Sept candidats passent leur BEM au centre anti-cancer d’Oran

Les enfants-courage

Le Centre anti-cancer (CAC) Emir Abdelkader de Messerghine (à l’Est d’Oran) a organisé mardi, à son niveau et pour la première fois, les épreuves du Brevet d’enseignement moyen (BEM) au profit de sept élèves hospitalisés. Ces sept enfants, malgré un parcours scolaire et sanitaire très difficile, ont choisi de relever le défi et de passer l’examen de la fin du cycle moyen au niveau de l’hôpital. L’initiative a été lancée par la direction locale de l’éducation qui a décidé de donner une chance aux enfants hospitalisés au CAC de subir les épreuves de cet examen scolaire.

Dans une grande salle aménagée, l’équipe de l’APS retrouve ces candidats en plein séance de révision des cours. Il s’agirait presque d’une scène ordinaire. Des élèves penchés sur leurs cahiers, tentant d’absorber un maximum d’informations à la veille d’un examen important. C’est en relevant la tête qu’une autre réalité apparait : des enfants au teint blafard, affaiblis par la maladie, ne souhaitant pas répondre aux questions indiscrètes et insistantes d’un journaliste. Le regard d’abord fuyant, freiné par cette grande pudeur qu’ont les malades à parler de leur souffrance, Mouad, un jeune adolescent de 14 ans, fini par s’ouvrir l’espace d’un instant.

L’espoir, une motivation, un moteur

L’espoir, une motivation, un moteur A cette question presque indécente, lui demandant les motivations qui le poussent à passer cet examen, il répond «l’espoir». «Sans espoir, il n’y a plus rien», dit-il avec philosophie. La psychologue le reprend d’aussitôt. «Ce sont des enfants très courageux qui, malgré un parcours scolaire très instable, ont choisi de relever le défi», soutient-elle en cherchant leurs regards. «Dites-vous qu’une note de dix ou de onze sur vingt dans votre condition, équivaut à un 15 ou à un 16 sur vingt d’un enfant normal», ajoute-t-elle encore pour les encourager. A ces mots certains enfants sourient. Une petite lueur se met à briller dans leurs yeux creusés par la fatigue. «Ils sont de petits héros sans le savoir», rétorque le Pr Amaria Boumeddene, chef de service d’oncologie pédiatrique au CAC d’Oran. «Ils affrontent la maladie, la souffrance et la mort tous les jours», dit-elle de sa voix calme et sereine qui contraste avec la dureté de l’environnement qui l’entoure.

La table vide d’une candidate décédée

La table vide d’une candidate décédée Lors de la visite des deux salles d’examen qui accueilleront mardi les épreuves, une des enseignantes les larmes aux yeux, désigne une table. Elle s’approche pour montrer une étiquette portant les coordonnées d’une candidate. D’une voix tremblante par l’émotion, elle explique que c’est la place d’une enfant, décédée il y a quelques jours de cela. A la base, huit candidats devaient passer l’examen. Ils ne sont que sept à s’y rendre mardi. La mort semble planer sur les lieux. Un silence lourd pèse sur les présents. Pourtant, les enfants-courages devront vivre et composer avec le spectre de la mort. «Nous leur répétons que la mort est notre destin à tous et qu’il y a des malades de longue date qui survivent à la maladie alors que des bien-portants meurent subitement», avance le Pr. Boumeddene qui a appris, grâce à sa longue expérience en oncologie pédiatrique, à leur parler et à les écouter. Encadrée par des enseignants détachés par la direction de l’éducation, une mini-école assure la scolarité des enfants tout au long de l’année. Les enfants hospitalisés, en mesure de se déplacer, portent des tabliers et se rendent eux-mêmes et sans aide, à la salle de cours. « Cela leur donne l’impression de retrouver, en l’espace de quelques heures, une vie normale », note le Pr. Boumeddene.

R.R