Les indépendants, le nouvel espoir ?

Nouvelle APN

Les résultats des élections législatives continuent de susciter des analyses et commentaires, les uns complètement farfelus, inspirés par l’aigreur de leurs auteurs, d’autres heureusement plus sérieux et qui aident à comprendre.

Les élections législatives du 12 juin 2021 ont été suffisamment transparentes pour être crédibles et justifier les leçons significatives qui en sont tirées. Les voix et le nombre de sièges recueillis par le FLN, placé en tête, ont quelque peu éclipsé la performance réalisée par les listes des indépendants, qui constitue l’élément nouveau et sans doute celui qui traduit le mieux l’évolution de la scène politique nationale et sa perception par les Algériens. En fait, les indépendants ont bénéficié du sentiment de rejet de la classe politique dominant dans la société et du vote sanction des électeurs. Les analystes l’ont fait remarquer à plusieurs reprises, les Algériens sont déçus par le comportement des acteurs politiques dont beaucoup sont loin de faire preuve d’exemplarité dans leurs actes quotidiens.
Le désintérêt pour l’activité politique s’est installé de longue date dans la société algérienne. Il s’est accru avec l’idée que ceux de leurs compatriotes qui se lançaient dans l’activité politique, était, dans la plupart des cas, motivés par la course aux avantages et, s’agissant des députés, par le salaire mirobolant qui leur est offert, avec en prime une retraite d’un montant inespéré qui change radicalement leur statut dans la société. Dans les rencontres de proximité organisées durant sa campagne électorale, Sofiane Djilali, leader du parti Jil Jadid, a fait le constat de la difficulté de convaincre les électeurs de prendre part aux élections législatives du 12 juin 2021. Des observateurs ont souligné que l’informel, qui représente la majeure partie de la base sociale dans le pays, nourrit une aversion évidente pour les institutions de l’Etat, pour tout ce que représente le civisme et la loi, encore plus pour les élections, de surcroît les législatives.
Ce secteur d’activité économique est occupé en grande partie par le commerce, principalement dans la rue, alors que les «100 locaux par commune», offerts aux jeunes, restent à l’abandon depuis des années. Les «acteurs» de l’informel veulent échapper à l’Etat : pas de domiciliation fiscale et non inscrits au registre de commerce, ils ne versent rien ni aux impôts ni à la sécurité sociale. Ils se reconnaissent dans les slogans du néo-hirak qui stigmatisent l’Etat. Les chansons de stades reprises par les participants au néo-hirak expriment le rejet de l’Etat sous divers prétextes fallacieux mais en fait, le but est d’éviter de se conformer à la loi et pour les acteurs de l’informel, à leurs obligations légales, comme par exemple, tout simplement utiliser la facture dans leurs transactions commerciales et le circuit bancaire pour la circulation de leur argent, c’est-à-dire se soumettre à l’exigence de traçabilité ; ils peuvent ainsi ne pas payer leurs impôts ni s’acquitter du paiement de leurs cotisations sociales.
En Kabylie, où les élections législatives sont boycottées depuis longtemps, en plus de l’informel porté naturellement au rejet de toute activité de l’Etat, l’abstention au scrutin du 12 juin 2021 est due à la très forte démobilisation provoquée par le discours nihiliste dominant, et de stigmatisation de l’Etat, mais aussi par le discrédit des partis politiques implantés dans ces régions, perçus comme faisant partie du système et dont les élus n’auraient rien fait pour les populations. En mai 2017, les élections législatives dans lesquelles les deux partis à forte implantation en Kabylie, FFS et RCD, ont présenté leurs candidats, a recueilli un très faible taux de participation, de 18,47% dans la wilaya de Béjaïa et de 17,40% dans celle de Tizi Ouzou, des chiffres sans doute gonflés.
Dans le scrutin du 12 juin 2021, le FLN s’en est tiré à bon compte parce qu’il continue à avoir un ancrage réel dans la population. En deuxième place, les listes indépendantes ont raflé 78 des 407 sièges que compte l’Assemblée populaire nationale (APN). Les indépendants, en particulier les jeunes qui échappent à l’emprise de l’argent, sont-ils le nouvel espoir pour redonner sa crédibilité à l’activité politique et réconcilier les électeurs avec le processus électoral? Toutefois, la rénovation de l’APN reste incomplète avec le recul de la présence des femmes dans cette institution. Fait à analyser : il n’y a que 34 femmes sur les 407 députés.
Lakhdar A.