Des noms communs devenus toponymes composés

Toponymie

Il nous a semblé utile d’en parler, compte tenu de l’origine parfois lointaine des noms propres composés, sinon de leur histoire et de leur contenu sémantique.

Parmi d’autres noms propres qui nous sont plus ou moins familiers, il existe des toponymes, noms de villes ou de régions qui suscitent beaucoup d’interrogations ; il existe d’autres noms peu communs parce qu’ils sont composés ou de formation originale. On a ajouté pour les former un nom commun à un nom propre, sinon à un autre nom commun ou à un adjectif qualifiant, c’est le cas par exemple de Sidi Bou Baghla, Oued Fodda, Ighzer Amokrane.

Pour illustrer quelques ensembles
Les noms commençant par Oued, extrêmement nombreux en Algérie ont dû s’imposer d’eux-mêmes par l’existence d’oueds à l’endroit indiqué. Quand on parle de Oued Djemaâ, il s’agit d’une petite localité habitée par un nombre variable de familles et l’endort choisi comme lieu d’habitation, se trouve à côté d’un oued bien en crue en hiver et près duquel se tenait un marché en plein air, une fois par semaine. Dans la tradition ancestrale, à chaque jour de la semaine on pouvait aller dans l’ancien temps à dos d’âne, au marché pour lequel on choisissait à bord d’un oued. Mais même s’il n’y avait pas de marché, le nom composé est choisi pour l’oued, quand l’appellation «oued» désigne simplement une vallée sèche au fond de laquelle il y avait peut-être un cours d’eau dont personne ne se souvient.
Près d’El Harrach, il y a un endroit appelé Oued Ouchaïah signifiant oued asséché où peut-être n’ayant jamais eu d’eau dans son pseudo-lit. Ces noms propres composés existent ailleurs, dans les grands pays, pour désigner des conurbations étendues sur de grandes superficies comme Rio de Janeiro qui dit signifier en espagnol «rivière jaune». Cette appellation rappelle celle de Rio de Oro choisi par les colonisateurs espagnols au Sahara occidental : Rivière dorée ; «Buenos Aires» dans sa forme composée, a certainement un sens hors du commun pour une capitale. On ne peut pas savoir le nombre de noms composés et commençant par Oued en Algérie, il en existe dans toutes les wilayas». Il serait intéressant de les inventorier pour en étudier l’histoire, ou dans le cadre des investigations en lexicologie, pour un mémoire de recherche universitaire portant sur le thème.

Création lexicale des noms propres composés
Ce ne pourrait être qu’un travail d’investigation exaltant tant c’est lié à l’histoire, à la sémantique et à la dérivation lexicale. Cependant, l’étude est d’autant plus enrichissante qu’elle englobe d’autres noms composés commençant par «Aïn» qui sont les plus nombreux. Comme les noms préfixés par «oued», les «Aïn» sont porteurs de marques d’histoires et d’une longue histoire. Dans un village, on a donné à une fontaine le nom de celui qui a aménagé un bassin en guise d’abreuvoir pour les animaux et installé des robinets pour le remplissage des ustensiles à la consommation domestique. Beaucoup de villes se sont construites autour d’une source d’eau potable sans laquelle il n’y aurait pas eu de vie : Aïn Defla et Aïn Temouchent, chef-lieux de wilaya ont été formés par l’ajout du préfixe nominal «Aïn» à un nom propre de chose ou de personne : «Defla» et «Temouchent» ont en eux-mêmes chacun sa signification.
Chaque nom est un cas particulier comme Aïn Sefra où Sefra désigne la couleur jaune, donc c’est la source à la couleur jaune. Aïn Bessem ne doit pas être comme Aïn Ouessara, du moins en apparence, comme Aï Lechiakh. Et que d’exemples méritant une étude approfondie qui obligerait à remonter loin dans l’histoire ! On ne va pas trop s’attarder sur les «Aïn» pour parler des noms de lieux commençant par «Souk», il y en a tellement qu’on ne peut pas tous les aborder. Cependant, il faut parler des plus importants comme Souk Ahras, Souk el Tenine, Souk el Had qui ont une longue histoire, du moins pour le premier de ces trois, nom de wilaya, dont les origines remontent à la période bien antérieure à l’arrivée des colonisateurs romains.
Il existe une diversité de noms de villes ou de régions liés à des péripéties importantes de notre passé comme Borj Bou Arréridj, chef-lieu de wilaya, Bordj Badji Mokhtar, Bordj Menaiel qui sont les plus connus car il y en a d’autres particulièrement intéressants à tous égards, c’est le cas des noms commençant par «Oum», Oum El Bouaghi, Oum Touboul… Beaucoup d’autres toponymes sont d’origine berbère comme Ighil Taslent, Agouni Bouafir, Tizi N’koulal. C’est d’une richesse immense ces toponymes que les jeunes d’aujourd’hui ont le devoir de connaître pour rentrer en plein dans l’anthropologie ou l’anthroponymie.

De quelques toponymes hors du commun
Quelquefois, c’est le hasard qui conduit à faire porter un nom à un lien : ville, village, cité, région. C’est à force d’appeler un quartier, champs, cité urbaine, que le nom propre est adopté. Un quartier de village a gardé son nom original ; «Les Grenadiers» peut-être que des grenadiers ont été plantés-là, ont produit des fruits, et le nom composé a été adopté définitivement. C’est comme «Les Asphodèles» à Alger, nom pluriel et composé précédé d’un article comme «Les Palmiers», cité ancienne devant dater d’une période ancienne. Ça et là, on trouve des noms hors du commun, à l’exemple de Chelghoul el Aïd qu’on appelait pendant la période coloniale sous le nom composé : «Châteaudun du Rhummel. On ne peut pas se permettre d’expliquer le sens de «Chelghoum» tant il y a eu d’explications et qu’on peut être induit en erreur.
C’est comme Tassala el merdja, qui nous indique qu’il s’agit d’une localité urbaine située en zone de marécages, mais Tassala reste énigmatique tant son sens peut être variable. «Khemis» est une composante de noms composés très récurrente ; deux exemples peuvent aider à comprendre. Ainsi, dans Khemis el Khechna et Khemis Miliana, les deux noms semblent être des indicateurs de lieux commerciaux, des marchés comme espaces d’échanges. Un peu partout dans les wilayas, on retrouve «Khemis» seul ou associé à un autre nom avec la même signification ou non.
Si on devait tenir compte de la facilité avec laquelle on attribue un nom à une cité, on peut dire que les toponymes sont le fait d’habitudes sociales. Quelquefois, par ironie ou moquerie, on choisit une appellation à une cité urbaine, à un village, quelquefois même c’est un surnom qu’on leur choisit par comparaison métaphorique. Ainsi, on a coutume d’appeler «Dallas» une petite cité dont les maisons sont construites sous différentes formes et la population est très diverses par la fonction, le comportement, la tenue vestimentaire. Il n’y point d’unité dans les usages, l’habitat.
Abed Boumediene