De la Commedia Dell’Arte au théâtre d’El Halqa

«Arlequin, valet des deux maîtres» au FNTP

Le spectacle «Arlequin, valet des deux maîtres», comédie populaire italienne du XVIIe siècle, revisitée et mise à jour dans une adaptation libre aux contours du théâtre d’El Halqa, a été présentée, vendredi à Alger devant un public conquis.

Tenue au strict respect des mesures d’hygiène sanitaire, l’assistance du Théâtre national Mahieddine-Bachtarzi (TNA) a savouré, 80 mn durant, tous les moments du spectacle, entré en compétition du 14e Festival national du théâtre professionnel (FNTP). Mis en scène par Ziani Cherif Ayad sur une dramaturgie de Mohamed Bourahla, tirée de la traduction du texte original de Carlo Goldoni (1707-1793), réalisée en 1993 par le regretté dramaturge et comédien Abdelkader Alloula (1939-1994), «Arlequin, valet des deux maîtres» est une fusion des genres prolifique qui a englobé plusieurs registres de théâtre. N’ayant gardé que les événements de l’histoire originelle, les comédiens, dans des accoutrements variés, ont brillamment déplacé le repère spatio-temporel de la trame, vers les temps et lieux actuels, s’imprégnant de la richesse du patrimoine oral et culturel de l’Ouest algérien.
Dans une mise en scène prolifique, le spectacle a regroupé plusieurs registres et conceptions théâtrales, à l’image de la «scène dans la scène», qui a consisté à inviter un spectacle sensé se produire sur les places publiques entouré de spectateurs, sur les planches d’un théâtre. Arlequin dans la halqa, une combinaison réussie à la créativité singulière, qui a donné libre court à des artistes, bien inspirés, évoluant dans un jeu de rôles libre et spontané, dans la technique du «théâtre dans le théâtre», se substituant parfois au public, dans un spectacle comique et burlesque. La scénographie signée par le grand Arezki Larbi, qui a consisté en une grande scène arrondie délimitant le repère spatial de la trame, entourée de quelques sièges de fortune, a été un élément dramaturgique déterminant dans l’orientation de la conception du spectacle, également soutenu par un éclairage judicieux aux atmosphères feutrées.
La bande son, faite d’extraits et de thèmes musicaux renvoyant au patrimoine de l’Ouest algérien a été rendue en temps réel par le duo Sensabil Baghdadi au Oud et au violon et Youcef Gouasmi à la percussion. Dans une fusion ouverte sur l’improvisation, le plus important, selon le directeur du Théâtre régional d’Oran, Mourad Snouci est de «ramener le spectacle du genre de la +Commedia Dell’Arte+, à celui du théâtre populaire oranais» avec des personnages sans masques, aux «caractères autochtones», évoluant sur une scène arrondie «renvoyant au théâtre d’El Halqa». Dans un bel hommage à Abdelkader Alloula qui «perpétue son esprit», le méta théâtre et la fusion de deux genres de théâtres de rue, ont permis de rendre une histoire universelle connue de tous dans «une forme locale bien de chez nous».
Fille unique de Pantalon (Djahid Dine El Hennani), un riche marchand vénitien, Clarisse (Amina Belhocine) vit les derniers arrangements en vue de son mariage avec Silvio (Amine Rara), fils du docteur Lombardi (El Hani Mahfoud), lorsqu’intervient Arlequin (Mustapha Meratia) pour annoncer la visite de son nouveau maître Federigo Rasponi, premier fiancé de Clarisse, pourtant supposé mort à Turin, assassiné dans une embuscade. Plongée d’abord dans la stupeur, l’assemblée, dont Brighella (Ahmed El Aouni) et la bonne (Zahia Aissa), découvrira après que le nouveau maître d’Arlequin, n’est autre que Béatrice (Dalila Nouar), la sœur de Frederigo Rasponi qui s’est dissimulée dans ses accoutrements et qui, en réalité, était à la recherche de son amant Florindo Aretusi (Youcef Gouasmi), accusé d’être l’assassin de Federigo Rasponi. Arlequin, se faisant solliciter par Florindo Aretusi, s’invente un clone et accepte alors de le servir, devenant ainsi le valet de deux amants qui se cherchent, bousculant l’autorité des maîtres et bouleversant les amours. Le spectacle «Arlequin, valet des deux maîtres» a été produit par leThéâtre régional d’Oran en collaboration avec le TNA. Le 14e Festival national du théâtre professionnel se poursuit jusqu’au 21 mars, avec au programme de samedi, deux pièces de théâtre, «yema’L’dzayer», spectacle en off, de l’Association culturelle «Ithran» Takerboust de Bouira, programmé à l’espace Hadj-Omar (salle annexe du TNA), et «Khatini», prestation en compétition, produite par le Théâtre régional de Mostaganem et programmée au TNA.
R. C.