…et difficile à écrire

La littérature doit être facile à comprendre…

La littérature elle-même est le fruit d’un travail difficile, on ne réussit le travail fini qu’après bien des ratures, des renvois, des parties barrées ; celui qui écrit finit par se rendre compte que ce qu’il a écrit ne correspond pas à l’objectif recherché, aussi, il cherche le moyen le plus simple de rendre les idées, pour plaire aux lecteurs qui, dans la plupart des cas ne cherchent que la facilité.

Il faut faire ce que les grands romanciers ont fait : beaucoup de ratures avant d’arriver à la forme définitive d’une œuvre à présenter à l’éditeur qui la lit et donne son point de vue en demandant parfois à son auteur de supprimer certaines parties. Mouloud Feraoun a dû être obligé par la maison du « Seuil » de supprimer certaines parties du roman « Le fils du pauvre », jugées comme encombrantes pour l’édition définitive. Lorsque Kateb Yacine a remis « Nedjma » au «Seuil », lui aussi, on lui a demandé d’enlever toute une grande partie qui lui a servi par la suite à réaliser son deuxième roman «Le Polygone étoilé» reconnu comme un autre chef d’œuvre.
En effet, ce qui caractérise Kateb Yacine, c’est la densité ; chaque phrase peut dire beaucoup plus que l’on pense. Il n’est pas facile de lire et de comprendre « Nedjma et Le Polygone étoilé » tant ils sont denses et difficiles à cerner. D’ailleurs ils peuvent être commentés à l’infini. La littérature est l’ensemble des œuvres orales et écrites ; en ce qui concerne les œuvres orales, la composition est plus facile, il suffit d’avoir la maîtrise de la parole. Mais la littérature écrite demande des connaissances en grammaire, syntaxe, lexique, morphologie. Ecrire n’est pas facile, surtout lorsqu’on a le souci de bien faire. Jadis on composait au stylo sur des feuilles ou des cahiers, pour faire le brouillon sur lequel on raturait, gommait, barrait au fur et à mesure que les idées viennent. Mais avec l’écriture sur ordinateur, on n’a plus besoin de papier et de crayon.

Dans tous les cas de figure, la littérature est plus facile à comprendre qu’à écrire
Pour la comprendre, il faut la lire et la lire intelligemment. Lire est une activité très complexe, on lit ce qui est écrit dans un langage donné, et pour arriver à décrypter le ou les messages, il faut savoir raisonner. Tout est question de niveau de l’ouvrage écrit et de celui qui lit. Lorsque le texte est écrit dans un langage relevé qui dépasse nettement le niveau de connaissance du lecteur, il est certain qu’il n’y a aucun intérêt à lire, parce qu’il y a un total déphasage entre le lecteur et le texte. Donc, pour lire, il faut qu’il y ait un réel intérêt du lecteur pour le livre, le problème de niveau ne se pose pas, en cas de décalage, il appartient au lecteur de faire de gros efforts de compréhension et d’avoir une méthodologie d’approche des textes écrits. Il faut beaucoup de volonté pour lire et comprendre ce qu’on lit ; lire sans comprendre, c’est chasser sans prendre.
L’intérêt de la lecture est dans les profits qu’on en tire. D’abord le vocabulaire est à comprendre pour son pécule personnel, au fur et à mesure des lectures on s’enrichit, en découvrant les mots nouveaux ainsi que des acceptions nouvelles des mots qu’on connait et qu’on redécouvre dans d’autres contextes sous d’autres signifiés. On se rend compte qu’on apprend à lire lorsqu’on a constaté qu’on tire de réels profits des textes qu’on lit. Cependant la lecture n’est profitable que si elle est continue et c’est possible dans la même catégorie de texte, par exemple le roman, la nouvelle, là où il y a une linéarité de préférence comme dans les romans traditionnels, sinon en suivant le mouvement de la pensée comme dans le roman moderne. Il faut s’habituer à les lire pour aller à la découverte des nouvelles thématiques et des nouveautés dans le même genre romanesque.
De quoi s’inspirent les écrivains, des tranches de vie, des différentes situations sociales, des évènements qui influent sur le comportement de chaque individu, des conflits de générations, des histoires entre individus qui procurent de la matière à remodeler en vue d’une meilleure présentation à caractère dramatique ou sentimentale. C’est intéressant à lire et ça ne peut que procurer du plaisir dans la mesure où les auteurs nous font voir la vie autrement, ainsi que des pans entiers du vécu qui nous a échappé à cause de nos problèmes quotidiens qui nous font oublier l’essentiel de notre vie. Quelquefois, les bons auteurs vont au-delà de la réalité pour nous faire rentrer dans la fiction. A divers degrés, toutes les œuvres sont fictionnelles. C’est quand la réalité ne les satisfait point qu’ils inventent une autre réalité plus douce ou plus méchante qui convient mieux dans une situation. Et oui, c’est tout cela qui est à découvrir à travers les lectures.

Quoi de plus difficile que d’écrire des ouvrages littéraires
Ecrire est à la portée de tous ceux qui pensent avoir des facilités pour composer des phrases ou exprimer une suite d’idées, mais élaborer un ouvrage assez bien riche et qui plaise à un public, ou n’est pas à la portée de tout le monde. Il faut beaucoup de talent, de la patience, de vastes connaissances dans le domaine choisi, des qualités de style. Il faut un bagage intellectuel assez conséquent. Avoir du talent, c’est avoir le sens de l’esthétique et travailler dans ce sens pour rendre l’ouvrage à la fois accessible et enrichissant, être capable de répondre aux goûts d’un lectorat qu’il faut apprendre à ménager en répondant à ses aspirations, pour mieux le fidéliser. Par ailleurs celui qui écrit est supposé connaître suffisamment le vocabulaire de la langue pour que chaque mot soit placé à bon escient de façon à être sémantiquement en harmonie avec l’ensemble. Il ne faut pas qu’il y ait de problèmes de concordance des temps à l’intérieur d’une phrase et entre les phrases, ce qui enlaidirait le style, rendrait fastidieuse la lecture et incohérent le texte tout entier. L’écrivain véritable est celui qui écrit des pages et des pages sans jamais perdre de vue les conditions de l’esthétique de l’ensemble du texte.
Pour mettre en chantier un roman, par exemple, il peut partir d’une légende ancienne ou d’une anecdote extravagante, sinon d’un fait divers intéressant et qui relate un évènement récent. Il développe chacune d’elles en imaginant des suites logiques allant dans le sens de la même histoire, mais en ajoutant des personnages et en développant des situations qui vont dans le bon sens, autrement dit on fait de la fiction sans le vouloir tout en essayant de rester fidèle à l’original, histoire du point de départ et qui a servi de source d’inspiration. On fait un travail d’imagination en inventant divers personnages pour accomplir des suites d’actions, tout en évitant d’être incohérent, ce qui serait dommageable pour le livre qui n’aurait aucune valeur et pour l’auteur qui perdrait sa valeur et son honneur parce qu’il est déprécié et déconsidéré à jamais aux yeux des lecteurs. Beaucoup de romanciers de grande renommée ont élaboré des romans qui sont des chefs d’œuvre dans le domaine de l’écriture romanesque.
Le meilleur est André Gide, on l’a choisi parce qu’il a aimé l’Algérie pour avoir longtemps vécu à Biskra, ville à laquelle il a consacré un beau livre « Les Nourritures terrestres », tout ça a dû se passer dans la première moitié du 20ème siècle. André Gide est l’auteur de nombreux best Sellers, tel celui qui a eu le plus de succès « Les Faux Monnayeurs », roman écrit a plus de 450 pages et l’auteur est parti d’un fait divers lu dans quotidien. Pour arriver à élaborer ce volume, il a dû faire un travail d’imagination colossal en créant des personnages capables d’évoluer dans des situations particulières. Un autre écrivain, Balzac, qui a composé plus de 90 romans en un temps record, en partant de rien pour imaginer tout le reste, il a inventé de nombreux personnages et beaucoup de décors, de situations sociales, d’évènements.
C’était un véritable phénomène de l’écriture et de la lecture, on raconte qu’il lisait en les comprenant dix lignes à la fois. Il existe des écrivains qui font des descriptions de paysages conformes à la réalité sans s’y être rendu, en se basant sur des lectures d’ouvrages ou des témoignages vivants de ceux qui ont parcouru le monde. Même le monde ancien les intéresse, ils le reconstituent à leur manière, tout en essayant d’être réalistes en donnant des indications de dates et de lieux où ces empires et civilisations disparus depuis des millénaires, ont été florissants. Il s’agit de romans historiques intéressant à lire parce qu’il initie à la culture du roman et de l’histoire.
Boumediene Abed