Emmanuel Macron reconnaît l’intervention illégale de la France en Libye

La France veut sa part du gâteau dans la reconstruction de la Libye

Pour la première fois, un Président français reconnaît la responsabilité de la France dans la décennie de désordre qui a secoué la Libye.

Une posture courageuse, mais qui a aussi vocation à servir les intérêts stratégiques de Paris dans la reconstruction du pays, analyse Kader Abderrahim, spécialiste de la géopolitique de l’Afrique du Nord. «Nous avons une dette envers la Libye». Très claire : une décennie de désordre. Dix ans après l’intervention de l’Otan en Libye, Emmanuel Macron a officiellement reconnu la responsabilité de la France dans le chaos qui secoue la région. Une première depuis la chute du guide Mouammar Khadafi. Par la voix de son Président, la France veut avancer dans ce dossier. Au détour d’une recente visite de Mohammed el-Menfi, le chef du Conseil présidentiel libyen, à Paris, Emmanuel Macron a annoncé apporter son soutien à l’effort de reconstruction.
«Ce n’est pas simplement un soutien de mots ou de façade, c’est un soutien complet qui sera celui de la France», précise le chef de l’État. «Il y a une forme de reconnaissance des erreurs politiques de la France», résume Kader Abderrahim, directeur de recherche à l’Institut de prospective et de sécurité en Europe (IPSE) et spécialiste de la géopolitique de l’Afrique du Nord. «Il y a une volonté de dire des choses que l’on n’a pas l’habitude d’entendre. Reconnaître l’erreur de la France en Libye, seulement une décennie après, ce n’est pas banal! D’une certaine manière, ça dit beaucoup de la nouvelle diplomatie qu’Emmanuel Macron veut incarner», ajoute-t-il.

Libye : le drame humanitaire
En effet, depuis l’intervention de l’Otan, dans laquelle la France a joué un rôle principal en 2011, le pays ne s’est jamais stabilisé. Bien au contraire, la violence y a fait rage. Les différentes factions ont tenté de profité du vide politique créé par l’élimination de Kadhafi. Une situation chaotique. En recoupant les ressources disponibles, on peut toutefois évaluer les pertes civiles et militaires à au moins plusieurs dizaines de milliers. Le journaliste américain Nicolas J.S. Davis, de Consortium News, estime le chiffre total à près de 250.000 morts. La France veut rester présente en Libye qui se situe dans son espace géostratégique. Le vent tourne en Libye et le pays semble prendre la voie d’une paix crédible. Le gouvernement d’unité nationale (GNA), sélectionné dans le cadre d’un processus soutenu par les Nations unies, favorise le cabinet unifié d’Abdel Hamid Dbeibah qui s’est vu remettre le pouvoir par le gouvernement de l’Est libyen dirigé par Abdallah al-Thani, ce 23 mars 2021 au cours d’une cérémonie à Benghazi.
Ainsi, Emmanuel Macron a reçu à l’Élysée le chef du Conseil présidentiel libyen, Mohammed El-Menfi, et a annoncé la réouverture de l’ambassade de France à Tripoli. La représentation diplomatique française en Libye avait été fermée en 2014, tout en restant active depuis Tunis. Après avoir reconnu sa responsabilité dans le chaos qui a secoué le pays pendant dix ans, Emmanuel Macron avoue la responsabilité de la France dans le chaos causé par l’intervention illégale en Libye initiée par Nicolas Sarkozy. Le Président Macron a abordé les questions du retrait des mercenaires étrangers et la réouverture de l’ambassade française à Tripoli. «Nous avons une dette envers la Libye», a-t-il déclaré devant les dirigeants libyens, mardi 23 mars 2021 à l’Élysée. En présence de Mohammed el-Menfi, président du Conseil présidentiel de Libye, le chef de l’État a annoncé que la France rouvrirait le 29 mars son ambassade à Tripoli. La mission diplomatique avait été évacuée de cette ville en juillet 2014 à la suite des combats.
Depuis, pour des raisons de sécurité, l’ambassadeur français remplissait ses fonctions depuis Tunis. Le chef de l’État a ajouté que la France et ses partenaires européens soutenaient les nouvelles autorités libyennes dans leurs efforts pour préserver le cessez-le-feu, unifier l’armée nationale et les institutions financières, ainsi que pour tenir les élections programmées en fin d’année. D’après lui, l’une des priorités pour la Libye est le retrait des troupes et combattants étrangers. En 2011, une coalition conduite par Paris et Londres, soutenue ensuite par l’Otan, y avait mené des raids aériens illégaux.
Face à la répression des manifestants de la part de Kadhafi, Sarkozy avait reçu à Paris les représentants du conseil libyen de transition. Avec l’aide de l’ancien Premier ministre britannique David Cameron, le chef d’État français avait lancé une bataille diplomatique pour l’adoption de la résolution 1 973 du Conseil de sécurité des Nations unies. Celle-ci prévoyait une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye, et l’usage de tous les moyens nécessaires pour protéger les populations civiles, tout en excluant le déploiement d’une force d’occupation étrangère sous quelque forme que ce soit et sur n’importe quelle partie du territoire libyen. La résolution avait été adoptée par 10 voix pour (États-Unis, France, Royaume-Uni, notamment), alors que l’Allemagne, le Brésil, la Chine, l’Inde, et la Russie s’étaient abstenus. Deux jours après son adoption, le 19 mars 2011, la France avait procédé à ses premières frappes aériennes dans le cadre de «l’opération Harmattan». Paris avait ensuite été rejoint par les États-Unis et la Grande-Bretagne.
Oki Faouzi