La nouvelle Algérie à la croisée des chemins

Association Le Grand Maghreb

La France est à la fois honnie mais terriblement désirée. Un sentiment anti-français voit le jour en Algérie. Et pourtant le phénomène des harraga, le nombre exponentiel de médecins algériens exerçant dans les hôpitaux français, d’intellectuels, d’artistes etc…, est révélateur de cette dualité.

La présente tribune a vocation à bousculer des certitudes établies. Elle est le fruit d’une réflexion franche et d’un regard osé sur l’Algérie, sa relation avec la France dans un cadre international et régional en pleines mutations. Cette nouvelle ère doit être appréhendée dès présent pour l’Algérie, sans tabous, au risque de figurer comme les perdants du nouveau désordre international qui se dessine. L’Algérie victime du syndrome de Staney Milgram colonial L’indépendance de l’Algérie est un trait saillant de sa posture internationale et nationale. Cette indépendance se détermine notamment par sa relation avec l’ancienne puissance dominante, la France. Des brèches ont été ouvertes sur les tabous de l’Histoire entre l’Algérie et la France. Ainsi, si le retour de vingt-quatre crânes algériens (seulement !) le 3 juillet 2020 a été salué dignement à Alger (sans aucune représentation officielle française d’ailleurs), qu’en est-il des 18.000 crânes qui restent au musée de l’Homme à Paris ? Des tabous figés dans l’Histoire continuent de peser sur la psyché collective algérienne. L’Association Le Grand Maghreb continuera d’œuvrer à leur restitution complète. Ce lien biaisé est révélateur d’une ambivalence dans la relation que l’Algérie entretient avec la France. Cette relation se caractérise par une sorte d’attirance-répulsion qui révèle plus profondément un malaise collectif.

Le recours au mécanisme décrit dans l’expérience sociale dite syndrome de Stanley Milgram est osé mais pleinement assumé. Ainsi, cette expérience tend à démontrer que sous la pression d’une autorité, la majorité des personnes exécutent les ordres, même si elles sont informées qu’elles peuvent se retirer d’une expérience consistant à infliger des décharges électriques à d’autres personnes. Elles exécutent les ordres alors qu’elles savent que les chocs électriques qu’elles infligent à l’autre peuvent avoir de graves effets sur sa santé. Il va s’en dire que la figure d’autorité est ici représentée par la France… La France est à la fois honnie mais terriblement désirée. Un sentiment anti-français voit le jour en Algérie. Et pourtant le phénomène des harraga, le nombre exponentiel de médecins algériens exerçant dans les hôpitaux français, d’intellectuels, d’artistes etc…, est révélateur de cette dualité. Le déséquilibre de cette relation puise ses sources dans l’avènement de l’indépendance de l’Algérie et de ses circonstances. Il s’agit des accords d’Evian signés le 18 mars 1962. L’Association Le Grand Maghreb a décidé de les dénoncer. Pour affronter l’avenir rempli d’incertitudes, la nouvelle Algérie doit affronter son passé sans tabou : l’Association Le Grand Maghreb a décidé de dénoncer les accords d’Evian devant la plus Haute juridiction française. A la suite des « évènements » dits d’Algérie ou de la Guerre d’Algérie, la France et l’Algérie se prévalent, encore aujourd’hui, de la signature desdits « accords d’Evian » qui constituent, juridiquement, une Déclaration générale des deux délégations datée du 18 mars 1962. Ce texte vise à régir a priori les relations entre la France et ce qu’elle allait devenir l’Algérie, futur pays indépendant.

Il crée en réalité une immunité juridique perpétuelle pour les actes commis par les représentants de la France et visent, en toute illégalité, à exonérer la responsabilité de la France dans les actes commis sur ce qui était le sol français puis le territoire algérien à l’occasion des explosions nucléaires et d’essais chimiques et bactériologiques, entre autres méfaits. Ce texte vise à neutraliser la responsabilité de l’Etat français en toutes circonstances de temps et de lieux. Or, les conséquences de ces explosions nucléaires se produisent encore aujourd’hui. L’Algérie est lié par cet accord et réclame encore aujourd’hui à la France de procéder à cette décontamination. Mais où est donc cette indépendance si revendiquée ? Il y a tant à redire également sur la dépendance économique, notamment dans le cadre des ressources naturelles (notamment hydrocarbures), via des appendices secrets. Cet accord qui octroie des semblants d’avantages aux Algériens est si déséquilibré qu’il en est léonin. L’Association Le Grand Maghreb a décidé de la contester devant la plus haute administration française, à savoir le Conseil d’Etat, quitte à provoquer un séisme politique et international. Cette rupture juridique est une étape nécessaire pour la Nouvelle Algérie. La Nouvelle Algérie ne peut pas se permettre d’ignorer sa diaspora pour affronter les crises à venir.

Les conditions très restrictives pour des motifs sanitaires infligées à la diaspora algérienne désireuses de voyager en Algérie ont été reçues par cette dernière de manière très violente. Une césure s’est créée entre l’Algérie de l’Intérieur et l’Algérie de l’Extérieur. Le sentiment d’abandon est dévastateur, particulièrement chez les personnes les plus âgées, viscéralement attachées à l’Algérie et à sa stabilité. Cette absence de considération à l’égard de la diaspora est révélatrice d’un manque de vision stratégique flagrante de ses décisionnaires. Pour affronter un avenir tumultueux, l’Algérie est dans l’impérieuse nécessité de s’appuyer sur les talents de la diaspora formés dans les plus grandes universités européennes. Cette même diaspora qui, précisément, n’est pas tenue par les cadres établis évoqués précédemment. Bien au contraire. Evidemment l’Algérie a ses propres ressources intérieures. Mais l’Algérie devra se déverrouiller en comptant sur les forces vives de sa diaspora. Comme d’autres pays, elle doit affronter des mutations douloureuses. Elle ne pourra pas les affronter avec ses réflexes traditionnels et comprendre ce nouvel désordre mondial qui se dessine. L’Algérie est à un point de basculement de son Histoire. Ses forces doivent être rassemblées pour une vision stratégique renforcée. Elle pourra compter sur sa diaspora, si elle le souhaite…

Brahim Mabrouki, Président de l’Association Le Grand Maghreb