Sortir la culture de l’assistanat et aller vers l’investissement

Forum de l’économie culturelle

Le Premier ministre, Abdelaziz Djerad a appelé, samedi à l’ouverture du Forum de l’économie culturelle, à faire évoluer la culture d’un secteur consommateur, fardeau pour le budget de l’Etat, vers un secteur créateur de richesses et d’emplois.

Dans son allocution d’ouverture de ce Forum, qui se tient au Centre international des conférences Abdelatif-Rahal sous le haut patronage du Président de la République, M. Djerad a mis en avant «l’impérative conjugaison des efforts pour faire évoluer la culture d’un secteur consommateur, constituant un fardeau pour le budget de l’Etat, vers un secteur économique producteur de richesses et générateur d’emplois. Un secteur qui contribue à la réhabilitation de l’Algérie dans le système mondial du tourisme». Soulignant la disponibilité de l’Etat à soutenir l’investissement, notamment privé, afin d’aller vers la création de grands espaces culturels et «pourquoi pas des villes de production cinématographique», le Premier ministre a plaidé pour des initiatives scientifiques en vue d’activer l’économie de la culture, à travers le renforcement du rôle éducatif de la culture et la concrétisation de la complémentarité entre le service public éducatif et le service public culturel.
Poursuivre le travail pour améliorer la situation de l’artiste et lui assurer la protection sociale et promouvoir le tourisme culturel de manière à soutenir le tourisme domestique et à attirer les touristes étrangers ont également été préconisés par M. Djerad lors de ce Forum auquel prennent part les deux conseillers auprès du Président de la République, MM. Abdelhafid Allahoum et Boualem Boualem, des membres du gouvernement et le président du Conseil national, économique, social et environnemental (CNESE), Réda Tir. A ce propos, le Premier ministre a mis l’accent sur la nécessité d’investir dans le rapport étroit entre la culture et le développement du tourisme, à travers un contenu culturel qui valorise le patrimoine, les sites archéologiques, les musées et les villes antiques. Cette entreprise implique une stratégie judicieuse qui garantit les conditions de réussite en vue d’atteindre un développement durable, à commencer par l’investissement dans l’infrastructure et la qualification des ressources humaines, a-t-il assuré.
M. Djerad a également appelé à organiser et dynamiser le marché du produit culturel, à accompagner les acteurs du champ culturel dans l’adaptation de leurs activités aux défis de l’évolution technologique et de la numérisation, notamment en ce qui à trait au livre numérique et à l’e-commerce qui offre un important espace pour la commercialisation du produit culturel. Il a cité, dans le même contexte, l’importance à accorder aux réseaux sociaux et aux supports audio-visuels. M. Djerad a rappelé certaines mesures prises par le gouvernement en application du programme du Président de la République, qui accorde un intérêt majeur au secteur de la culture, citant notamment l’appui aux producteurs cinématographiques et culturels et l’encouragement des compétences nationales dans ce champ. Il a fait état, en outre, du soutien de la création d’infrastructures pour l’industrie cinématographique et du théâtre (studios et salles de spectacles), le renforcement des activités culturelles en milieu scolaire et la garantie d’un climat propice à l’innovation artistique.

Evoquant des réalisations en dépit des circonstances difficiles que traverse le pays, à l’instar de tous les pays du monde en raison de la propagation de la pandémie du coronavirus et de ses retombées sur le secteur de la culture, il a rappelé le lancement de plateformes de vente de toiles et de livres électroniques en accompagnement des artistes et créateurs dans le cadre de la mise en place des fondements de la régulation du marché de l’art. Dans le même sens, le Premier ministre a mis en avant l’ouverture de chantiers de la recherche archéologique dans les sites qui ont connu de nouvelles découvertes (au nombre de 23) et la prise de mesures urgentes pour la protection des biens culturels découverts ou restaurés, en sus de l’exploitation économique des sites archéologiques et des monuments historiques, telle l’expérience-pilote au niveau de la citadelle d’Alger. L’accompagnement de l’Etat aux producteurs et associations culturelles, auxquelles une enveloppe de plus de 154 millions de DA a été allouée en 2020, le soutien de la production cinématographique de longs et courts métrages et de films documentaires, la subvention au profit de 75 œuvres de théâtre, de musique et de Beaux-Arts et l’encouragement de 64 associations culturelles ont également été rappelés par M. Djerad.
Il a cité, dans le même contexte, l’encouragement et l’accompagnement des jeunes créateurs, notamment à la lumière de la consécration de 24 lauréats du Prix du Président de la République pour les jeunes créateurs «Ali Maachi», et le soutien aux projets de création artistique à travers l’encouragement de la publication de plus de 75 projets classés. Par ailleurs, le Premier ministre a évoqué le parachèvement de la loi régissant les relations de travail entre les gestionnaires des théâtres et les artistes, «une grande avancée», a-t-il ajouté affirmant que le gouvernement a mis en place «un programme réaliste» et des mécanismes à même d’ériger l’Algérie en «pôle de rayonnement culturel et de tourisme spirituel au niveau international». Le renforcement de la production intellectuelle, culturelle et artistique économique au service du développement est un objectif escompté par l’Etat à travers l’exploitation optimale de l’économie de la culture qui génère des fonds conséquents en termes de recettes et crée des millions de postes d’emploi dans le monde, a-t-il fait observer.
La nouvelle stratégie du ministère de la Culture et des Arts vise à «sortir la culture de l’assistanat et aller vers l’investissement» en «ouvrant la culture et l’art sur l’investissement privé» pour mettre en place un marché de l’art qui assure à l’artiste «la possibilité de vivre dignement de son art», a indiqué la ministre du secteur, Malika Bendouda. S’exprimant lors de l’inauguration du forum de l’économie culturelle, la ministre de la Culture et des Arts a assuré de «l’accompagnement» de ce marché de l’art et de la culture par la mise en place des «textes de loi et de l’encadrement nécessaire». Malika Bendouda a également estimé que ce forum est aussi une occasion de lever les entraves liées à l’investissement dans ce secteur et à la diffusion du produit culturel grâce à la coopération et à la concertation avec d’autres départements avec le concours du Conseil national économique, social et environnemental. Ce forum vise à lancer des projets «concrets» en plus d’être un espace de rencontre entre les opérateurs économiques et les porteurs de projets culturels pour lancer de nouveaux projets comme des théâtres privés, des espaces culturels privés et de nouvelles structures, explique la ministre qui a également évoquer l’accompagnement des jeunes porteurs de projets par le biais des fonds d’investissement.

Le ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum a, de son côté, mis l’accent sur la nécessité de placer la culture «au service de l’histoire et de l’identité algériennes». «La culture doit être au service de l’histoire algérienne, notamment celle d’avant 1962», a affirmé, M. Boukadoum en marge de l’ouverture des travaux du Forum de l’économie de la culture. Rappelant que les relations entre l’Algérie et la France «remontent à bien avant 1962», il a indiqué que son département se penchait sur «tous les traités signés par l’Algérie avant l’occupation française en 1830, dont des dizaines avec la France». «L’histoire de l’Algérie est beaucoup plus ancienne que ce que certains laissent entendre», a souligné le chef de la diplomatie algérienne, citant à titre d’exemple le site d’Ain Boucherit, dans la commune de Guelta Zerka, considéré comme le deuxième plus ancien site archéologique au monde.
Le président du Conseil national économique, social et environnemental (Cnese), Rédha Tir a invité, pour sa part, les acteurs culturels et économiques à «élaborer un projet économique pour la culture algérienne» dans sa diversité et sa richesse en utilisant des mécanismes de promotion comme la diplomatie culturelle, le tourisme culturel et la participation aux grandes manifestations internationales». Le président du Cnese a appelé à promouvoir la production culturelle algérienne dans le but de passer d’un statut de «consommateur de produits culturels étrangers» à celui «d’exportateur» de ces derniers.
Il a également plaidé pour le développement de la «traduction et du doublage», afin de rendre le produit culturel algérien «plus accessible» à un destinataire étranger, et pour «l’exploitation de la diversité culturelle algérienne». Il a également estimé que le défi actuel réside dans le passage d’une «gestion administrative à une gestion économique des structures culturelles et des affaires des intellectuelles et des artistes». Les travaux du Forum de l’économie culturelle, inauguré par le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, se poursuivent jusqu’au 5 avril.
R. C.