La «Grotte chaude», haut lieu et symbole historique de la résistance algérienne

Boumerdès

Plus connu sous le nom de «Grotte chaude», (Ghar Yahmane), est un lieu historique qui a accueilli de grandes figures de la Révolution algérienne. C’était un refuge pour les moudjahidine de la région qui ont survécu à la Guerre de libération nationale, et un tremplin et un point noir très important sur lequel les historiens doivent se pencher et prendre en considération.

Plusieurs personnes ont péri, bombardées par l’armée française à la suite d’une traitrise, d’un individu connu pour son activisme et sa collaboration zélée avec les forces de répression coloniales. Ces personnes avaient refusé de se rendre ont préféré mourir tous ensemble les armes à la main ; elles furent ensevelies vivantes. Situé du côté de Baghla tout près des Ouled Sidi Amara, le refuge était connu par les fellahs de la région, car, c’est eux qui ravitaillaient en vivres les moudjahidine qui venaient se reposer avant de reprendre la route du combat contre l’occupant français. Ce refuge est en quelque sorte un pan de l’histoire de l’Algérie combattante et demeure une énigme étant donnée que plus d’une trentaines de chahid gisent dans ce trou sans jamais être déterrés durant la période post-indépendance. Ghaar Yahmane est un lieu chargé d’histoire et d’émotion. Beaucoup de batailles et embuscades ont eu lieu dans cette région, comme celle de Boumissra et au bout de laquelle beaucoup de soldats français furent tués et un lot d’armes récupéré par les combattants de la noble cause.
Mais non loin de là, un événement émouvant s’est produit durant le déclenchement de la Guerre de libération nationale qui dénote de la barbarie du colonialisme. Les moudjahidine et les habitants de la région se souviennent de cet événement douloureux qui a coûté la vie à plus d’une trentaine de chouhada dans la grotte chaude (Ghaar Yahmane) qui est un haut lieu de commémoration et de combat et qui mérite, selon les habitants du village Ouled Sidi Amara une revalorisation idoine avec une réhabilitation officielle de l’événement et un hommage particulier à ceux dont les corps n’ont jamais été retrouvés à ce jour et qui n’ont pas eu de sépulture. C’est aussi l’occasion pour ceux qui se rappellent de ce moment douloureux d’évoquer le parcours et le sacrifice hors du commun de ces hommes. Ainsi, selon des informations recueillis sur place, il n’existe pas de statistiques ni aucune idée sur le nombre exact de chouhada dont les corps ont été ensevelis sous les décombres à la suite des bombardements intenses, et qui donc n’ont pas eu de sépultures.
Il est important de rendre hommage à ces hommes qui, rappelle-t-on, «ont tout laissé derrière eux, pour se consacrer à la libération de leur pays par les armes». Ce sont des chouhada sans sépulture et la douleur des familles est vivace, et il est pénible pour eux de penser que leurs corps sont restés à l’intérieur de la grotte (Allah yarham chouhada). Aussi, le même scénario s’est répété dans la grotte de Talaoubrid, d’où un témoignage d’un rescapé qui avait frôlé la mort alors qu’il avait à peine 14 printemps. Ammi Ahmed Amara a vécu des moments douloureux, et c’est avec tristesse et une grande amertume qu’il avait accepté de nous parler. Il a marqué un temps d’arrêt avant de commencer à nous raconter ces moments cauchemardesques, jamais il ne pourrait oublier ce qu’il a vécu, placé entre le marteau et l’enclume.
Une position difficile qui lui aurait coûté la vie des deux côtés. L’armée française a encerclé les villages du côté de Baghla, avec une armada de parachutistes et des blindés venus de tout bord avec un hélicoptère suite à une dénonciation d’un moudjahid qui, sous l’effet de la torture, avait flanché. Il leur indiqua le lieu où étaient réfugiés ses compagnons. Les militaires français l’attachèrent avec une corde en l’obligeant de descendre dans le trou pour inciter ses compagnons à se rendre. Ce dernier fut éliminé par les moudjahine au nombre de deux, Tihachadine Saïd et Amar Younès qui ne lui pardonnèrent pas sa trahison. L’encerclement de la grotte dura trois jours. Et c’est là qu’on m’obligea par la force tout en étant attaché avec une corde pour faire de même. J’ai pu approcher Tihachadine Saïd et Amar Younès. J’ai failli y laisser ma peau à la suite d’un coup de couteau qui m’a égratigné la poitrine. Heureusement que Tihachadine m’ avait reconnu, il s’interposa contre son compagnon. Je me rappelle qu’à l’intérieur de l’abri, il y avait des ravitaillement en vivres et en minutions. J’étais jeune certes, mais je me rappelle avoir demandé à Tihachadine de m’accepter parmi eux.
Il refusa et me fit savoir qu’ils ne se rendront pas et qu’ils préfèrent mourir les armes à la main. Je ressortis de la grotte annonçant la décision prise par ces vaillants combattants. On m’obligea à retourner plusieurs fois de suite, mais c’était sans compter sur la bravoure, le courage, l’amour du pays et l’esprit patriotique dont étaient animés ces moudjahidine qui chaque fois hantent mon esprit. Il a fallu attendre le troisième jour pour qu’en fin de compte, l’armée coloniale essaya de s’infiltrer par un autre accès. Tihachadine et Younès ripostèrent par des tirs de rafales, tuant des soldats français. Ils furent assassinés. Je ne pourrais jamais oublier ces séquences, elles font partie de mon vécu et un livre ne suffirait pas pour raconter toute cette histoire, comme ce coup de crosse que j’ai reçu en pleine figure par un militaire. J’ai survécu peut-être à cause de mon jeune âge. Cependant, Ammi Ahmed Amara, ce grand Judoka dans la ville de Bordj-Menaïel ne fait plus partie de ce monde, il nous a quitté subitement emportant avec un pan d’histoire.
Kouider Djouab