Quelle politique de subventions ciblées pour l’Algérie, pour concrétiser les décisions du président de la République ?

Economie

Le président de la République vient d’annoncer qu’un large débat après les élections législatives, sur un sujet combien sensible, concernant la politique future des subventions, pour des actions opérationnelles. C’est que les tensions sociales, tant qu’il y a la rente, sont atténuées artificiellement grâce aux recettes des hydrocarbures qui permettent des subventions et transferts sociaux représentant 23,7% du budget général de l’Etat et 9,4% du PIB pour l’exercice 2021, mais mal gérés et mal ciblés, qui ne profitent pas toujours aux plus démunis.

Dans plusieurs rapports entre 2010/2019, la Banque mondiale fait remarquer qu’en moyenne dans le monde, 20% des plus riches bénéficient six fois plus que 20% des plus pauvres des subventions recommandant que les programmes d’aide sociale doivent être ciblés de manière à aider les ménages pauvres et vulnérables à y faire face. Pour l’Algérie, la même institution note que pour 2017, les montants des subventions sous forme de comptes spéciaux du Trésor, allouées au soutien de services productifs, à l’accès à l’habitat et aux activités économiques représentaient 14% du total des dépenses de l’État en dehors des dépenses de fonctionnement. Qu’en est-il pour les bilans de 2020 et 2021 où aucune mesure de fond n’a été prise depuis cette date ? Les assainissements répétés aux entreprises publiques qui sont des subventions ont couté au Trésor public des dizaines de milliards de dollars, dont plus de 70% sont revenues à la case de départ, le ministre délégué chargé de la Prospective auprès du PM, ayant révélé courant janvier 2021, que l’État a alloué près de 250 milliards de dollars au secteur public marchand au cours des 25 dernières années.
Nous avons les exonérations fiscales et de TVA accordées par les différents organismes d’investissement (Andi, Ansej) y compris pour les entreprises étrangères, dont il conviendrait de quantifier les résultats par rapport à ces avantages (exportation et création de valeur ajoutée interne). Pour le pouvoir algérien ne voulant pas de remous sociaux les subventions seront encore un tampon pour juguler la hausse des prix internationaux, avec ce retour à l’inflation car en dehors des subventions le taux d’inflation réel dépasserait largement 10%. Ainsi, toutes les lois de Finances y compris celle de 2021 proposent des mesures qui ont pour finalité de pérenniser la politique de l’Etat en matière de subvention des prix des produits de large consommation.
Or, comme je l’ai analysé dans plusieurs contributions nationales et internationales, le montant des subventions très important par rapport au PIB est injuste où que toutes les catégories sociales puissent bénéficier des subventions, quelle que soit sa situation financière. Ainsi, se pose le problème de l’efficacité de toutes ces subventions sur le producteur local et sur le consommateur final. Les subventions généralisées entraînent, un gaspillage croissant des ressources financières du pays, faussent l’allocation rationnelle des ressources rares et ne permettent pas d’avoir une transparence des comptes. Les prévisions tant au niveau micro que macroéconomique, aboutissent au niveau des agrégats globaux (PIB, revenu national) à une cacophonie additionnant des prix du marché et des prix administrés. Ils découragent la production locale avec un gaspillage croissant des ressources financières du pays.

3- Avoir une vision stratégique
Il ne faut pas se tromper de cibles pour paraphraser les stratèges militaires, la politique des subventions ciblées étant liée à la gouvernance par une lutte contre la corruption, les surcouts et surtout le retour de la confiance de la population en ses institutions (voir Les enjeux géostratégiques de la sphère informelle et comment l’intégrer étude réalisée sous la direction du Pr A. Mebtoul Institut Français des Relations Internationales IFRI Paris 2013 et l’audit réalisée sous ma direction assisté de 15 experts tous algériens pour le Premier ministère (10 volumes 890 pages), en janvier 2014 avec 19 propositions rentrant dans le cadre de la nouvelle stratégie du développement socio-économique, où chaque proposition a fait l’objet d’une étude particulière par les experts, résolutions mis dans un placard qui n’ont pas été appliquées que certains redécouvrent actuellement en 2021). bbAussi, se pose cette question stratégique pour l’Algérie avec la chute du cours des hydrocarbures, l’Etat pourrait ne pas avoir les moyens de continuer à subventionner certains produits alimentaires, comme se pose actuellement l’alimentation des caisses de retraite pour 3,2 millions de retraités, étant prévu environ pour 2021, 690 milliards de dinars de déficits qui risque l’implosion rendant urgent son unification pour des raisons d’efficacité et de justice sociale.
Or, les hydrocarbures traditionnels pourraient s’épuiser horizon 2030 au moment où la population algérienne sera d’environ 50 millions d’habitants. Un rapport du Ministère de l’Energie montre clairement qu’à cette allure, la consommation intérieure en énergie classique risque de dépasser les exportations actuelles horizon 2030. Alors que parallèlement nous assistons à une baisse drastique en volume physique où selon le rapport de mai 2021 de l’Opep la production algérienne à environ s’élevait à 870 000 barils par jour, contre de 1,2 millions de barils/j entre 2010/2014 en n’oubliant pas que 33% des recettes de Sonatrach proviennent du gaz dont le cours sur le marché libre entre 2019/avril 2021 fluctue entre 2,5 et 2,7 dollars le MBTU contre 10/12 dollars entre 2008/2014. Car on peut découvrir des milliers de gisements non rentables fonction au coût y compris le transport, du vecteur prix international et du nouveau modèle de consommation énergétique mondial axé sur l’efficacité et la transition énergétique.
Etudes (sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul pour une nouvelle politique des carburants (subventions ciblées) assisté du bureau d’études Ernest Young et des cadres dirigeants de Sonatrach 8 volumes 780 pages). L’instauration d’une chambre nationale de compensation indépendante, devrait permettre des subventions ciblées, par un système de péréquation intra socioprofessionnelle et interrégionale. Comme démontré dans plusieurs rapports, cette opération de ciblage des subventions, est techniquement impossible sans un système d‘information fiable en temps réel, mettant en relief la répartition du revenu national par couches sociales et par répartition régionale. L’on devra distinguer les salariés des indépendants, et ce, en liaison avec l’évolution de l’indice de l’inflation réel l’actuel n’ayant pas été actualisé depuis 2011 afin de déterminer le pouvoir d’achat par couches sociales où si on prend les données officielles, le taux d’inflation entre 2000/ fin 2020 approche les 100%.
Cette opération est également impossible sans quantifier la sphère informelle qui permet des consolidations de revenus. En conclusion, avec les tensions géostratégiques et socio-économiques, l’Algérie a besoin d’actions concrètes, loin des théories abstraites et de séminaires reprenant des propositions datant de plusieurs décennies sans jamais déboucher sur quelque chose de concret. Ainsi existent des audits qu’il s’agit uniquement de réactualiser sur des sujets comme le partenariat public-privé (PPP), qui doit aider en principe à devenir un outil d’optimisation et de rationalisation de la dépense publique, sur le recyclage des déchets qui implique un nouveau comportement des ménages, d’autres études sur les actions opérationnelles de l’intégration de la sphère informelle et des subventions ciblées toutes ces propositions qui n’ont pas fait l’objet d’actions concrètes que certains redécouvrent aujourd’hui.
Aussi, il y a urgence de mettre fin au cancer de l’économie de la rente qui se diffuse dans la société par des subventions généralisées et des versements de traitements sans contreparties productives. Face à la concentration excessive du revenu national et une austérité non partagée, la majorité des Algériens veulent tous et immédiatement leur part de rente, quitte à conduire l’Algérie au suicide collectif. Tout cela renvoie à l’urgence d’une nouvelle gouvernance liée à une nouvelle politique salariale qui privilégie les producteurs de richesses et non les rentes.
Abderrahmane Mebtoul Professeur des universités, expert international
(Suite et fin)