Du langage extralinguistique

Communication

Cela signifie que le langage articulé ne suffit pas dans les échanges interactifs et que pour être plus communicatif, il faut user au maximum de gestes et mouvements du corps. 

Et c’est, depuis la nuit des temps que l’homme a eu besoin du langage gestuel pour être plus convaincant vis-à-vis de ses partenaires et mieux se faire comprendre. Et lorsqu’on communique le plus souvent avec un public difficile, on se rend compte que malgré soi, on parle en faisant des gestes accompagnés d’une mise en mouvement de tout le corps pour avoir la chance d’arriver au bout d’une augmentation ou d’un raisonnement.

Donc, l’oralité ne se limite pas à la voix
Le mot oralité a acquis beaucoup de signifiés en évoluant depuis les origines. Il a eu d’abord le sens de communication par la parole, c’est à dire de bouche à oreille. Puis on parle de littérature orale ou de l’oralité. L’oralité renvoie aussi à l’idée de transmission du patrimoine culturel des vieux aux jeunes ou le langage de l’oralité travaillé pour assurer de meilleures relations entre individus ou un meilleur climat de vie dans une société menacée par la précarité. Ici, on veut dire par oralité tous les moyens de communication autres que la voix, comme les gestes et les mouvements corporels. Tout le monde connaît le langage gestuel comportant tous les signes possibles et imaginables pour exprimer toutes sortes d’actes de parole entrant dans les relations interindividuelles, et voulant dire, par exemple : oui, non, tu es fou, tu dors, restons sages ou raisonnables, la voie est libre, attaque, attention.
On peut aller très loin, en reconstituant le langage des sourds ou des sourds muets. Epaisseur sémantique de la danse chez les Africains et les Amérindiens Beaucoup de peuples restés attachés aux traditions ancestrales continuent de perpétuer les pratiques gestuelles et la danse. D’ailleurs, chaque danse est culturellement marquée par le rythme, les mouvements, le temps consacré. Il ne faut pas oublier que la danse, synthèse d’un grand nombre de gestes, est quelque chose d’inné chez certains peuples à longues traditions musicales festives. Irrésistiblement, ils dansent aux sons d’une musique qui les fait vibrer. C’est un comportement courant dans notre société où des hommes ou des femmes dansent malgré eux, dès qu’ils entendent jouer d’instruments anciens comme la cornemuse, le double tambour de nos musiciens enturbannés, la flûte et la ghaïta ou flageolet double.
Il y avait dans l’ancien temps, en Algérie, des musiciens qui allaient de région en région pour jouer d’instruments traditionnels de musique : cornemuse et tambour. C’est une sorte de mendicité qui les faisait vivre aisément, en offrant aux gens une occasion inespérée de danser ? Et là- dessus, pour celui qui fait attention, il y a une diversité de comportements chez ceux ou celles qui dansaient. Et combien d’entre eux se singularisaient par des manières bizarres comme celle de poser une canne sur la tête, les mouvements des bras et des jambes. Et chaque geste avait une signification dans un ensemble harmonieux et adapté au mouvement musical que traduisent les gestes du visage, des membres supérieurs, de la tête, du buste, du corps entier.
On dit que le geste produit figurativement les messages du corps qui se chargent d’une lourde charge sémantique : celui de la tête agitée de gauche à droite ou inversement, d’avant en arrière, mouvements souvent gracieux des jambes, du tronc ou du bassin, ainsi que tous les muscles qui entrent en transe par des mouvements simultanés qui suscitent l’admiration. Chez les Africains, les danses masquées rendent les messages ambigus, par les représentations si drôles qu’elles sont d’un décryptage méthodique, étant donné que le masque est choisi pour ce qu’il indique, un état d’âme intérieur de son porteur. On dit d’ailleurs que chaque individu que nous côtoyons partout est porteur de masque, le masque n’étant pas un vrai. Mais le visage de chacun ne laisse pas voir son intériorité faite de sentiments, désirs, rêves, intentions ou projets.

Rapport du geste avec l’écrit
Il est difficile de le penser ; cependant l’écrit des artisans du langage, les poètes dont les meilleurs en matière d’art de la reconstitution ou de la description, a réservé la place qui revient au geste dans le texte écrit : pour cela, un vocabulaire adapté, des expressions sont choisies pour donner en mots la forme exacte de chaque geste. Il arrive que le texte oral adopte la même stratégie qu’à l’écrit : le discours se modalise par le corps dans ses mouvements qui apportent des éclairages sur les objectifs à atteindre. Cela fait penser au sage de la place publique d’antan donnant à voir en filigrane les mouvements.
Ceci est comme la danse à laquelle on se laisse aller sous l’effet d’une musique vocale ou instrumentale. L’expression corporelle se réalise par une diversité de mouvement du regard, des bras, des jambes au cours d’une danse. Nous sommes dans le domaine de l’expression dans tous ses états, y compris celui du silence chargé de sens ou de l’immobilité apportant un plus d’images qu’il peut susciter dans l’imagination de chacun. Dans quelques ethnies africaines, on fait porter dans une danse des masques muets mais qui en disent long pour le décrypteur perspicace. En effet, dans les danses masquées africaines, le silence est un rite qu’on traduit par un langage au-delà du langage articulé, esthétique du poète ou du griot.
Abed Boumediene