«Wallada, la dernière andalouse», premier roman de Sidali Kouidri Filali

Littérature

Dans son premier roman historique, «Wallada, la dernière andalouse», Sidali Kouidri Filali propose une immersion dans l’Andalousie de l’an mille à travers une fresque de destins de personnages gravitant autour de la poétesse et princesse omeyade Wallada Bint El Mostakfi et de son entourage, témoins à deux reprises de la fin d’un règne et d’une période trouble.

Publié récemment à compte d’auteur, ce roman de 252 pages, est une fresque de destins improbables et de parcours atypiques, sur près d’un siècle, gravitant autour de la fille du dernier calife Omeyade de Cordoue, à l’image de son amant, le poète et vizir Ibn Zaydoun, de Zawi Ibn Ziri, fondateur de la dynastie ziride de Grenade, le poète Samuel Ibn Naghrella devenu chroniqueur et vizir, le nattier Khallaf devenu sosie du calife de Séville, ou encore de l’historien Ibn Hayane, témoin d’une époque trouble. A Cordoue le règne des Taïfa est une période rêvée pour l’historien Abu Marwan Ibn Hayane qui ne rate aucun détail de ces années charnières de l’histoire de l’Andalousie pendant lesquelles il pouvait rapporter l’apparition de trois califes en deux jours. Après la disparition des Omeyades, l’historien note avec stupéfaction la naissance de ce nouveau royaume fondé par des esclaves, les changements réguliers des frontières des Taïfas, ou encore le sort de ce juif fugitif devenu vizir du sud de l’Andalousie sous le règne des berbères.
Ce juif, Samuel Ibn Naghrella, avait fui la prise de Cordoue par l’armée de Zawi Ibn Ziri, frère Bologhine et fils de Ziri Ibn Menad. Quelques années plus tard ce poète installé à Grenade, une ville nouvelle qui voyait autant fleurir ses quartiers et ses souks que les écoles et les universités, se fait remarquer par sa maîtrise des langues, de la synthèse et de la calligraphie et devient secrétaire respecté au palais. A Séville l’auteur présente le destin improbable de Khallaf, artisan nattier de très modeste condition, qui sera exploité par les souverains de cette ville pour faire croire au retour du Calife Hicham donné pour mort et exiger l’allégeance des autres principautés. L’auteur revient également par moment à Wallada Bint El Mostakfi qui raconte, à près de quatre-vingt-dix ans, à sa servante Izza la première chute de Cordoue après la mort de son père. Elle évoque également avec elle le retour dans sa ville natale, sa rencontre et sa relation passionnée avec Ibn Zaydoun, le poète de la péninsule et l’éternel amoureux.
Wallada raconte sa relation avec le poète et ministre, très vite minée par la jalousie et les conflits et ambitions politiques de son entourage. Réputée et décriée pour être une femme libre, la princesse finit par mettre fin à cette relation, devenue une menace pour sa liberté et son statut. La jalousie et l’arrogance ont également aveuglé le poète qui se retrouve très vite évincé du gouvernement, trainé en justice pour une banale affaire de bien immobilier et jeté en prison. Après deux ans de détention Wallada réussira à le faire évader pour le perdre à jamais. Dans ce roman, l’histoire d’amour entre Wallada et Ibn Zaydoun, devient très vite un argument pour parler d’un siècle d’histoire trouble de l’Andalousie, des tractations et manipulations politiques et parfois militaires, si proche de l’époque actuelle, du rôle des berbères d’Afrique du Nord dans la création et la gouvernance de certaines villes, ou encore pour évoquer la vie du sérail andalous caractérisé par la tolérance et la valeur accordée aux arts et au savoir.
L’histoire de la dernière andalouse, que le lecteur cherche continuellement dans les chapitres du roman, évoque en réalité, au-delà d’une passion ou d’un parcours personnel peu présent dans le récit, le début de la fin d’une époque qui ne connaîtra son dénouement que plus de quatre siècles plus tard. «Wallada, la dernière andalouse», a également été publié en France en mars dernier et commercialisé sur les plateformes de vente en ligne.
R. C.