Les cinq scénarios pour préserver les réserves de change

Le futur Gouvernement face aux turbulences géostratégiques et aux tensions budgétaires

L’Algérie, acteur stratégique de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine, pays à fortes potentialités, aura en principe un nouveau Gouvernement, après les élections législatives du 12 juin, au plus tard courant juillet 2021 et nombreux sont les défis qui l’attendent.

Quels sont les scénarios possibles devant être réalistes, pouvant être combinés pour préserver les réserves de change à un niveau raisonnable, car dépenser sans compter et sans renouvellement de la gouvernance et la politique socio-économique serait suicidaire pour le pays conduisant le pays à la cessation de paiement courant 2022 (Conférence donnée par le professeur Abderrahmane Mebtoul, le 8 juin 2021 de 10-12h30 à Alger, devant les représentants des pays de l’Union européenne et de la Banque mondiale accrédités à Alger). Le premier scénario est un cours du pétrole supérieur à 90/100 dollars et du cours du gaz supérieur à 7/8 dollars le MBTU, l’Algérie fonctionnant dans le cadre de la loi de Finances 2021 à plus de 130 dollars le baril, un scénario dans la conjoncture mondiale actuelle irréalisable. Tenant compte d’une augmentation future de la production OPEP, de l’entrée de l’Iran et la Libye, le cours moyen entre 2021/2022, s’il y a augmentation de la production en volume physique et une en reprise de l’économie mondiale devant se situer entre une fourchette de 60/65 dollars, niveau défendu par les plus grands producteurs, l’Arabie Saoudite et la Russie.
Le deuxième scénario est une exportation hors hydrocarbures entre 2021/2022 au sein de filières internationalisées approchant 10 milliards de dollars. Or, le secteur industriel représente moins de 6% du PIB, plus de 95% du tissu économique en 2021 étant constitué d’unités personnelles, de petites Sarl, peu initiées aux nouvelles technologies et aux commerce international, dépendantes pour plus de 85% des matières premières de l’extérieur. Certes, il faut reconnaître que certaines entreprises font des efforts pour pénétrer le marché international, en valorisant le savoir et la bonne gestion, l’information étant stratégique alors que force est de constater son effritement, ce qui rend aléatoire toute prévision. Devant raisonner toujours en dynamique, si les projets sont lancés fin 2021, sous réserve de la levée des contraintes bureaucratiques, de la rénovation du système financier, l’adaptation du système socio-éducatif, le seuil de rentabilité pour les PMI/PME ne sera atteint pas avant 2024 et pour les projets capitalistiques (dont le fer de Ghar-Djebilet, le phosphate de Tébessa) entre 2027/2028.
Aussi, il sera difficile d’atteindre les exportations algériennes hors hydrocarbures pour 5 milliards de dollars (USD) d’ici fin 2021. Plus de 70% des exportations selon les statistiques douanières sont constituées de semi-produits en majorité des dérivés d’hydrocarbures, et le montant réel hors dérivés hydrocarbures ne devrait pas dépasser les 2-2,5 milliards de dollars mais devant pour avoir le profit net retirer tous les matières premières brutes ou semi brutes importés en devises. Le troisième scénario est une restriction drastique des importations, ce qui ne peut conduire à une inflation du fait du déséquilibre offre/demande et de vives sociales en paralysant toute l’activité économique, alors l’objectif étant la redynamisation de l’appareil productif, une meilleure gestion et la lutte contre la corruption renvoyant à une nouvelle gouvernance.
Le quatrième scénario est un endettement extérieur ciblé qui n’est pas une tare s’il permet une balance de devises profitables à l’Algérie, donc pas d’impacts sur le niveau des réserves de change, mais supposant une stabilité politique, juridique et une cohérence dans la politique socio-économique. Mais outre qu’il faille des garanties de remboursement, avec l’accroissement de l’endettement des Etats développés, dans cette conjoncture de la crise mondiale, il ne faut pas se faire des illusions. Le cinquième scénario est un partenariat gagnant-gagnant pour des segments à valeur ajoutée. Mails, outre les conditions précédentes, tout entrepreneur quelque soit sa nationalité étant attiré par la logique du profit, n’existant pas de sentiments dans les affaires, existant de nombreuses opportunités à travers le monde avec la forte concurrence, cela suppose des lois attractives, des objectifs clairs allant vers une économie de marché à finalité sociales et de profondes réformes structurelles. Ainsi, l’ensemble des scénarios montrent que la marge d’actions du futur gouvernement est étroite.
En conclusion, le XXIe siècle sera dominé par l’émergence de réseaux décentralisés, qui remplaceront les relations personnalisées d’Etat à Etat dans le domaine des relations économiques et de l’intelligence artificielle (le primat de la connaissance) qui révolutionnent tout le système économique mondial. Je ne saurai trop insister sur le développement durable qui doit avant tout se fonder sur un langage de vérité, ni sinistrose, ni autosatisfaction, évitons la manipulation des données (comment mentir grâce aux statistiques pour reprendre l’expression du fondateur de la statistique moderne Morgenstern) aboutissant à des politiques incohérentes, sur un Etat de Droit, avec l’implication des citoyens à travers la société civile, une véritable opposition sur le plan politique, une véritable indépendance de la justice, tout cela accompagné par une cohérence et visibilité dans la démarche de la politique socio-économique et un renouveau de la gouvernance.
Car toute déstabilisation de l’Algérie, comme je l’ai souligné dans des interviews (2016/2019), l’une aux USA, à l’American Herald Tribune, dans plusieurs médias français l’autre en arabe des pays du Golfe, aurait des répercussions internes, mais également géostratégiques sur toute la région. Les partenaires étrangers ne doivent plus considérer l’Algérie et plus généralement l’Afrique, continent à enjeux multiples comme de simples marchés mais favoriser un partenariat gagnant-gagnant. Mais les étrangers ne peuvent faire les réformes structurelles à notre place. Les différentes composantes de la société algérienne, pour des raisons de sécurité nationale, doivent transcender leurs différends grâce à la tolérance. Aussi, face aux tensions géostratégiques au niveau de la région, des nouvelles mutations planétaires qui imposeront une nouvelle reconfiguration du pouvoir mondial, pour sa stabilité, l’Algérie pays à fortes potentialités, s’impose un sursaut national, pour sa sécurité et son développement.
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul
(Suite et fin)