Résoudront-elles le divorce Etat-citoyens et la crise économique et sociale ?

Elections législatives du 12 juin 2021

Comment ne pas rappeler qu’entre 1980/2014, j’ai eu l’honneur de coordonner plusieurs ouvrages pluridisciplinaires ayant abordé les réformes politiques, sociales et économiques, fruit d’un travail collectif à la rédaction desquels ont contribué des collègues spécialistes en anthropologie, économie et en sciences politiques, des experts des universités étrangères, de Constantine, Annaba, Béjaïa, Tizi-Ouzou, Oran et d’Alger. Ces travaux sont aujourd’hui d’une brûlante actualité et qui s’inscrit en partie dans la tradition déjà bien établie des travaux de transitologie traitant des expériences des réformes structurelles des pays du tiers monde et de l’ex-bloc socialiste, analysant les différentes politiques élaborées et exécutées en guise de réponses aux grands défis internes et mondiaux.

La fin de l’État de la mamelle, puis de la légitimité révolutionnaire, signifie surtout que le pouvoir bienfaisant – ou de bienfaisances inaugurées comme contrat politique implicite par les tenants du socialisme de la mamelle afin de légitimer l’échange d’une partie de la rente contre la dépendance et la soumission politiques, et qui efface tout esprit de citoyenneté active – doit céder la place à un pouvoir juste. C’est la norme du droit qui reprend sa place pour légitimer le véritable statut de la citoyenneté nationale. Le passage de l’État de «soutien» à l’État de Droit est de mon point de vue un pari politique majeur, car il implique tout simplement un nouveau contrat social et politique entre la nation et l’État. Aussi, l’Algérie ne peut revenir à elle-même que si les faux privilèges sont bannis et les critères de compétence, de loyauté et d’innovation sont réinstaurés comme passerelles de la réussite et de promotion sociale. Par ailleurs, la refondation de l’État ne saurait se limiter à une réorganisation technique de l’autorité et des pouvoirs mais implique des réaménagements dans l’organisation du pouvoir devant poser la problématique stratégique du futur rôle de l’État dans le développement économique et social, notamment à travers une réelle décentralisation. Cela suppose que toutes les composantes de la société et les acteurs de la vie économique, sociale et culturelle, soient impliqués, sans exclusive, dans le processus décisionnel qui engage la configuration de l’image de l’Algérie de demain qui devra progressivement s’éloigner du spectre de l’exclusion et de toutes les attitudes négatives qui hypothèquent la cohésion sociale. C’est une manière pour l’État, de marquer sa volonté de justice et de réhabiliter sa crédibilité en donnant un sens positif à son rôle de régulateur et d’arbitre de la demande sociale. Il n’y aurait donc plus de place pour le gaspillage et le droit à l’erreur, ce qui exclut obligatoirement le pilotage à vue au profit d’actions fiabilisées par des perspectives de long terme d’une part, et d’autre part les arbitrages cohérents qu’implique la rigueur de l’acte de gestion et une lutte contre la corruption.

3.-Les futurs candidats et le nouveau gouvernement confrontés à une situation socio-économique difficile

Espérons ne pas renouveler les expériences passées où les députés se sont contentés d’une rente sans propositions concrètes et d’un gouvernement sans vison qui s’est contenté de gérer la rente des hydrocarbures, au gré de la conjoncture internationale, dont le prix lui échappe totalement. Avec le monde 2021/2030 qui est à l’aube d’une quatrième révolution économique avec le primat de la bonne gouvernance et la valorisation du savoir, où toute n ation qui n’avance pas régresse forcément, n’existant pas de situation statique, étant une élection nationale et non locale, nous attendons avec attention les propositions concrètes de sorties de crise tant des partis que des candidats indépendants. Il faut éviter ces séminaires et ces ateliers, une perte de temps et d’argent, le bilan socio-économique étant connu, ayant besoin d’actions concrètes. C’est que le futur gouvernement et l’Assemblée issue des élections du 12 juin 2021, après une action très mitigée selon le président de la République lui-même, de l’actuel gouvernement, seront confrontés à la dure réalité économique et sociale sans oublier les enjeux géostratégiques au niveau de la région. Avec la baisse des réserves de change entre 42/43 milliards de dollars fin 2020, contre 194 fin 2013, une sortie de devises prévues par la loi de Finances complémentaires, biens et les services souvent oubliés, minimum de 35/37 milliards de dollars, un PIB qui passe de 160 milliards de dollars en 2020 à 153 et un taux de chômage avoisinant 15% selon le FMI pour 2021, la pression démographique souvent oubliée, il faudra entre 2021-2025 créer plus de 350 000-400 000 emplois par an, qui s’ajoutent au taux de chômage, impliquant pendant plus de 5 à 7 ans un taux de croissance en termes réel entre 8/9% après avoir connu une croissance négative de 6% en 2020 et une prévision selon le FMI de 2,9% en 2021. La création d’emplois depuis des décennies provient essentiellement avec les effets indirects irriguant tout le corps économique et social, de la rente les hydrocarbures, les recettes en devises dépendant de facteurs externes, du cours du pétrole et du gaz sur le marché mondial), qui procure selon l’analyse de la structure des exportations du dernier rapport du ministère de Commerce de mai 2021, avec les dérivés plus de 97% des recettes en devises. Les nouveaux élus doivent être conscients qu’avec un cours moyen de 60/65 dollars, et un cours du gaz de 3/5 dollars le MBTU (33% des recettes de Sonatrach) sous réserve de la reprise de la croissance de l’économie mondiale et de la non baisse de la production en volume physique, plus de 20% entre 2010/2020, les prévisions attendues en 2021 des recettes d’exportation d’hydrocarbures seraient entre 24/27 milliards de dollars. Sans compter le retour du processus inflationniste qui s’installe dans la durée (détérioration du pouvoir d’achat et intensification des revendications sociales) laminant les couches moyennes, pilier de tout processus de développement, en soulignant que les restrictions d’importation en 2020, sans ciblages, ont paralysé la majorité de l’appareil de production, fonctionnant à moins de 50% de leurs capacités, avec de nombreuses faillites, le taux d’intégration entreprises publiques et privées ne dépassant pas 15%. Surmonter l’actuelle crise politique et économique est un défi à la portée de l’Algérie afin d’éviter les tensions sociales et devenir un acteur clef de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine. Espérons avec l’impact de l’épidémie du coronavirus qui a paralysé toute l’économie mondiale et pas seulement l’Algérie, que le dialogue, outil par excellence de la bonne gouvernance, l’emporte sur les passions, l’objectif stratégique privilégier les intérêts supérieurs de l’Algérie pour assurer la sécurité et le développement.

(Sute et fin) Pr des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul