Quels sont les déterminants du cours du pétrole et les impacts sur l’économie algérienne

Hydrocarbures

Nous assistons à une hausse du cours du pétrole coté à la bourse le 27 juin à 75,38 dollars le Brent et 74 dollars le WIT ainsi qu’à, une hausse du cours du gaz naturel sur le marché libre qui est passé en quelques mois de 2,50 dollars le MBTU étant coté 3,520 dollars le MBTU. Cette embellie est-elle conjoncturelle ou structurelle et l’Algérie en profitera-t-elle ?

1.-Les déterminants du cours du pétrole

Toute analyse objective ne doit pas s’appesantir sur la conjoncture volatile mais calculer la moyenne de l’année. Si le baril gagne 1 dollar, en moyenne annuel, les recettes additionnelles, fonction du cours et du volume, le gain en chiffre d’affaire à ne pas confondre avec le profit net devant soustraire les coûts, varierait entre 400/500 millions de dollars. L’évolution future du cours sera fonction, devant distinguer le court, moyen, long terme, de plusieurs facteurs interdépendants – des tensions géostratégiques au niveau des régions ayant d’importantes réserves, ayant un impact tantôt à la hausse, tantôt à la baisse ; -du retour de la croissance de l’économie mondiale et de la maîtrise de l’épidémie du coronavirus, les tendances étant optimistes ; -de l’évolution de la production des pays OPEP qui représente environ 35% de la production commercialisée mondiale et surtout une entente avec les pays non OPEP surtout une entente entre l’ Arabie Saoudite et la Russie qui produisent plus de 10 millions barils/j sans entre compter le retour de l’Iran et de la Libye sur le marché, les USA, un des plus grand producteur mondial avec le pétrole/gaz de schiste, n’étant pas concerné ; -de l’évolution des stocks américains et également chinois gros importateur ; -de l’évolution du rapport euro/dollar qui est coté à 1,19 dollar un euro alors qu’il y a plus d’une année le dollar était coté à 1,10 dollar un euro ; – à moyen et long terme de l’évolution du modèle de consommation énergétique mondial dont la transition énergétique avec le développement des énergies renouvelables et entre 2030/2040, l’hydrogène. Pour l’Arabie Saoudite et la Russie qui déterminent le niveau de production lors de la réunion de l’OPEP+ en juillet 2021, avec effet pour le mois d’août, le niveau de prix souhaitable devrait fluctuer entre 65/70 dollars, un prix au dessus de 70 dollars pénalisant la croissance de l’économie mondiale toujours en convalescence avec des effets, pervers à terme, et un prix en dessous de 60 dollars pénaliserait les pays producteurs, notamment les plus fragiles à forte population, freinant leur investissement.

2.-Qu’en est-il de l’impact sur l’économie algérienne et les défis du futur gouvernement

Le gouvernement Djerrad a déposé sa démission et un nouveau gouvernement devrait être mis prochainement en place, en espérant du fait de vives tensions budgétaires, sociales et des tensions géostratégiques de privilégier l’efficacité et non la pléthore de ministres pour satisfaire des appétits partisans. Car une enquête récente, d’un centre de recherche sérieux le Cread montre clairement, contrairement aux discours euphoriques du ministre des Finances et du président du Conseil économique et Social, voulant justifier un bilan mitigé, point de vue que ne partage pas même le président de la république, ni la majorité des experts, induisant en erreur les décideurs, rejoignant nos analyses, que la situation socio-économique est préoccupante. Car à un mauvais diagnostic, il en résulte forcément une mauvaise politique Il y a lieu donc procéder sans complaisance à un examen très lucide de la situation pour mieux réagir dans plusieurs segments de la vie économique et sociale : tels l’éducation-formation, le savoir pilier du développement, la santé, la modernisation de l’agriculture, la culture financière des acteurs économiques, l’efficacité de l’administration, la relance des entreprises, à travers une nouvelle politique industrielle, lutter contre les déséquilibres régionaux et les inégalités sociales, la formation civique et politique de la jeunesse et tant d’autres domaines. Dans la pratique des affaires n’existent pas de sentiments, l’attrait de l ‘investissement productif y compris les services à valeur ajoutée qu’il soit étranger ou national reposant sur la visibilité et la confiance. Comme j’ai eu à le rappeler dans différentes contributions nationales et internationales, largement diffusées entre 1976/2019 afin de rapprocher l’Etat du citoyen se pose l’urgence d’une manière claire pour nos gouvernants de comprendre le fonctionnement de la société loin des bureaux climatisés.

L’Algérie n’ayant pas besoin d’une pléthore de 40 ministères qui se télescopent dont l’expérience récente a montré le manque de cohérence et de management stratégique idem pour les collectivités locales. L’efficacité des institutions, sous réserve d’une planification stratégique devra s’articuler autour de grands ministères homogènes et de 5/6 grands pôles régionaux pour faire face à la crise économique et redonner confiance aux citoyens. Le constat objectif en ce mois de juin 2021 est que l’économie algérienne est une économie fondamentalement dépendante des hydrocarbures, environ 97/98% des recettes en devises avec les dérivées. L’analyse structurelle du commerce extérieur des douanes algériennes pour l’année 2020, montre clairement que sur les 2,2 milliards de dollars, le segment hors hydrocarbures est constitué de dérivés d’hydrocarbures et de semi produits à plus de 70%. Cela influe sur le niveau de croissance, via la dépense publique, donc sur le niveau de l’emploi, le niveau d’importation et le niveau des réserves de change en nette diminution (42 milliards de dollars fin 2020 malgré toutes les restrictions). Les prévisions de la loi de finances complémentaire 2021, en attendant son adoption par le conseil des ministres, puis par les deux chambres donnent un déficit budgétaire au cours de 130 dinars un dollar, 25,46 milliards de dollars soit 13,6% du PIB. Quant au déficit du Trésor, comblé artificiellement par une dévaluation du dinar qui ne dit pas son nom, tant par rapport à l’euro que du dollar, accélérant l’inflation, sans véritable plan de relance, il est de 31,85 milliards de dollars. Certes la loi de finances est établie sur la base d’un baril de 40 dollars, en n’oubliant pas que 33% des recettes de Sonatrach proviennent du gaz naturel, mais ce n’est qu’un artifice comptable puisqu’entre le budget de fonctionnements et d’équipement selon le FMI pour 2021 dans son rapport d’avril 2021, l’Algérie fonctionne sur 130 dollars le baril, ce qui est intenable dans le temps, nécessitant une plus grande rigueur dans la gestion.

La future politique énergétique l’Algérie doit miser sur l’efficacité énergétique, revoir la politique des subventions généralisées notamment des carburants et dynamiser la production en baisse, en volume physique. Selon le rapport de l’OPEP de mai 2021 la production ne dépasse pas 860 000 barils/j contre 1,2 à 1,3 million de barils/j entre 2007/2008, idem pour le gaz où les exportations sont passées pour la même période de 65 milliards de mètres cubes gazeux, à environ 55 en 2018 et 40/41 en 2020 selon un ex-ministre de l’Energie. Cela rend l’urgent un nouveau management de Sonatrach et la publication des décrets d’application de la loi des hydrocarbures pour attirer les investisseurs si l’Algérie veut profiter de cette hausse des prix, aucun expert ne pouvant prédire si elle est conjoncturelle ou durera dans le temps. Car pour le moyen et long terme, il y a urgence d’avoir une vision stratégique de la transition énergétique (Mix énergétique), de revoir le modèle de consommation énergétique et développer les énergies renouvelables, afin de s’adapter aux mutations énergétiques mondiales entre 2025/2030 qui modifieront le nouveau pouvoir énergétique mondial. En résumé, l’Algérie par une bonne gouvernance, la lutte contre la corruption, la bureaucratie et une bonne gestion peut fonctionner à un baril entre 60/70 dollars. Mais du fait de vives tensions économiques et sociales, sans oublier les tensions géostratégiques au niveau de la région, le défi du futur gouvernement est avant tout économique afin d’asseoir la transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales, impliquant de profondes réformes structurelles, animées par des compétences nationales morales, douloureuses à court terme, nécessitaient une forte cohésion sociale, malis porteuses d’avenir à moyen et long terme. 28 juin 2021

Professeur des universités Expert international Dr Abderrahmane Mebtoul