Le Gouvernement, entre ambition économique et enjeux financiers

Avant-projet de loi de Finance complémentaire 2021 (PLFC)

L’arrivée de la crise sanitaire du Covid-19 en Algérie, au mois de mars 2020, a bouleversé l’ordre des priorités de l’Etat et celui du prévisionnel financier à court et à moyen terme. Couplée d’une crise économique et financière aiguë, la gestion et la prise en charge de cette situation a nécessité des dépenses supplémentaires dépassant 13 milliards de dinars, supportées par le Trésor public.

Ce qui a creusé davantage les déficits publics et fait baisser les réserves de changes (45 milliards de dollars) provoquant un véritable malaise financier qui a conduit le Gouvernement à prendre des mesures austères pour éviter l’effondrement de tous les indices macroéconomiques fragilisés par la crise politique et économique antérieure à la crise sanitaire. La loi de Finance 2021 visait à corriger les problèmes de gouvernance à travers des réformes en profondeur des secteurs économiques et financiers et mettre en place un nouveau recadrage macroéconomique pour booster la croissance, la productivité, l’investissement et réduire les déficits publics. La remise sur les rails de l’économie nationale se heurte à de multiples obstacles sur le terrain, exigeant après quelques mois, de nouvelles réflexions sur les opportunités présentes et les perspectives d’avenir afin de se préparer à l’après Covid-19. Le Gouvernement a décidé, au vu de la situation actuelle, de compléter et de corriger certaines dispositions dans la LF 2021 et de présenter prochainement au Conseil des ministres son avant-projet de loi de Finance complémentaire 2021 (PLFC).
Ce dernier a été présenté par le ministre des Finances, Aymane Benabderrahmane, lors de la dernière réunion du Gouvernement tenue, mercredi 5 mai, à Alger par visioconférence sous la présidence du Premier ministre, Abdelaziz Djerad. Dans son exposé, le premier argentier du pays a insisté sur la nécessité de maintenir et de renforcer les mesures de soutien à l’investissement, accorder de nouvelles mesures de facilitations et fiscales en faveur des jeunes entrepreneurs et des investisseurs industriels. Également renforcer et intégrer les services de la Finance islamique dans les banques nationales. Les propositions faites par le ministre des Finances s’inscrivent dans les mêmes objectifs et orientations de la LF 2021 qui table sur le redressement de l’économie nationale à l’horizon 2024 et surtout réformer en urgence les secteurs financiers, bancaires, économiques et même administratifs. Libérer l’acte d’investir, encourager l’inclusion financière et redynamiser le tissu industriel et le secteur public marchand.
Selon les informations relayées par des médias locaux, l’avant- projet de loi en question s’appuie sur un cadrage macroéconomique quasi identique à celui de la loi de finances 2021. Le prix référentiel du pétrole sera maintenu à 40 dollars, pareil pour celui du marché fixé, préalablement par la LF 2021, à 45 dollars, contre un taux de change moyen de 142,20 dinars pour un dollar, rappelant que la LF 2021 a prévu la baisse progressive de la valeur du dinars de 5% pendant les trois années à venir. Le Gouvernement semble maintenir cette décision qui pourrait être globalement bénéfique à l’exportation, mais peut aggraver, en parallèle, le rythme de l’inflation, par conséquent, plomber le pouvoir d’achat des Algériens. Le Gouvernement reste, toutefois, ambitieux et espère tout de même atteindre un taux de croissance d’environ 4,2%. Concernant la politique budgétaire (dépenses et recettes), l’avant-projet de loi de Finance complémentaire 2021 prévoit «des dépenses budgétaires de près de 8.640 milliards de dinars (64,65 milliards USD), dont le budget de fonctionnement s’élève à plus de 5.660 milliards de dinars (42,3 milliards USD) et environ 2.970 milliards de dinars (22,26 milliards USD) attribué au budget d’Equipement, selon les chiffres avancés par le média arabophone «El Khabar», dans une édition de la semaine passée.
Par ailleurs, l’avant-projet table sur des recettes budgétaires «supérieures à 5.330 milliards de dinars, dont 3.400 milliards de dinars de recettes issues de la fiscalité ordinaire et 1.920 milliards de dinars de revenus provenant de la fiscalité pétrolière». Plusieurs autres mesures de soutien à l’économie et à la finance sont prévues dans cet avant-projet de loi visant à réduire les déficits publics (balance des paiements, budget et du Trésor publics». Un défi de taille à relever dans un contexte économique international complexe, mais qui se prépare à l’après Covid-19 qui s’annonce économiquement très difficile. L’Algérie est, toutefois, consciente de l’urgence d’accélérer les réformes globales et la transition énergétique et numérique afin de s’adapter aux changements économiques internationaux. Réinventer un nouveau modèle économique basé sur une bonne gouvernance et économie de marché.
Samira Takharboucht