Quel l’impact de la réunion Opep+ le 1er juillet 2021 sur les déterminants du cours du pétrole et sur l’économie algérienne ?

Economie

L’Algérie célèbre le 5 juillet 2021 la fête de l’Indépendance marquant la fin de la colonisation française depuis la conquête de l’Algérie de 1830 à 1871 par la France, qui marquera une longue résistance avec l’avènement du nationalisme avant le déclenchement de la Guerre de libération nationale.

Toutes les régions du pays de l’Est à l’Ouest, du Sud au Centre ou la Kabylie à l’instar de toutes les régions du pays, ont payé un lourd tribu à la libération du pays et contribué à l’unité nationale. Du 5 juillet 1962 au 5 juillet 2021, l’Algérie est toujours à la recherche de son destin avec une transition inachevée. Les défis qui attendent l’Algérie sont nombreux et complexes. Toute politique de développement de 2021 à 2025 n’aura de chances d’aboutir que si d’abord l’on tient compte des trajectoires du passé afin d’atténuer les tensions budgétaires et sociales, ayant des incidences sécuritaires, qui seront vivaces.Cela implique la mise en place de nouvelles institutions débureaucratisées, la moralisation de la société, une nouvelle politique socio-économique, s’adaptant aux nouvelles technologies, à la transition numérique, énergétique principal défi du futur Gouvernement et un minimum de consensus social, tout projet étant porté forcément par les acteurs politiques, sociaux et économiques. Dans cette conjoncture difficile, le pouvoir n’a pas besoin de louanges de courtisans, en contrepartie d’une rente, contre productif pour le pouvoir lui-même, mais d’un langage où l’économie algérienne est dépendante des fluctuations du cours des hydrocarbures

1.-Les déterminants du cours du pétrole

Nous assistons à une hausse des cours du pétrole coté à la bourse qui, après avoir été coté le 27 juin à 75,38 dollars le Brent et 74,00 dollars le Wit le 27 juin 2021 est redescendu à 08h Gmt du 29 juin 2021 à 74,03 dollars le Brent ( 62,07 euros) et 72,82 dollars le Wit (61,05 euros), ainsi qu’à une hausse du cours du gaz naturel sur le marché libre qui est passé en quelques mois de 2,50 dollars le MBTU étant coté le 29 juin 2021 à 3,586 dollars le MBTU. Cette embellie est-elle conjoncturelle ou structurelle et l’Algérie en profitera-t-elle ? Toute analyse objective ne doit pas s’appesantir sur la conjoncture volatile mais calculer la moyenne de l’année. Si le baril gagne un (1) dollar, en moyenne annuelle les recettes additionnelles, fonction du cours et du volume, le gain en chiffre d’affaires à ne pas confondre avec le profit net devant soustraire les coûts, varierait entre 400/500 millions de dollars. L’évolution future du cours sera fonction, devant distinguer le court, moyen, long terme, de plusieurs facteurs interdépendants – des tensions géostratégiques au niveau des régions ayant d’importantes réserves, ayant un impact tantôt à la hausse, tantôt à la baisse ; – du retour de la croissance de l’économie mondiale et de la maîtrise de l’épidémie du Coronavirus, les tendances étant optimistes ; – de l’évolution de la production des pays Opep qui représente environ 35% de la production commercialisée mondiale et surtout une entente avec les pays non-Opep surtout une entente entre l’ Arabie saoudite et la Russie qui produisent plus de 10 millions barils/j sans compter le retour de l’Iran et de la Libye sur le marché, les USA, un des plus grand producteur mondial avec le pétrole/gaz de schiste, n’étant pas concerné ; – de l’évolution des stocks américains et également chinois gros importateur ; – de l’évolution du rapport euro/dollar qui est coté à 1,19 dollar un euro alors qu’il y a plus d’une année le dollar était coté à 1,10 dollar un euro ; – à moyen et long terme de l’évolution du modèle de consommation énergétique mondiale dont la transition énergétique avec le développement des énergies renouvelables et entre 2030/2040, l’hydrogène. La réunion, le 1er juillet 2021, de la 181ème conférence ministérielle de l’Opep et de la 18ème réunion ministérielle Opep / non-Opep, qui regroupe les 23 pays (13 pays de l’Opep et 10 pays non-Opep) signataires de la Déclaration de Coopération, devrait examiner la situation du marché pétrolier international et à ses perspectives d’évolution. Mais ce sera surtout l’Arabie saoudite et la Russie qui déterminent le niveau de production. Pour les ministres de ces deux pays le niveau de prix souhaitable devrait fluctuer entre 65/70 dollars, un prix au-dessus de 70 dollars pénalisant la croissance de l’économie mondiale toujours en convalescence avec des effets pervers à terme, et un prix en dessous de 60 dollars pénaliserait les pays producteurs dépendant surtout de la rente, à forte population, freinant leur investissement.

2.-Qu’en est-il de l’impact sur l’économie algérienne ?

Le constat objectif en ce mois de juin 2021 est que l’économie algérienne est une économie fondamentalement dépendante des hydrocarbures, environ 97/98% des recettes en devises avec les dérivées. L’analyse structurelle du commerce extérieur des douanes algériennes mis en relief dans le rapport pour l’année 2020, montre clairement que sur les 2,2 milliards de dollars, le segment hors hydrocarbures est constitué de dérivés d’hydrocarbures et de semi produits à plus de 70%. Cela influe sur le niveau de croissance, via la dépense publique, donc sur le niveau de l’emploi, le niveau d’importation et le niveau des réserves de change en nette diminution (42 milliards de dollars fin 2020 malgré toutes les restrictions). Les prévisions de la loi de Finances complémentaire 2021 , en attendant son adoption par le conseil des ministres, puis par les deux Chambres donnent un déficit budgétaire au cours de 130 dinars un dollar, 25,46 milliards de dollars soit 13,6% du PIB. Quant au déficit du Trésor, comblé artificiellement par une dévaluation du dinar qui ne dit pas son nom, (la cotation du 28 au 30 juin 2021 étant de 134,2578 dinars un dollar et 160,2578 dinars un euro avec un écart d’environ 50% sur le marché parallèle) accélérant l’inflation, sans véritable plan de relance, il est de 31,85 milliards de dollars. Certes la loi de Finances est établie sur la base d’un baril de 40 dollars , en n’oubliant pas que 33% des recettes de Sonatrach proviennent du gaz naturel, mais ce n’est qu’un artifice comptable puisqu’entre le budget de fonctionnements et d’équipement selon le FMI pour 2021 dans son rapport d’avril 2021, l’Algérie fonctionne sur 130 dollars le baril, ce qui est intenable dans le temps, nécessitant une plus grande rigueur dans la gestion. La future politique énergétique, l’Algérie doit miser sur l’efficacité énergétique, revoir la politique des subventions généralisées notamment des carburants et dynamiser la production en baisse, en volume physique. Selon le rapport de l’OPEP de mai 2021 la production ne dépasse pas 860.000 barils/j, contre 1,2, à 1,3 million de barils/j entre 2007/2008, idem pour le gaz où les exportations sont passées pour la même période de 65 milliards de mètres cubes gazeux, à environ 55 en 2018 et 40/41 en 2020 selon un ex ministre de l’Energie. Cela rend l’urgent un nouveau management de Sonatrach et la publication des décrets d’application de la loi des hydrocarbures pour attirer les investisseurs si l’Algérie veut profiter de cette hausse des prix,, aucun expert ne pouvant prédire si elle est conjoncturelle ou durera dans le temps . Car pour le moyen et long terme, il y a urgence d’avoir une vision stratégique de la transition énergétique ( Mix énergétique), de revoir le modèle de consommation énergétique et développer les énergies renouvelables, afin de s’adapter aux mutations énergétiques mondiales entre 2025/2030 qui modifieront le nouveau pouvoir énergétique mondial.

3.-Les défis du futur Gouvernement

Le gouvernement Djerad , qui, il faut le reconnaître avec la crise de l’épidémie du coronavirus mais également par le manque de visions stratégiques, a eu un bilan mitigé, devrait en principe être remplacé par un nouveau gouvernement de compétences nationales. L’avis général, est que l’objectif est avant tout la résolution de la crise économique qui impacte le social, si l’on veut éviter la cessation de paiement courant 2022 et aller droit au FMI, en espérant, du fait de vives tensions budgétaires, sociales et des tensions géostratégiques, de privilégier l’efficacité et non la pléthore de ministres pour satisfaire des appétits partisans. L’Algérie n’a pas besoin d’une pléthore de 40 ministères qui se télescopent dont l’expérience récente a montré le manque de cohérence et de management stratégique idem pour les collectivités locales. Rejoignant nos analyses (voir nos contributions 2020/2021 dans le quotidien l’Expression), une enquête récente de juin 2021, d’un centre de recherche sérieux, le CREAD, montre clairement une situation économique toujours préoccupante pour 2021, après une croissance négative d’environ 6% en 2020, contrairement aux discours euphoriques du ministre des Finances et du président du Conseil économique et social, voulant justifier un bilan mitigé, point de vue que ne partage pas, même le président de la République, ni la majorité des experts, induisant en erreur les décideurs. Ces institutions doivent seulement donner un bilan objectif afin d’éviter les erreurs du passé, car à un mauvais diagnostic, il en résulte forcément une mauvaise politique. Il y a lieu donc procéder sans complaisance à un examen très lucide de la situation pour mieux réagir dans plusieurs segments de la vie économique et sociale : tels l’éducation-formation, le savoir pilier du développement, la santé, la modernisation de l’agriculture, la culture financière des acteurs économiques, l’efficacité de l’administration, la relance des entreprises, à travers une nouvelle politique industrielle, lutter contre les déséquilibres régionaux et les inégalités sociales, la formation civique et politique de la jeunesse et tant d’autres domaines. Dans la pratique des affaires n’existent pas de sentiments, l’attrait de l’investissement productif y compris les services à valeur ajoutée qu’il soit étranger ou national reposant sur la visibilité et surtout sur la confiance, sans laquelle aucun développement n’est possible. Comme j’ai eu à le rappeler dans différentes contributions nationales et internationales, largement diffusées entre 1976/2019 afin de rapprocher l’Etat du citoyen se pose l’urgence d’une manière claire pour nos gouvernants de comprendre le fonctionnement de la société loin des bureaux climatisés. L’efficacité des institutions, sous réserve d’une planification stratégique qui devra s’articuler autour de grands ministères homogènes et de 5/6 grands pôles régionaux économiques , pour faire face à la crise économique et redonner confiance aux citoyens. En résumé, comme je l’ai souligné lors d’une récente interview le 27 juin 2021, à une télévision algérienne, l’Algérie possède d’importantes potentialités pour surmonter la crise actuelle sous réserve d’une nouvelle gouvernance, la lutte contre la bureaucratie qui enfante la sphère informelle et la corruption et une bonne gestion pouvant fonctionner à un baril entre 60/70 dollars. Mais du fait de vives tensions économiques et sociales, sans oublier les tensions géostratégiques au niveau de la région, le défi du futur Gouvernement est avant tout économique afin d’asseoir la transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales, impliquant de profondes réformes structurelles, douloureuses à court terme, nécessitaient une forte cohésion sociale, malis porteuses d’avenir à moyen et long terme. Professeur des universités

Expert international Dr Abderrahmane Mebtoul