Le gouvernement face à la baisse des réserves de change, la hausse de l’inflation et la détérioration de la cotation du dinar

Economie

L’analyse objective de l’évolution des réserves de change, de l’inflation et de la cotation du dinar, qui ont un impact direct sur le pouvoir d’achat de la population et des différentes activités économiques doit tenir compte des aspects de structures de l’économie internationale et de l’économie interne de l’Algérie qui après plusieurs décennies d’indépendance politique repose toujours sur la rente des hydrocarbures(98% des recettes en devises avec les dérivées en 2020).

1- Evolution des réserves de change 2001 :
– 2001 : 17,9 milliards de dollars,
– 2002 : 23,1 milliards de dollars,
– 2003 : 32,9 milliards de dollar,
– 2004 : 43,1 milliards de dollars,
– 2005 : 56,2 milliards de dollars,
– 2010 : 162,2 milliards de dollars,
– 2011 : 175,6 milliards de dollars,
– 2012 : 190,6 milliards de dollars,
– 2013 : 194,0 milliards de dollars,
– 2014 : 178,9 milliards de dollars,
– 2015 : 144,1 milliards de dollars,
– 2016 : 114,1 milliards de dollars,
– 2017 : 97,33 milliards de dollars,
– 2018 : 79,88 milliards de dollars,
– 2019 : 62 milliards de dollars
– Fin 2020, selon la déclaration du Président de la République en date du 1er mars 2021 entre 42/43 milliards de dollars les prévisions de la loi de Finances complémentaire étaient de 44,2 milliards de dollars contre 51,6 prévus dans la loi initiale.
Le gouvernement projetant dans le PLF-2021, initié par le ministère des Finances non pas une amélioration de la cotation du dinar, mais une amplification de sa dévaluation entre 2021-2023. Pour 2021 en l’occurrence, le PLF prévoit, pour 2022, 149,32 DA pour 1 USD et pour 2023 verrait donc la dévaluation de la monnaie nationale se poursuivre avec 156,72 dinars un dollar. Les réserves de change ont baissé entre 2019/2020 de 20 milliards de dollars devant tenir compte de la balance de paiements et non de la balance commerciale d’une signification limitée. Comme le PLF-2021, les dépenses budgétaires (dépenses de fonctionnement et d’équipement) qui se situent à environ 64,98 milliards de dollars au cours de 128 dinars un dollar au moment de l’établissement de la loi et les recettes fiscales globales (ordinaires et pétrolières) estimées à 41,62 milliards de dollars, nous aurons un déficit budgétaire record de plus de 21,75 milliards de dollars contre à la clôture 2020 de 18,60 milliards de dollars avec un déficit global du trésor de 28,26 milliards de dollars, soit 17,6% du PIB, le solde des réserves de change fin 2021 devrait s’établir à moins de 20 milliards de dollars.
Qu’en sera-t-il en 2022, si le cours du pétrole stagne entre 55/65 dollars et s’il n’y a pas de relance économique, la loi de Finances 2021 pour son équilibre, plus de 100 dollars le baril et selon Bloomberg citant le FMI dans une note début avril 2021 plus de 135 dollars le baril. Le cours du 25 avril 2021 à 14h GMT est de 66,11 dollars le Brent et 62,04 dollars le Wit, les prévisions internationales donnant une moyenne pour 2021 entre 60/65 dollars sous réserve d’une relance de l’ économie mondiale. qui influera sur le niveau des réserves de change 2021/2022 qui dépendra de plusieurs facteurs, de niveau de la production du pétrole/gaz qui connait une baisse en volume physique entre 2010/2020, de l’évolution du cours des hydrocarbures ; du taux de croissance réel, du produit intérieur brut (PIB) à prix courants, qui a été en 2019 de 0,8%, en 2020 moins 6,5% avec une prévision de 2,3% en 2021.
Mais un taux de croissance se calcule par rapport à la période précédente, le taux de croissance négatif positif en 2021, rapporté à 2020, moins de 6% donne toujours un taux de croissance faible, en termes réel entre 0 et 1% largement inférieur à la croissance démographique, supposant un taux de croissance de 8/9% sur plusieurs années afin d’absorber 350 000/400 3000 emplois par an. On ne peut tout restreindre, quitte à étouffer tout l’appareil productif quitte à aller vers une implosion sociale avec un taux de chômage ayant dépassé 15% en 2020.

2- Evolution de la cotation du dinar
Qu’en est-il de l’évolution du cours officiel du dinar corrélé aux réserves de change via les recettes d’hydrocarbures à plus de 70% la période de 2001 à avril 2021 :
– 2001 : 77,26 dinars un dollar et 69,20 dinars un euro
– 2005 : 73,36 dinars un dollar et 91,32 dinars un euro
– 2010 : 74,31 dinars un dollar et 103,49 dinars un euro
– 2015 : 100,46 dinars un dollar et 111,44 dinars un euro
– 2016 : 100,46 dinars un dollar et 111,44 dinars un euro
– 2017 : 110,96 dinars un dollar et 125,31 dinars un euro
– 2018 : 116,62 dinars un dollar et 137,69 dinars un euro
– 2019 : 119,36 dinars un dollar et 133,71 dinars un euro
– 2020 : 128,31 dinars un dollar et 161,85 dinars un euro.
Selon la BA entre le 23 et 27 avril 2021, la cotation est de 133,5587 dinars un dollar et 160,9649 dinars un euro avec ce paradoxe une appréciation du dinar par rapport à l’euro et une dépréciation par rapport au dollar alors que des bourses mondiales, nous avons assisté à l’inverse, une cotation qui est passée de 1,12 dollar un euro, il y a quatre mois et au 25 avril 2021 à 1,2099 dollar un euro. Cette dévaluation qui ne dit pas son nom permet d’augmenter artificiellement la fiscalité hydrocarbures (reconversion des exportation hydrocarbures en dinars) et la fiscalité ordinaire (via les importations tant en dollars qu’en euros convertis en dinar dévalué), cette dernière accentuant l’inflation des produits importés (équipements), matières premières, biens finaux, montant accentué par la taxe à la douane s’appliquant à la valeur dinar, étant supportée en fin de parcours, par le consommateur comme un impôt indirect, l’entreprise ne pouvant supporter ces mesures que si elle améliore sa productivité.
En cas de baisse drastique des réserves de change à 10/12 milliards de dollars, qui tiennent la cotation du dinar algérien à plus de 70%, la Banque d’Algérie sera contrainte de dévaluer le dinar officiel à environ 200/220 dinars un euro avec une envolée du cours sur le marché parallèle qui fluctue en fonction du taux d’inflation d’environ 300 dinars un euro minimum, surtout en cas d’ouverture des frontières. Il sera difficile de combler l’écart avec le marché parallèle pour la simple raison que l’allocation de devises pour les ménages est dérisoire, la sphère informelle suppléant à la faiblesse de l’offre et par ailleurs bon nombre d’entreprises du fait de la faiblesse de l’allocation devises pour éviter la rupture d’approvisionnement iront au niveau de cette sphère.
Par ailleurs, ce dérapage du dinar par rapport au dollar et à l’euro accélère la méfiance du citoyen vis-à-vis du dinar, en plus du manque de liquidités, amplifiant la sphère informelle où selon la Banque d’Algérie entre 2019/2020, la masse monétaire circulant en dehors du circuit bancaire, a atteint 6140,7 milliards de dinars (au cours de fin 2020 près de 48 milliards de dollars) à la fin de l’année 2020, soit une hausse de 12,93% par rapport à 2019, le président de la République en mars 2021 ayant annoncé même 10 000 milliards de dinars soit au cours actuel d’avril 2021, 75,19 milliards de dollars ainsi que le processus inflationniste interne où la majorité des produits importés, excepté ceux subventionnés, connaissent depuis décembre 2020 une augmentation variant entre 30/50%, voire 100% pour certains produits comme les pièces détachées de voitures en contradiction avec l’indice officiel de l’ONS non réactualisé depuis 2011, le besoin étant historiquement daté.
Le dérapage du dinar contribue ainsi à la baisse des salaires ramenés en devises. Ainsi un salaire net de 50 000 dinars équivaut au cours actuel à 310 euros et le SMIG de 20 000 dinars à 125 euros, montant qu’il faut réduire de 50% si l’on prend le cours du marché parallèle où à ce cours, un professeur d’université en titre, plus de 30 ans de carrière, en fin de carrière, perçoit moins de 800 euros (80% du salaire en retraite) contre plus de 1200 euros sans compter les avantages d’un député sans proposer aucune loi, avec une retraite à 100%.
(A suivre)
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul