Portrait d’un manipulé

«Le mauvais génie» de Nadjib Stambouli

«Le mauvais génie», dernier roman du journaliste et écrivain Nadjib Stambouli, livre un traitement saisissant sur la morale ordinaire à travers une fiction époustouflante sur la corruption dans sa dimension globalisée et ancrée dans la société.

Parue récemment aux éditions Casbah, cette fiction de 204 pages relate l’histoire d’un employé d’une entreprise publique, Amine Djamoussi, qui mène une vie paisible, sans vagues, avec sa femme Lila. Mais, son ami de collège, Saadoune, débrouillard et dégourdi, multiplie les pièges et les manigances pour attirer Amine, chef de service des marchés d’une entreprise publique, dans la spirale de l’enrichissement illicite, en s’attirant les largesses d’entreprises désireuses de bénéficier de facilités et de privilèges dans l’octroi de marchés. Amine, personnage principal, tente de résister aux manipulations de Saadoune qui lui fait miroiter les attraits d’une vie meilleure et moins routinière que mène cet employé aux qualités professionnelles, doublées de valeurs morales et surtout d’une intégrité jamais prise en défaut.
Il s’essaie à maintenir le difficile équilibre entre la vertu, les exigences professionnelles et éthiques, désormais mises au défi par son ami Saadoune et les entrepreneurs. Ni sa femme, ni l’éducation et les repères inculqués par sa grand-mère, Nana Toma, ni encore sa rigueur et son intégrité louées par ses supérieurs et subordonnées, n’ont retenu Amine de plonger dans la corruption, reprouvée par la loi et par la religion. Malgré les barrières qu’il dressait face à la tentation, Amine accepte une somme d’argent, offerte par un entrepreneur pour remercier d’avoir réglé un retard de paiement de situation de chantier.
Ce geste, en apparence innocent, est le premier «appât» auquel cet employé a mordu. L’auteur éclaire le lecteur sur les combines malsaines dans le monde des affaires à travers le vécu d’un employé modèle qui a fini par céder aux manipulations corruptrices exercées par son entourage. Guidé par la spontanéité dans la construction de la trame de son roman, Nadjib Stambouli se passe de canevas d’intrigue ou de déroulement. Avec un dialogue omniprésent et un style de plus en plus épuré, les phrases sont moins étirées, avec une nouvelle approche d’écriture qui obéit, selon l’auteur, à sa volonté d’«élaguer les lourdeurs» sans pour autant ôter au personnage principal sa complexité. Nadjib Stambouli, 68 ans, a embrassé la carrière de journaliste, une profession qu’il a marquée par ses écrits dans les rubriques culturelles de nombreux titres de la presse nationale. «Le mauvais génie» est son sixième ouvrage après «Ma piste aux étoiles», un recueil de portraits d`hommes de culture et d’intellectuels sorti en 2015, suivi de plusieurs romans notamment «Le comédien» et «La rancune».
R. C.