Pressions internationales pour former un nouveau gouvernement

Liban

Le Liban est sans gouvernement depuis plus de sept mois en raison de divergences persistantes entre le président Michel Aoun et le Premier ministre Saad Hariri, poussant la communauté internationale à accroître la pression sur les dirigeants libanais face aux multiples crises dans le pays.

Après plusieurs mois de blocage et malgré l’urgence de la situation, les partis politiques libanais restent absorbés dans des marchandages interminables, se disputant comme souvent la répartition des portefeuilles ministériels. Cette impasse a été confirmée lundi après la réunion entre MM. Aoun et Hariri qui n’a débouché sur aucun accord concernant la formation d’un nouveau cabinet. Préoccupée par ce blocage, la communauté internationale a multiplié les appels à la formation rapide d’un nouveau gouvernement pour sauver le pays qui connait des troubles depuis octobre 2019 sur fond de révolte populaire contre la classe dirigeante jugée incompétente et accusée de corruption. Ainsi, la Coordonnatrice spéciale adjointe des Nations unies et responsable du Bureau du Coordonnateur spécial des Nations unies pour le Liban (UNSCOL), Najat Rochdi, a appelé mardi soir les dirigeants politiques libanais à se «concentrer de toute urgence» sur la formation d’un nouveau gouvernement pour mettre en œuvre les réformes nécessaires.
«Cette étape doit être franchie et ne peut plus être retardée», a insisté la responsable onusienne. Avec l’aggravation de la crise socio-économique, la situation financière qui s’effondre et les personnes entrant dans la pauvreté et l’insécurité alimentaire, Mme Rochdi a appelé les dirigeants libanais à «mettre de côté leurs différends, à prendre leurs responsabilités, à mettre fin à la paralysie, à écouter les appels des Libanais, et enfin à proposer des solutions au peuple libanais». L’appel de Mme Rochdi intervient quelques jours après que les membres du Conseil de sécurité de l’ONU ont qualifié d’«extrêmement fragile» la situation prévalant au Liban, mettant en garde contre «une crise profonde» dans ce pays. Pour sa part, la Ligue arabe a appelé mardi toutes les factions politiques au Liban à «prioriser l’intérêt» du pays et à «œuvrer rapidement pour sortir de l’impasse politique qui exacerbe les souffrances du peuple libanais», a indiqué un communiqué de l’organisation panarabe.
La Ligue arabe est prête à «intervenir, si on le lui demande, pour rapprocher les points de vue et réduire la fracture actuelle, afin de parvenir à une solution consensuelle permettant au président désigné de former son gouvernement sans délai…», a indiqué le sous-secrétaire général de la Ligue arabe, Hossam Zaki dans le communiqué. M. Zaki a mis l’accent sur l’impératif de former un gouvernement qui «puisse travailler, avec les compétences des spécialistes, pour extirper le Liban de sa situation de crise actuelle à travers la mise en œuvre des réformes nécessaires qui répondent aux aspirations et aux revendications des Libanais». Sur le plan politique, aucune nouvelle date de rencontre entre Aoun et Hariri n’a été annoncée à l’issue de leur réunion de lundi marquée par des accusations acerbes et publiques entre les deux hommes.
Après sa rencontre avec M. Aoun, M. Hariri a reproché au chef de l’Etat d’entraver la formation du gouvernement en insistant sur une minorité de blocage au sein de la prochaine équipe ministérielle et en cherchant à imposer une répartition confessionnelle et partisane des portefeuilles. M. Hariri a, lors d’une conférence de presse, a réitéré son attachement à un gouvernement de technocrates réclamé à l’international, chargé de lancer des réformes et de stopper l’effondrement et de débloquer une aide étrangère substantielle, gouvernement qu’il a qualifié d’«unique et dernière chance pour le pays». M. Hariri a assuré avoir soumis au président Aoun une ébauche de gouvernement depuis 100 jours, avant de la dévoiler à la presse, le nom des ministres à l’appui.
Pour sa part, la présidence de la République libanaise a démenti dans un communiqué toute velléité de minorité de blocage et exprimé son étonnement quant aux propos de M. Hariri. Trois fois premier ministre, Saad Hariri a été chargé à la fin d’octobre – un an après sa chute sous la pression de la rue – de former un nouveau gouvernement. Mais cinq mois plus tard, les partis restent absorbés par leurs habituels marchandages dans un pays multiconfessionnel. Le gouvernement actuel, chargé des affaires courantes, a démissionné en août après l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth (plus de 200 morts, des milliers de blessés), rappelle-t-on. Face à l’impasse politique et l’effondrement record de la monnaie locale, de nombreux Libanais manifestent à nouveau dans les rues depuis plusieurs semaines, dans une sorte de regain de la révolte populaire déclenchée le 17 octobre 2019 contre la classe dirigeante.
R. I.