Les ménages algériens désemparés face au processus inflationniste et à la détérioration du dinar

Economie

S’agissant d’un problème aussi complexe que celui de l’inflation, une analyse objective doit tenir compte de la structure et des particularités de l’économie à laquelle ils sont appliqués, les aspects de structures de l’économie internationale, de l’économie interne résultant de l’option de la stratégie de développement économique, aux schémas de consommation générés en son sein pour des raisons historiques, d’influences socio-culturelles et aux composantes des différentes forces sociales pour s’approprier une fraction du revenu national. Il y a lieu d’éviter à la fois autosatisfaction et sinistrose par un discours de vérité, des réalisations entre 1963/2020 mais également des insuffisances qu’ils s’agit de corriger.

1- Le taux d’inflation qui influe sur le pouvoir d’achat compressé en Algérie par les transferts sociaux généralisés et non ciblés qui dépasse les 10 du PIB, dont l’indice se calcule par rapport à la période précédente. Ainsi un taux d’inflation faible en T1 par rapport à un taux d’inflation élevé par rapport à To donne cumulé un taux d’inflation élevé et se pose la question de l’évolution du salaire réel par rapport à ce taux cumulé.
Le taux officiel a été selon le site international financier Index Mundi de 1999 à fin 2019 :
– 2000, 2,0%.
– 2001, 3,0%
– 2002, 3,0%
– 2003, 3,5%
– 2004, 3,1%
– 2005, 1,9%
– 2006, 3,0%
– 2007, 3,5%
– 2008, 4,5%
– 2009, 5,7%,
– 2010, 5,0%
– 2011, 4,5%
– 2012, 8,9% (après les augmentations de salaires)
– 2013, 3,9%
– 2014, 2,9%
– 2015, 4,2%
– 2016, 5,9%
– 2017, 5,6%
– 2018, 5,6%
– 2019, 5,6% et selon l’ONS.
– 2020, 2,4% et prévision 4,2% en 2021.

Ces données sont-elles réalistes et s’impose un organe de la statistique comme l’INSEE en France ou en Allemagne, indépendant du gouvernement et une révision de l’indice non réactualisé depuis 2011, ne reflétant plus la réalité. Il y a lieu de tenir compte de l’évolution des besoins nouveaux, où l’immatériel tend à prendre une proportion croissante et devant impérativement analyser les liens entre croissance, répartition du revenu national et modèle de consommation par couches sociales, un indice global ayant peu de signification. Quant à la valeur d’une monnaie qui dépend avant tout du niveau de la production et de la productivité interne et la capacité d’un pays à pénétrer le marché international et où l’évolution du cours officiel du dinar est fortement corrélé aux réserves de change via les recettes d’hydrocarbures à plus de 70%., nous avons la cotation suivante avec une cotation administrative jusqu’à fin 1992.
– 1970, : 4,94 dinars un dollar
– 1990 : 12,02 dinars un dollar
– 1991 18,05 dinars un dollar
– 1994 : 36,32 dinars un dollar
– 1995 : 47,68 dinars un dollar
– 1999 : 66,64 dinars un dollar
– 2001 : 77,26 dinars un dollar 69,20 dinars un euro
– 2005, 73,36 dinars un dollar, 91,32 dinars un euro
– 2010, 74,31 dinars un dollar et 103,49 dinars un euro
– 2015, 100,46 dinars un dollar et 111,44 dinars un euro
– 2016 :100,46 dinars un dollar et 111,44 dinars un euro
– 2017 : 110,96 dinars un dollar et 125,31 dinars un euro
– 2018 : 116,62 dinars un dollar et 137,69 dinars un euro
– 2019 :119,36 dinars un dollar et 133,71 dinars un euro :
– 2020 :127,95 dinars un dollar et 150,93 dinars un euro
– 22 mars 2021 133,62 dinars un dollar et 159,45 dinars un euro
– le PLF 2021 prévoit une cotation annuelle moyenne du dollar de 142,20 dinars en 2021 à 149,31 dinars en 2022 et 156,78 dinars en 2023.

2- Le dérapage du dinar contribue à la baisse des salaires ramenés en devises. Ainsi un salaire net de 50 000 dinars équivaut au cours actuel à 310 euros et le SMIG de 20 000 dinars à 125 euros, montant qu’il fut réduire de 50% si l’on prend le cours du marché parallèle où à ce cours un professeur d’université en titre, plus de 30 ans de carrière, en fin de carrière, perçoit moins de 800 euros (80% du salaire en retraite) contre plus de 1200 euros sans compter les avantages d’un député qui a passé quelques années à lever la main sans proposer aucune loi avec une retraire à 100%. Dans ce cas, il est utopique de parler d’encourager l’innovation ce qui favorise l’exode des meilleures compétences surtout des jeunes, d’autant plus que l’actuelle politique salariale, qui est totalement à revoir, favorise beaucoup plus les emplois-rente que les emplois productifs.
Par ailleurs, tout dérapage du dinar par rapport au dollar et à l’euro permet d’augmenter artificiellement la fiscalité hydrocarbures (reconversion des exportation hydrocarbures en dinars) et la fiscalité ordinaire (via les importations tant en dollars qu’en euros convertis en dinar dévalué), cette dernière accentuant l’inflation (équipements, matières premières, biens finaux), montant accentué par la taxe à la douane s’appliquant à la valeur dinar, étant supportée en fin de parcours, par le consommateur comme un impôt indirect, l’entreprise ne pouvant supporter ces mesures que si elle améliore sa productivité. En cas de baisse drastique des réserves de change à 10/12 milliards de dollars, qui tiennent la cotation du dinar algérien à plus de 70%, la Banque d’Algérie sera contrainte de dévaluer le dinar officiel à environ 200/220 dinars un euro avec une envolée du cours sur le marché parallèle, la cotation actuelle sur ce marché n’étant pas significative du fait de l’épidémie du coronavirus qui limite la demande.
Nous avons depuis quelques mois, avec une amplification entre janvier et mars 2021, une tension sur l huile de table, une envoilée de la majorité des prix tant des matières premières, biens d’équipements et des biens de consommation comme par exemple les produits des pauvres les pates, lentilles, haricots entre 30/50%, la sardine plus de 1 000 dinars le kg, le poulet 400/ 500 dinars le kg et beaucoup plus pour les produits informatiques, les légumes, pomme de terre dont le kg est passé de 40 dinars à 60/70 dinars, la tomate entre 120/050 dinars, les autres légumes et fruits malgré leur disponibilité fluctuant entre 150/300 dinars le kg pour ne pas parler de la viande 1  500/1 800 selon la qualité, le foi entre 2 500/3 000 dinars le kg, et les autres poissons, la crevette royale et le rouget plus de 2 500/3 000 dinars le kg, donc inaccessibles aux bourses moyennes. Alors que doit être un revenu pour une famille avec trois enfants payant les factures de loyer, d’électricité et gaz et sans voitures ?
Concernant le blocage des importations de voitures, qui ne sont pas un produit de luxe, (la voiture d’occasion ayant augmenté entre 40/50%) du fait de la faiblesse des moyens de transport public, pour la majorité des couches moyennes l’utilisant comme moyen de locomotion pour aller travailler, et la majorité des pièces détachées avec des pénuries toutes catégories de voitures ayant augmenté entre 50 et 100%, ce qui lamine le pouvoir d’achat des couches moyennes, pas ceux des hauts fonctionnaires qui ont une voiture de services. Certes, on peut économiser la valeur des importations, sans bonne gouvernance, mais c’est comme un ménage mal nourri, il fait des économies mais avec des répercussions sur le corps social à travers différentes maladies, mais cette fois qui se répercute à travers les importations de médicaments en devises. Se pose la question de la concentration excessive du revenu national au profit d’une minorité rentière où fait nouveau, une partie de la classe moyenne commence à disparaître graduellement et à rejoindre la classe pauvre.
L’action louable au profit des zones d’ombre serait un épiphénomène face à la détérioration du pouvoir d’achat de la majorité de la société civile informelle silencieuse, la plus nombreuse, atomisée, non encadrée qui risque de basculer dans l’extrémisme, face à des discours de responsables déconnectés de la réalité, des partis politiques traditionnels et une société civile officielle souvent vivant de la rente, inefficience comme intermédiation sociale et politique, ce qui pose un problème de sécurité nationale : attention avec cette dévaluation accélérée du dinar au scénario vénézuélien et libanais où le signe précurseur est la mise en circulation d’un billet de 2 000 dinars.
Les tensions sociales, à court terme tant qu’il y a la rente, sont atténuées artificiellement grâce aux recettes des hydrocarbures qui permettent des subventions pour la farine, la semoule et le lait et une somme colossale des transferts sociaux mais mal gérés et mal ciblés qui ne profitent pas toujours aux plus démunis. Ces tensions sociales sont également atténuées par la crise du logement qui renforce la solidarité familiale (même marmite, mêmes charges), assurant une paix sociale transitoire. L’effet d’anticipation, d’une dévaluation rampante du dinar, via la baisse de la rente des hydrocarbures, risque d’avoir un effet désastreux sur toutes les sphères économiques et sociales, avec comme incidences l’amplification du processus inflationniste, l’extension, de la sphère informelle et sur le taux d’intérêt des banques qui devraient le relever de plusieurs points, l’ajustant aux taux d’inflation réel, si elles veulent éviter la faillite, freinant à terme le taux d’investissement à valeur ajoutée.

3- On ne peut déclarer une appréciation du dinar, vision administrative bureaucratique du passé, qui sera fonction des seuls, les indicateurs macro financiers et économiques, mais surtout de la stabilité juridique, institutionnelle et politique, les élections législatives étant prévues en juin 2021, les investisseurs potentiels attendant la politique du nouveau gouvernement qui sera mis en place pas en principe juillet 2021, devant présenter le programme devant le nouveau Parlement et ne pourra pas être opérationnel pas avant septembre 2021. Même si les rapports de la BAD et du FMI de mars 2021 prévoit pour l’Algérie un taux de croissance de 3,5% et 2,2% en 2022, un taux de croissance se calcule par rapport à la période précédente où en 2020 le taux de croissance a été négatif de 6,5% selon le FMI. 2021, rapporté à 2020, donne toujours un taux de croissance faible, en termes réel entre 0 et 1% largement inferieur à la croissance démographique, supposant un taux de croissance de 8/9% sur plusieurs années afin d’absorber 350 000/400 300 emplois par an qui s’ajoute au taux de chômage actuel qui a été de 15% en 2020. Avec l’épidémie du coronavirus et les restrictions d’importation sans ciblage, selon les organisations patronales, plus de 70% d’entreprises courent à la faillite, fonctionnant à moins de 50% de leurs capacités.
(A suivre)
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul