«L’impact de la dépréciation du dinar, et la chute des réserves de change sur les indicateurs macro-économiques et sur la dynamique économique générale de l’Algérie»

Economie

Mesdames et Messieurs, je tiens d’abord à remercier vivement la Fondation allemande Friedrich Ebert et l’Union européenne de cette invitation sur un sujet qui détermine l’avenir économique de mon pays, l’Algérie sur le thème : «L’impact de la dépréciation du dinar algérien, et la chute des réserves de change sur les indicateurs macro-économiques et sur la dynamique économique générale de l’Algérie».

Avec l’épidémie du coronavirus et les restrictions d’importation sans ciblage, selon les organisations patronales, plus de 70% d’entreprises courent à la faillite, fonctionnant à moins de 50% de leurs capacités. Quant aux projets comme le fer de Gara Djebilet et du phosphate de Tébessa hautement capitalistique, montant de l’investissement dépassant 15 milliards de dollars pour uniquement ces deux projets qui n’en sont actuellement qu’aux intentions, un mémorandum n’est pas un contrat définitif comme rappelé précédemment, selon l’ex-ministre de l’Industrie (source APS, décembre 2020), le seuil de rentabilité, sous réserve de trouver un partenaire de renom, ces deux filières étant contrôlées au niveau du marché mondial par quelques firmes demandent du temps. Si les projets sont lancés en 2022 au moins 5/7 ans, soit 2027/2029, donc ne devant pas attendre des entrées de devises avant cette date, alors que le monde économique aura profondément changé, et pour les projets PMI/PME, leur seuil de rentabilité se fera dans deux à trois ans. Sachant qu’il faut un taux de croissance de 8/10% sur plusieurs années. Le dernier rapport de janvier 2021 de la CNUED, conséquence de la crise mondiale, montrant une baisse substantielle des IDE notamment vers le Maghreb et l’Afrique, ne devant pas confondre protocole d’accord pour certains projets comme annoncé récemment et accord définitif.
L’appréciation du dinar ou la dépréciation du dinar sera fonction des indicateurs macro financiers, économiques et de la stabilité juridique, institutionnelle et politique, les élections législatives étant prévues en juin 2021, avec des résultats pas avant fin juin 2021, les investisseurs potentiels attendant la politique du nouveau gouvernement. En plus avec l’épidémie du coronavirus et les restrictions d’importation sans ciblage, selon les organisations patronales, plus de 70% d’entreprises sont en difficultés courant à la faillite, fonctionnant à moins de 50% de leurs capacités. Quant au start-up, prestataires de services, elles ont besoin d’un marché et d’un environnement concurrentiel, leur efficacité serait nulle à terme sans la dynamisation du tissu productif, l’élévation du niveau de qualification, et une efficacité des institutions, nous retrouvons dans le même scénario de nombreuses faillites des projets de l’ANSEJ. Aussi, l’avenir de l’économie algérienne repose sur sept paramètres stratégiques, le tout s’articulant autour d’une nouvelle gouvernance et la moralité des gouvernants renvoyant au politique : premièrement, sur une plus grande cohérence des institutions centrales et locales par une réorganisation des institutions allant de la présidence de la République étant dans un régime semi-présidentiel, (création d’un haut commissariat à la planification stratégique, aux ministères, regroupements homogènes avec un grand ministère de l’Economie national) aux collectivités locales par une dé-bureaucratisation, autour de cinq à six grands pôles régionaux et évitant cette instabilité juridique perpétuelle et des lois déconnectées des réalités mondiales comme celle du 49/51%, si elle veut attirer les investisseurs potentiels, deuxièmement, la réforme urgente du système socio-éducatif, du primaire au secondaire et le supérieur y compris la formation professionnelle ; troisièmement, sur la réforme du foncier et du système financier (douane, fiscalité, domaine, banques), lieu de distribution de la rente et enjeu énorme du pouvoir ; quatrièmement, la maîtrise de la dépense publique, des coûts et la lutte contre les surfacturation et la corruption.
Transparency International dans son rapport de janvier 2021 note que la frustration face à la corruption des gouvernements et le manque de confiance dans les institutions témoignent de la nécessité d’une plus grande intégrité politique devant s’attaquer de toute urgence au rôle corrupteur des grosses sommes d’argent dans le financement des partis politiques et à l’influence indue qu’elles exercent sur les systèmes politiques où pour 2020, l’Algérie a été classée à la 104e place sur 180 pays avec une note de 36 sur 100. Selon cette institution internationale, une note inférieure à 3 signifie l’existence d’un «haut niveau de corruption», entre 3 et 4 un niveau de corruption élevé, et que des affaires saines à même d’induire un développement durable ne peuvent avoir lieu, cette corruption favorisant surtout les activités spéculatives. Les produits subventionnés, la distorsion de la cotation du dinar par rapport aux pays voisions favorisent le trafic aux frontières lié à cotation du dinar sur le marché parallèle favorisant les surfacturations. La procédure est simple, je vous achète 1 euro vous me facturer 1,10 ou 1,20 euros et on partage et comme la différence avec le marché parallèle est de 50%, il y a encore une rente au niveau du marché intérieur où souvent le prix final s’aligne pour les produits importés sur le marché parallèle excepté les produits subventionnés. Il convient de se poser la question de savoir si l’on peut continuer dans cette voie hasardeuse, situation qui menace le fondement de l’Etat lui-même et la sécurité nationale.
Comment ne pas rappeler que l’Algérie a engrangé plus de 1 000 milliards de dollars en devises entre 2000/2019, avec une importation de biens et services toujours en devises de plus de 935 milliards de dollars pour un taux de croissance dérisoire de 2/3% en moyenne alors qu’il aurait du être entre 9/10% et une sortie de devises de 20 milliards de dollars en 2020 pour une croissance négative selon le FMI de 6% ; cinquièmement, la nouvelle politique doit à moyen et long terme s’insérer dans le cadre de la quatrième révolution économique mondiale fondée sur la transition numérique et énergétique ; sixièmement, la maîtrise de la pression démographique, de l’urbanisation pour un espace équilibré et solidaire protégeant l’environnement qui a un coût social devant s’orienter vers les activités de l’avenir, rentables, les industries écologiques ; septièmement, un nouveau management de Sonatrach et Sonelegaz, les deux plus importantes sociétés algériennes. Soyons réaliste, entre 2021/ 2025, comme pour les années passées, 98% des recettes en devises avec les dérivées dépendront toujours des hydrocarbures, dont la production en volume physique est en baisse, Sonatrach ayant signé des mémorandums qui ne sont pas des contrats définitifs, mais n’ayant attiré que peu d’investisseurs potentiels sur le terrain. Selon l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), publiés dans son rapport mensuel le 12 mars 2021, la production algérienne de pétrole a atteint 878 000 barils en février 2021 contre 874 000 barils par jour en janvier, contre plus de 1,5 /1,2 millions de barils entre 2007/2010, donc ne profitant que peu de la hausse récente des prix. Mais ne jamais oublier que 33% des recettes de Sonatrach proviennent du gaz naturel dont le cours est passé de plus de 10 dollars le MBTU en 2009/2013 à moins de 2,70 dinars le MBT entre 2020 et mars 2021

En conclusion
La population algérienne en cette conjoncture de vives tensions géostratégiques et budgétaires, a besoin d’un discours de vérité, ni sinistrose, ni autosatisfaction rendant urgent des stratégies d’adaptation au nouveau monde qui repose sur la bonne gouvernance et la valorisation du savoir, marquée par de profonds bouleversements géostratégiques, tenant compte de l’innovation destructrice dans ce monde turbulent et instable pour reprendre l’expression du grand économiste Joseph Schumpeter, marquée par la transition énergétique et numérique. Cela implique des réformes en profondeurs du système politique, socio-économique et institutionnelle qui doivent être sous entendues par les objectifs clairement définis et datés, loin de pratiques rentières du passé, menées par des réformateurs, fonction des rapports de forces politiques, qui trouveront des résistances des conservateurs des tenants de la rente où le statut quo serait suicidaire pour le pays. Cela n’est pas une question d’âge mais de mentalités et convictions pouvant trouver un jeune formaté à l’ancienne culture soviétique ( voir A. Mebtoul, revue internationale Euro Money Londres, intervention au Caire 1999, Les réformes en Algérie et le jeu des acteurs internes et externes). A ces conditions, l’Algérie, pays à très fortes potentialités, acteur stratégique de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine peut surmonter la crise, loin des discours populistes qui jouent comme facteur de démobilisation. Dans ce cadre, je considère le facteur culture en ce XXIe siècle comme déterminant pour renforcer la coopération dans tous les domaines entre l’Europe et l’Algérie.
La symbiose des apports de l’Orient et de l’Occident, le dialogue des cultures et la tolérance sont sources d’enrichissement mutuel. Les derniers événements devraient encore mieux nous faire réfléchir, évitant cette confrontation des religions car autant, pour ne citer que les grandes religions monothéistes, l’islam, le christianisme que le judaïsme ont contribué fortement à l’épanouissement des civilisations, à cette tolérance en condamnant toute forme d’extrémisme, populations juives et musulmanes notamment ayant cohabité pendant des siècles. C’est que l’Europe malgré une baisse sensible des relations commerciales, surtout avec l’épidémie du coronavirus qui a ralenti les échanges, l’Europe en 2020 demeure le premier partenaire avec 51,50% suivi de l’Asie et l’Océanie 33,17%. Pour l’Afrique les échanges sont dérisoires : les importations représentent 2,76% pour l’Afrique septentrionale, 0,48% pour l’Afrique subsaharienne et pour les exportations 7,61% pour l’Afrique septentrionale et 0,80% pour l’Afrique subsaharienne. Face à ces données du commerce extérieur, il faut reconnaître que les relations économiques entre l’Algérie et l’Europe sont loin des attentes, en espérant que la révision de certaines dispositions de l’Accord d’Association puissent dynamiser les relations, étant entendu que les réformes nécessaires pour une transition économique dépendent des Algériens. En bref, les relations entre l’Algérie et l’Europe, dans le cadre du grand Maghreb, auquel je suis profondément attaché depuis de longues décennies (voir nos deux ouvrages que nous avons dirigé avec le Dr Camille Sari, assisté de 36 experts des deux rives de la Méditerranée, Le Maghreb face aux enjeux géostratégiques, Editions Harmattan, Paris 2015/206 1 050 pages), loin de tout esprit de domination, ont besoin d’être intensifiées reposant sur un partenariat gagnant afin d’entreprendre ensemble.
(Suite et fin)
Professeur des universités Expert international Dr Abderrahmane Mebtoul