Face à une démobilisation des citoyens, une défiance à l’égard du système partisan et une situation socio-économique préoccupante

Les défis du futur gouvernement

Le constat est amer en ce mois de juillet 2021, l’Algérie depuis l’indépendance politique est une économie fondamentalement rentière. Toute augmentation ou baisse du cours des hydrocarbures avec les dérivés (98/97% des recettes en devises) a des incidences à la fois économiques et politiques.

Sans sécurité, existant un lien dialectique sécurité développement, et un retour à la confiance Etat-citoyens, nécessitant des intermédiations politiques, économiques et sociales crédibles, il ne faut pas s’attendre à des miracles. Bien qu’il y a lieu de ne pas comparer ces résultats avec les anciennes élections du fait qui ne sont pas significatifs ayant reposé sur des quotas et le bourrage des urnes, la leçon à tirer est qu’il reste un long chemin à parcourir pour redonner confiance afin de rapprocher l’Etat du citoyens, tout en rappelant que les pays développés ont mis des siècles à asseoir la démocratie et qu’avec la nouvelle révolution des télécommunications qui influent sur les comportements il y a de plus en plus méfiance des citoyens vis-à-vis du politique. Lors d’élections législatives anticipées. Les résultats officiels du scrutin, publié officiellement au journal officiel, ont été marqués par un fort taux d’abstention, le taux de participation ayant été de 23,03% sur un nombre d’électeurs inscrits de 24.453.992 et celui des votants de 5 622 401, avec 1 011 749 de bulletins nuls, restant pour les députés élus 4 610 652 voix, soit 18,85%. Si, l’on prend la structure démographique qui constitue d’ailleurs une véritable bombe, la population totale est passé e de 11 479 247 en 1962, et au 1er janvier 2021 44 680 256 dont avec une prévision horizon 2030 de 51,3 millions d’habitants, pour 2019, nous avons la structure d’âge pour les personnes en âge de voter environ 62,80% donnant environ 27,50 millions sur un total de votants de 24,12 millions, donc presque trois millions ne se sont pas inscrit sur les listes électorales. Le nombre de voix des votants pour les députés rapporté aux personnes en âges potentiels de voter serait alors de 16,70%. En référence au nombre de députés et de voix nous avons :

-FLN 98 sièges, avec 287 828 voix soit par rapport aux inscrits 1,17% et 1% par rapport au nombre de votants potentiels ; – le MSP 65 sièges, avec 208 471 voix soit par rapport aux inscrits 0,8% et 0,7% par rapport au nombre de votants potentiels ; – le RND 58 sièges, avec 198 758 soit par rapport aux inscrits 0,7% et 0,6% par rapport au nombre de votants potentiels ; – le Front El Mostakbel 48 sièges avec 153.987 soit par rapport aux inscrits 0,63% et par rapport au nombre de votants potentiels 0,55% ; et le Mouvement El Bina 39 sièges, 106 203 soit par rapport aux inscrits 0,43% 0,38% par rapport au nombre de votants potentiels. Pour l’ensemble des partis nous avons 955 247 voix soit environ 4% par rapport aux inscrits et 2,66% par rapport au nombre de votants potentiels. Ainsi, tous les partis cités le nombre de députés a été de 308 sièges soit par rapport au total 75,67%. Pour les indépendants, le nombre de sièges représente 24,33% pour un nombre de votants de 3 655 405 voix, avec 84 sièges soit 20,63% montrant qu’il y a urgence de revoir le code électoral en inscrivant une dose de proportionnelle pour avoir une représentativité réelle. Avec les indépendants nous avons au total 392 sièges sur 96,31% et les femmes ayant obtenu seulement 33 sièges (8,1%). Le faible taux de résultats au nombre de voix des partis et des indépendants élus résulte des crises internes qui les secouent périodiquement, du discrédit qui frappent la majorité d’entre elles, de la défiance nourrie à leur égard et à l’endroit du militantisme partisan, se pose cette question si les formations politiques- pouvoir et opposition sont dans la capacité aujourd’hui de faire un travail de mobilisation et d’encadrement efficient, évitant un affrontement direct citoyens forces de sécurité et donc de contribuer significativement à la socialisation politique et donc d’apporter une contribution efficace à l’œuvre de redressement national, assistant souvent à leur déconnexion par rapport à la vitalité de la société toujours en mouvement, d’où l’urgence de leur restructuration. Quant à la société civile force est de constater qu’elle est éclatée y compris certaines confréries religieuses qui avec la désintégration sociale et une jeunesse parabolée ont de moins en moins d’impacts contrairement à une vision du passé. Sa diversité, qui la traverse et sa relation complexe à la société et à l’Etat une société civile informelle, inorganisée, atomisée qui est de loin la plus active et la plus importante, formant un maillage dense, mais du fait de tendances idéologiques contradictoires est incapables de s’entendre sur un programme de gouvernement cohérent.

Les élections du 12 juin 2021 ont montré que la majorité des députés dits indépendants sans nous tromper plus de 50% sont des personnes issues des partis traditionnels dont les partis FLN, RND, et ceux d’obédience islamique. L’intégration intelligente de la sphère informelle, non par des mesures bureaucratiques autoritaires, est indispensable pour sa dynamisation, car lorsqu’un Etat veut imposer ses propres règles déconnectées de la société, celle-ci enfante ses propres règles qui lui permettent de fonctionner. Mais ce discrédit de la classe politique traditionnelle n’est pas propre à l’Algérie. Sur le plan économique, l’Algérie dépendra encore longtemps, du fait qu’avec ce mythe de la rente des hydrocarbures, elle n’a pas entamé réellement les réformes structurelles dont le cours le 04 juillet 2021 est de 76,06 dollars le Brent, 75,04 dollars le Wit et le gaz naturel à 3,700 le MBTU, en nette augmentation en raison des perspectives, sous réserve de la maitrise de l’épidémie du coronavirus, d’un retour à la croissance de l’économie mondiale. Aussi, la future politique énergétique l’Algérie doit miser sur l’efficacité énergétique, revoir la politique des subventions généralisées notamment des carburants et dynamiser la production en baisse, en volume physique. Selon le rapport de l’OPEP de mai 2021 la production ne dépasse pas 860.000 barils/j, contre 1,2, à 1,3 million de barils/j entre 2007/2008, idem pour le gaz où les exportations sont passées pour la même période de 65 milliards de mètres cubes gazeux, à environ 55 en 2018 et 40/41 en 2020 selon un ex: ministre de l’Energie. Cela rend l’urgent un nouveau management de Sonatrach et la publication tant du code d’investissement que des décrets d’application de la loi des hydrocarbures pour attirer les investisseurs si l’Algérie veut profiter de cette hausse des prix, dont le retard et le manque de visibilité dans la politique économique deviennent intolérable ayant assisté à un net recul des IDE en Algérie entre 2018/2020. Pour l’énergie, pour le moyen et long terme, il y a urgence d’avoir une vision stratégique de la transition énergétique (Mix énergétique), de revoir le modèle de consommation énergétique et développer les énergies renouvelables l’hydrogène afin de s’adapter aux mutations énergétiques mondiales entre 2025/2030 qui modifieront le nouveau pouvoir énergétique mondial.

La structure des exportations en 2020, montre la dominance des hydrocarbures traditionnels dont le volume est en déclin, et que les données de 2,2 milliards de dollars d’exportation hors hydrocarbures , 70% sont des semi produits et de dérivées d’hydrocarbures, étant utopique, surtout avec la paralysie de l’appareil de production et de la majorité de segments non concurrentiels, d’annoncer, une exportation de 4/5 milliards de dollars hors hydrocarbures pour l’année 2021 et pour avoir la balance devises nette, pour l’Algérie, il faudra retirer les matières importées en devises. Comme effet du manque de vision, le taux de croissance du produit intérieur brut qui détermine le taux d’emploi, est en nette diminution, estimée en 2020 à 160 milliards de dollars et selon le FMI de 153 milliards de dollars pour 2021. Cela s’explique par la léthargie de l’appareil de production impacté tant par sa structure passée que par l’épidémie du coronavirus, (selon le patronat, une perte d’emplois d’environ 500 000 uniquement dans le BTPH) et le tissu économique fonctionnant à peine à 50% de ses capacités. Dans ce contexte les tensions budgétaires seront vivaces. Les réserves de change qui tiennent à 70% la cotation du dinar, sont passées de 194 milliards de dollars fin 2013 , à 62 fin 2020, 42 fin 2021 et qu’en sera-t-il fin 2021 avec toutes les restrictions qui ont paralysé tout l’appareil de production en 2020si l’on relance les projets gelés demandant au moins 5 milliards de dollars en devises. Si l’on s’en tient à l’avant-projet de loi de Finances complémentaire 2021, non encore adopté par le conseil des ministres, les prévisions donnent un déficit budgétaire record au cours de 130 dinars un dollar, 25,46 milliards de dollars soit 16,0% et 13,6% du PIB. Quant au déficit du Trésor qui s’aggrave, il est prévu 31,85 milliards de dollars. Nous assistons à une dépréciation accélérée du dinar qui est passé d’environ à 75/78 dinars un euro entre 2000/2005, entre le 2 et 6 juillet 2021, coté à 159,5880 dinars un euro (une légère appréciation) et 134,8880 dinars un dollar (une légère dépréciation) comblant artificiellement le déficit budgétaire, avec un écart d’environ 50% sur le marché parallèle, induisant une inflation importée, malgré les restrictions drastique des importations et des voyages.

La Banque d’Algérie vient de décider le 30 juin 2021 d’un programme spécial de refinancement de l’économie nationale d’une durée d’une année s’élevant à 2100 milliards de dinars soit au cours moyen de 130 dinars un dollar un montant colossal de 16,15 milliards de dollars. Je ne saurai trop insister sur l’urgence de synchroniser la sphère réelle et la sphère financière, la dynamique économique et la dynamique sociale, la vision purement monétariste, la planche à billets (sans contrepartie productives), l’Algérie souffrant de rigidités structurelles. Attention, la théorie néo keynésienne aurait des effets pervers comme au Venezuela, sous prétexte d’éviter l’endettement extérieur qui peut être positif s’il est ciblé et créateur de valeur ajoutée, et continuer la dévaluation du dinar pour combler artificiellement le déficit budgétaire, politique qui conduira à une hyperinflation et de vives tensions sociales avec un impact sécuritaire. Sur le plan macro-social, les caisses de retraite selon le ministère du Travail, en date du 08 avril 2021 le déficit financier de la CNR pourrait atteindre 690 milliards de dinars en 2021, le nombre de retraités dépassant les 3,3 millions, le CNR enregistrant un taux de cotisation, estimé à 2,2 travailleurs pour chaque retraité alors que pour un équilibre, le taux de cotisation devrait atteindre cinq travailleurs pour un retraité. Encore que les transferts sociaux et subventions généralisées, qui représenteront 23,7% du budget général de l’Etat et 9,4% du PIB pour l’exercice 2021 sont intenables dans le temps. Il faudra créer entre 350 000/400 000 emplois par an entre 2021/2025 qui s’ajoute au taux de chômage actuel afin d’atténuer les tensions sociales et pour le FMI, le taux de chômage incluant la sphère informelle et les emplois rente, devrait atteindre 14,5% en 2021, et 14,9% en 2022, contre 14,2% en 2020, ce taux dépassant les 20/30% pour les catégories 20/30 ans et paradoxalement les diplômés. En plus nous avons une sphère informelle avec plus de 50% de l’emploi total, servant à court terme de soupape social, représentant selon le FMI environ 33% de la superficie économique mais plus de 50% hors hydrocarbures, contrôlant une masse monétaire hors banques, selon les informations données par le président de la république, entre 6000 et 10 000 milliards de dinars 30-45% du PIB, différence montrant l’effritement du système d’information, soit au cours de 130 dinars un dollar entre 46,15 et 76,90 milliards de dollars.

Les entrées en devises entre 2000/2019 ont été supérieures à 1 000 milliards de dollars pour une sorties de biens et services d’environ 935 milliards de dollars, le solde étant les réserves de change fin 2019 pour un taux de croissance dérisoire entre 2/3% alors qu’il aurait du dépasser les 9/10% : mauvaise gestion ou surfacturation. Si on applique seulement un taux de surfacturation de 15%, les sorites illégales de devises sont supérieurs à 140 milliards de dollars et ce avec la complicité d’opérateurs étrangers. Cela témoigne de la faiblesse du contrôle tant démocratique que technique. Je rappelle qu’en tant que haut magistrat à la Cour des comptes (premier conseiller) et directeur général des études économiques entre 1980/1983, ayant été chargé du dossier du contrôle des surestaries, j’avais proposé un tableau de la valeur pour détecter ces surfacturations, tableau qui n’a jamais vu le jour car s’attaquant à de puissants intérêts rentiers. Ayant eu à diriger l’audit sur Sonatrach entre 2007/2008, il a nous été presque impossible d’avoir une vision claire de la gestion de Sonatrach notamment coûts arrivé au port tant du baril du pétrole que du cout du gaz – MBTU – faute de comptabilités analytiques éclatés par sections. En résumé, comme je l’ai souligné AfricaPresseParis, 2018, à l’American Herald Tribune «Algeria Still Faces Significant Challenges 2018/2019» et dans bon nombre de contributions nationales (2008/2021), il serait utopique de parler d’indépendance sécuritaire, politique qu’économique, avec des incidences géostratégiques négatives de déstabilisation de la région méditerranéenne et africaine en cas du retour au FMI courant 2022, que ne souhaite ni les USA, ni l’Europe, ni d’ailleurs aucun algérien patriote. Face à cette situation complexe, si le choix du Premier ministre en tant que financier est une opportunité, une seule main ne saurait applaudir, le choix des membres du gouvernement mais également d’autres institutions stratégiques, redynamiser le Conseil économique et social pour plus d’autonomie ne devant plus être un appendice de l’exécutif, mais un contrepoids productif, le Conseil national de l’énergie et la Cour des comptes en léthargie, avec une nouvelle politique innovante, loin des schémas démodés du passé, seront déterminants pour le redressement national. Le futur gouvernement sera d’asseoir la transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales, impliquant de profondes réformes structurelles, douloureuses à court terme, nécessitaient une forte cohésion sociale, mais porteuses d’avenir à moyen et long terme. Professeur des universités Expert international

Abderrahmane Mebtoul