Hausse de l’inflation, détérioration du pouvoir d’achat et bonne gouvernance pour garantir la nécessaire cohésion sociale

Le gouvernement face aux tensions économiques et sociales

Le gouvernement actuel, sa marge de manœuvre étant étroite, un nouveau gouvernement en principe devant être mis en place fin juin 2021, se trouve face à un dilemme du fait du retard dans les réformes structurelles et de l’incohérence des politiques socio-économiques depuis de longues décennies : augmenter les salaires via la planche à billets (financement non conventionnel), la théorie néokeynésienne de relance de la demande globale à travers l’émission monétaire, résolvant un problème à court terme mais amplifiant la crise à moyen terme, étant inappropriée pour l’Algérie qui souffre de rigidités structurelles (léthargie de l’appareil de production) et se trouver en face d’une spirale inflationnistes incontrôlable comme au Venezuela.

Ne pas les augmenter et se trouver devant l’intensification des revendications sociales de la population face aux nombreux scandales financiers exigeant un sacrifice partagé, que l’Etat et les hommes chargés de gérer la Cité donnent l’exemple, car comme le montre l’actuelle politique américaine, le rôle stratégique de l’Etat régulateur en économie de marché concurrentielle, de tout monopole qu’il soit public ou privé doit favoriser la cohésion sociale qui est facteur de développement impliquant un renouveau de la gouvernance.Face à la grogne sociale s’impose une analyse objective de l’évolution des réserves de change, de l’inflation et de la cotation du dinar, qui ont un impact direct sur le pouvoir d’achat de la population et des différentes activités économiques doit tenir compte des aspects de structures de l’économie internationale et de l’économie interne de l’Algérie qui après plusieurs décennies d’indépendance politique repose toujours sur la rente des hydrocarbures (98% des recettes en devises avec les dérivées en 2020).

1- Evolution des réserves de change

2001 : 17,9 milliards de dollars, – 2002 : 23,1 milliards de dollars, – 2003 : 32,9 milliards de dollar, – 2004 : 43,1 milliards de dollars, – 2005 : 56,2 milliards de dollars, – 2010 : 162,2 milliards de dollars, – 2011 : 175,6 milliards de dollars, – 2012 : 190,6 milliards de dollars, – 2013 : 194,0 milliards de dollars, – 2014 : 178,9 milliards de dollars, – 2015 : 144,1 milliards de dollars, – 2016 : 114,1 milliards de dollars, – 2017 : 97,33 milliards de dollars, – 2018 : 79,88 milliards de dollars, – 2019 : 62 milliards de dollars – Fin 2020, selon la déclaration du Président de la République en date du 1er mars 2021 entre 42/43 milliards de dollars les prévisions de la loi de Finances complémentaire étaient de 44,2 milliards de dollars contre 51,6 prévus dans la loi initiale. Le gouvernement projette dans le PLF-2021, initié par le ministère des Finances non pas une amélioration de la cotation du dinar, mais une amplification de sa dévaluation entre 2021-2023. Le PLF 2021 prévoit, pour 2022, 149,32 DA pour 1 USD et pour 2023 156,72 dinars un dollar. Les réserves de change ont baissé entre 2019/2020 de 20 milliards de dollars devant tenir compte de la balance de paiements et non de la balance commerciale d’une signification limitée. Comme le PLF-2021, les dépenses budgétaires (dépenses de fonctionnement et d’équipement) qui se situent à environ 64,98 milliards de dollars au cours de 128 dinars un dollar au moment de l’établissement de la loi et les recettes fiscales globales (ordinaires et pétrolières) estimées à 41,62 milliards de dollars, nous aurons un déficit budgétaire record de plus de 21,75 milliards de dollars contre à la clôture 2020 de 18,60 milliards de dollars avec un déficit global du trésor de 28,26 milliards de dollars, soit 17,6% du PIB, le solde des réserves de change fin 2021 devrait s’établir à moins de 20 milliards de dollars. Qu’en sera-t-il en 2022, si le cours du pétrole stagne entre 60/65 dollars et s’il n’y a pas de relance économique, la loi de Finances 2021 pour son équilibre, plus de 100 dollars le baril et selon Bloomberg citant le FMI dans une note début avril 2021 entre 135/150 dollars le baril ? les prévisions internationales donnent une moyenne pour 2021 entre 60/65 dollars sous réserve d’une relance de l’économie mondiale, 33% des recettes de Sonatrach provenant du gaz, dont le prix de cession du gaz sur le marché libre a connu une baisse de 70% étant passé de12 dollars le MBTU entre 2010/2016 et de 1,8-2,0 dollars en 2020 à 2,70 dollars cotation le02 mai 2021. Cela influe sur toute l’économie algérienne dont le niveau des réserves de change 2021/2022 qui dépendra de plusieurs facteurs, du niveau de la production du pétrole/gaz qui connaît une baisse en volume physique entre 2010/2020, étant passé pour lé pétrole de 1,2 millions de barils/j à environ 850.000 barils/jour selon le rapport de l’OPEP d’avril 2021, de plus de 60 milliards de mètres cubes gazeux entre 2005/2008 à 43 en 2019 et 41 en 2020 (recettes d’environ 24 milliards de dollars) espérant une reprise en 2021 avec des recettes prévisionnelles entre 26/27 milliards de dollars. Comme conséquence une baisse du taux de croissance du PIB à prix courant, tiré essentiellement par la dépense publique via la rente des hydrocarbures étant passé de plus de 200 milliards de dollars en 2018/2019 à 160 fin 2020 alors que la population est en croissance dépassant les 44 millions, qui a été en 2019 de 0,8%, en 2020 moins 6,5% avec une prévision de 2,3% en 2021. Mais un taux de croissance se calcule par rapport à la période précédente, le taux de croissance négatif positif en 2021, rapporté à 2020, moins de 6% donne toujours un taux de croissance faible, en termes réel entre 0 et 1% largement inférieur à la croissance démographique, supposant un taux de croissance de 8/9% afin d’absorber 350 000/400 3000 emplois par an. On ne peut tout restreindre, quitte à étouffer tout l’appareil productif quitte à aller vers une implosion sociale avec un taux de chômage ayant avoisiné 15% en 2020.

2- Evolution de la cotation du dinar

2- Evolution de la cotation du dinar Qu’en est-il de l’évolution du cours officiel du dinar corrélé aux réserves de change via les recettes d’hydrocarbures à plus de 70% la période de 2001 à avril 2021 : – 2001 : 77,26 dinars un dollar et 69,20 dinars un euro – 2005 : 73,36 dinars un dollar et 91,32 dinars un euro – 2010 : 74,31 dinars un dollar et 103,49 dinars un euro – 2015 : 100,46 dinars un dollar et 111,44 dinars un euro – 2016 : 100,46 dinars un dollar et 111,44 dinars un euro – 2017 : 110,96 dinars un dollar et 125,31 dinars un euro – 2018 : 116,62 dinars un dollar et 137,69 dinars un euro – 2019 : 119,36 dinars un dollar et 133,71 dinars un euro – 2020 : 128,31 dinars un dollar et 161,85 dinars un euro avec un cotation sur le marché parallèle malgré la fermeture des frontières entre 210/211 dinars un euro. Selon la BA, après une petite appréciation, le dinar a repris sa dépréciation étant coté officiellement entre le 30 avril-04 mai 2021, de 133,6449 dinars un dollar et 161,6435 dinars un euro. Mais nous avons ce paradoxe une appréciation du dinar par rapport à l’euro et une dépréciation par rapport au dollar alors que des bourses mondiales, nous avons assisté à l’inverse, une cotation qui est passée de 1,12 dollar un euro, il y a quatre mois et au 02 mai 2021 à 1,2020 dollar un euro, permettant une appréciation du cours du Brent d’environ 10% du essentiellement au déficit budgétaire américain. Cette dévaluation qui ne dit pas son nom permet d’augmenter artificiellement la fiscalité hydrocarbures (reconversion des exportation hydrocarbures en dinars) et la fiscalité ordinaire (via les importations tant en dollars qu’en euros convertis en dinar dévalué), cette dernière accentuant l’inflation des produits importés (équipements), matières premières, biens finaux, montant accentué par la taxe à la douane s’appliquant à la valeur dinar, étant supportée en fin de parcours, par le consommateur comme un impôt indirect, l’entreprise ne pouvant supporter ces mesures que si elle améliore sa productivité. En cas de baisse drastique des réserves de change à 10/12 milliards de dollars, qui tiennent la cotation du dinar algérien à plus de 70%, la Banque d’Algérie sera contrainte de dévaluer le dinar officiel à environ 200/220 dinars un euro avec une envolée du cours sur le marché parallèle qui fluctue en fonction du taux d’inflation d’environ 300 dinars un euro minimum, surtout en cas d’ouverture des frontières. Il sera difficile de combler l’écart avec le marché parallèle pour la simple raison que l’allocation de devises pour les ménages est dérisoire, la sphère informelle suppléant à la faiblesse de l’offre et par ailleurs bon nombre d’entreprises du fait de la faiblesse de l’allocation devises pour éviter la rupture d’approvisionnement iront au niveau de cette sphère. Ce dérapage du dinar par rapport au dollar et à l’euro accélère la méfiance du citoyen vis-à-vis du dinar, en plus du manque de liquidités, amplifiant la sphère informelle où selon la Banque d’Algérie entre 2019/2020, la masse monétaire circulant en dehors du circuit bancaire, a atteint 6140,7 milliards de dinars ( au cours de fin 2020 près de 48 milliards de dollars) à la fin de l’année 2020, soit une hausse de 12,93% par rapport à 2019, le président de la république en mars 2021 ayant annoncé même 10.000 milliards de dinars soit au cours actuel d’avril 2021, 75,19 milliards de dollars. Nous assistons à l’accélération du processus inflationniste interne où la majorité des produits importés, excepté ceux subventionnés, connaissent depuis décembre 2020 une augmentation variant entre 20/50%, voire 100% pour certains produits comme les pièces détachées de voitures en contradiction avec l’indice officiel de l’ONS non réactualisé depuis 2011, le besoin étant historiquement daté. Le dérapage du dinar contribue ainsi à la baisse des salaires ramenés en devises. Ainsi un salaire net de 50 000 dinars équivaut au cours actuel à 310 euros et le SMIG de 20 000 dinars à 125 euros, montant qu’il faut réduire de 50% si l’on prend le cours du marché parallèle, ce qui implique une nouvelle politique salariale qui encourage els producteurs de richesses au lieu des emplois.

3- L’évolution du taux d’inflation

Le niveau d’inflation est fonction de plusieurs facteurs interdépendants – Premièrement, de facteurs externes dont le prix international des produits importés où contrairement à ce qu’affirme le ministre la majorité de pays connaissent non pas une inflation mais une déflation avec des taux d’intérêts presque nuls ; – Deuxièmement, de la faiblesse de la production et de la productivité interne, de la non-proportionnalité entre les dépenses monétaires et leur impact renvoyant à la corruption via les surfacturations ; – Troisièmement, de la déthésaurisation des ménages qui mettent face à la détérioration de leur pouvoir d’achat des montants importants sur le marché, alimentant l’inflation, plaçant leur capital-argent dans l’immobilier, l’achat d’or ou de devises fortes pour se prémunir contre l’inflation ; – Quatrièmement, de la dévaluation rampante du dinar comme mis en relief précédemment ; – Cinquièmement, par la dominance de la sphère informelle produit des dysfonctionnements des appareils de l’Etat où existent des liens dialectiques entre cette sphère et la logique rentière, avec des situations oligopolistiques de rente. Cette sphère aligne le prix des biens sur la cotation de la devise du marché parallèle, pour les produits importés, contrôlant les segments des fruits/légumes, poissons/viandes, textile/cuir et bon nombre d’autres produits importés qui connaissent un déséquilibre offre/demande. Le taux officiel a été de 1999 à fin 2020 :– 2000, 2,0% – 2001, 3,0% – 2002, 3,0% – 2003, 3,5% – 2004, 3,1% – 2005, 1,9% – 2006, 3,0% – 2007, 3,5% – 2008, 4,5% – 2009, 5,7%, – 2010, 5,0% – 2011, 4,5% – 2012, 8,9% (après les augmentations de salaires) -2013, 3,9% – 2014, 2,9% – 2015, 4,2% – 2016, 5,9% 2017, 5,6% – 2018, 5,6% – 2019, 5,6%. -2020, 2,4% -2021 prévision 4,2% selon le gouvernement. Selon les données officielles, l’inflation cumulée a dépassé les 82% entre 2000/2020 et en redressant les taux de 20%, nous avons une détérioration du pouvoir d’achat durant cette période de 100% avec une concentration excessive du revenu national au profit d’une minorité rentière où un fait nouveau, une partie de la classe moyenne commence à disparaître graduellement et à rejoindre la classe pauvre, l’inflation et c’est une loi universelle jouant comme facteur de concentration au profit des revenus variables et au détriment des revenus fixes. (A suivre)

Professeur des universités Expert international Dr Abderrahmane Mebtoul