghreb du Pr A. Mebtoul -Paris décembre 2013). Au niveau de cette sphère, tout se traite en cash, alors que la base de l’économie moderne se fonde sur le crédit, et qu’au-delà de 100 dollars, la carte de crédit est souvent exigée, cette sphère contrôlant quatre segments-clefs : fruits et légumes, viande, poisson pour les marchandises locales et pour l’importation, le textile, chaussures. Aussi, il y a lieu d’éclater le revenu national par couches sociales pour comprendre les impacts du processus inflationnistes alors qu’aucune enquête sérieuse n’a vu le jour, pour des raisons politiques, se contentant de donner un agrégat global d’amélioration du revenu global de peu de signification voilant les disparités, l’indice de l’ONS n’ayant pas été actualisé depuis 2011.
Se pose la question sur la validité d’une ancienne enquête internationale, montrant une concentration excessive du revenu national au profit d’une minorité rentière, où, selon les estimations des programmes des Nations unies pour le développement, le taux des personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté en Algérie, qui gagnent moins de deux dollars par jour, serait estimé à plus de 20% de l’ensemble des habitants, les employés touchant des salaires variant entre 20 et 40 000 dinars constituerait plus de 60% alors que 20% des catégories les plus riches bénéficieraient de 42,6% des revenus. Fait nouveau, une partie de la classe moyenne commence à disparaître graduellement et à rejoindre la classe pauvre. L’action louable au profit des zones d’ombre serait un épiphénomène face à la détérioration du pouvoir d’achat de la majorité de la société civile informelle silencieuse, la plus nombreuse, atomisée, non encadrée qui risque de basculer dans l’extrémisme, face à des discours de responsables déconnectés de la réalité, des partis politiques traditionnels et une société civile officielle souvent vivant de la rente, inefficience comme intermédiation sociale et politique, ce qui pose un problème de sécurité nationale : attention avec cette dévaluation accélérée au dinar au scénario vénézuélien et libanais où le signe précurseur est la mise en circulation d’un billet de 2 000 dinars.
Les tensions sociales, à court terme tant qu’il y a la rente, sont atténuées artificiellement grâce aux recettes des hydrocarbures qui permettent des subventions pour la farine, la semoule et le lait et une somme colossale des transferts sociaux mais mal gérés et mal ciblés qui ne profitent pas toujours aux plus démunis. Ces tensions sociales sont également atténuées par la crise du logement qui renforce la solidarité familiale (même marmite, mêmes charges), assurant une paix sociale transitoire. Même si le rapport de la BAD de mars 2021 prévoit pour l’Algérie un taux de croissance de 3,5% et 2,2% en 2022, un taux de croissance se calcule par rapport à la période précédente où en 2020, le taux de croissance a été négatif de 6,5% selon le FMI.
(A suivre)
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul