Le gouvernement face à la baisse des réserves de change, la hausse de l’inflation et la détérioration de la cotation du dinar

Economie

L’analyse objective de l’évolution des réserves de change, de l’inflation et de la cotation du dinar, qui ont un impact direct sur le pouvoir d’achat de la population et des différentes activités économiques doit tenir compte des aspects de structures de l’économie internationale et de l’économie interne de l’Algérie qui après plusieurs décennies d’indépendance politique repose toujours sur la rente des hydrocarbures (98% des recettes en devises avec les dérivés en 2020).

Dans ce cas, il est utopique de parler d’encourager l’innovation ce qui favorise l’exode des meilleures compétences surtout des jeunes, d’autant plus que l’actuelle politique salariale, qui est totalement à revoir, favorise beaucoup plus les emplois-rente que les emplois productifs.

3- L’évolution du taux d’inflation
Le niveau d’inflation est fonction de plusieurs facteurs interdépendants.
– Premièrement, de facteurs externes dont le prix international des produits importés où contrairement à ce qu’affirme le ministre, la majorité de pays connaissent non pas une inflation mais une déflation avec des taux d’intérêts presque nuls ;
– Deuxièmement, de la faiblesse de la production et de la productivité interne, de la non-proportionnalité entre les dépenses monétaires et leur impact renvoyant à la corruption via les surfacturations ;
– Troisièmement, de la déthésaurisation des ménages qui mettent face à la détérioration de leur pouvoir d’achat des montants importants sur le marché, alimentant l’inflation, plaçant leur capital-argent dans l’immobilier, l’achat d’or ou de devises fortes pour se prémunir contre l’inflation ;
– Quatrièmement, de la dévaluation rampante du dinar comme mis en relief précédemment ;
– Cinquièmement, par la dominance de la sphère informelle qui produit des dysfonctionnements des appareils de l’Etat où existent des liens dialectiques entre cette sphère et la logique rentière, avec des situations oligopolistiques de rente.
Cette sphère aligne le prix des biens sur la cotation de la devise du marché parallèle, pour les produits importés, contrôlant les segments des fruits/légumes, poissons/viandes, textile/cuir et bon nombre d’autres produits importés qui connaissent un déséquilibre offre/demande.
Le taux officiel a été de 1999 à fin 2020 :
– 2000, 2,0%
– 2001, 3,0%
– 2002, 3,0%
– 2003, 3,5%
– 2004, 3,1%
– 2005, 1,9%
– 2006, 3,0%
– 2007, 3,5%
– 2008, 4,5%
– 2009, 5,7%
– 2010, 5,0%
– 2011, 4,5%
– 2012, 8,9% (après les augmentations de salaires)
– 2013, 3,9%
– 2014, 2,9%
– 2015, 4,2%
– 2016, 5,9%
– 2017, 5,6%
– 2018, 5,6%
– 2019, 5,6%
-2020, 2,4%
– 2021, prévision 4,2% selon le gouvernement.
Selon les données officielles, l’inflation cumulée a dépassé les 82% entre 2000/2020 et en redressant les taux de 20%, nous avons une détérioration du pouvoir d’achat durant cette période de 100%. Se pose la question alors que la population dépasse 44 millions en 2020 avec une population active de plus de 12 millions, nous assistons à une décroissance du PIB qui est passé de 180 milliards de dollars à prix courant en 2018, 171 en 2019 et à environ 160 milliards de dollars fin 2020 et de la concentration excessive du revenu national au profit d’une minorité rentière où un fait nouveau, une partie de la classe moyenne commence à disparaître graduellement et à rejoindre la classe pauvre. L’action louable au profit des zones d’ombre serait un épiphénomène face à la détérioration du pouvoir d’achat de la majorité de la société civile informelle silencieuse, la plus nombreuse, atomisée, non encadrée qui risque de basculer dans l’extrémisme, face à des discours de responsables déconnectés de la réalité, des partis politiques traditionnels et une société civile officielle souvent vivant de la rente, inefficience comme intermédiation sociale et politique.
Les tensions sociales, tant qu’il y a la rente, sont atténuées artificiellement grâce aux recettes des hydrocarbures qui permettent des subventions et transferts sociaux représentant 23,7% du budget général de l’Etat et 9,4% du PIB pour l’exercice 2021, mais mal gérés et mal ciblés, qui ne profitent pas toujours aux plus démunis. Ces tensions sociales sont également atténuées par la crise du logement qui renforce la solidarité familiale (même marmite, mêmes charges), assurant une paix sociale transitoire. L’effet d’anticipation d’une dévaluation rampante du dinar, via la baisse de la rente des hydrocarbures, risque d’avoir un effet négatif sur toutes les sphères économiques et sociales, avec comme incidences l’amplification du processus inflationniste, l’extension, de la sphère informelle et sur le taux d’intérêt des banques qui devraient le relever de plusieurs points, l’ajustant aux taux d’inflation réel, freinant à terme le taux d’investissement à valeur ajoutée.
En conclusion, en rappelant les propos déconnectés de la dure réalité des ménages en mars début avril 2021, de la maîtrise de l’inflation, de la cotation du dinar, d’une exportation de 1,1 milliard de dollars de produits agricoles (voir les statistique douanières de 2020, le montant ne dépassant pas 350 millions de dollars) des ministres de l’Agriculture, des Finances et du Commerce, propos qui ont fait la risée de toute la population algérienne et de la presse nationale internationale. Les responsables doivent avoir un langage, la vérité, rien que la vérité, les discours populistes auxquels la population algérienne est allergique, pouvant conduire à une démobilisation générale. Certes, on ne peut en une année après une léthargie de plusieurs décennies, redresser le bateau Algérie où uniquement pour la période 2000/2019, les recettes en devises ont dépassé les 1 000 milliards de dollars avec une sortie de devises en biens et services de plus de 935 milliards de dollars avec un taux de croissance dérisoire qui a fluctué entre 2/3% alors qu’il aurait dû être de 9/10% avec une sortie de devises de 20 milliards de dollars en 2020 pour une croissance négative de moins 6%.
Mais force également est de constater une incohérence de la politique économique, l’épidémie du coronavirus n’étant pas la seule explication, où la situation socioéconomique est préoccupante avec le retour à l’inflation, la baisse des réserves de change et l’accroissement du chômage, avec la détérioration du pouvoir d’achat. La stratégie hors hydrocarbures demande du temps, devant raisonner toujours en dynamique. Pour les PMI/PME, le projet est lancé en 2021, sa rentabilité est pour 2024/2025. Pour les projets hautement capitalistiques comme le fer de Gara Djebilet, si l’on résout le problème du partenaire et du financement très élevé, n’étant encore qu’une intention avec les Chinois, pas avant 2027/2028. La sécurité du pays étant posée, une nouvelle gouvernance s’impose.
(Suite et fin)
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul