Iman Mersal, à la recherche d’une écrivaine égyptienne oubliée

Littérature sans frontières

Iman Mersal, née en 1966, a étudié à l’Université du Caire, où elle a soutenu une thèse de doctorat en Littérature arabe. Elle enseigne à l’Université d’Alberta au Canada.

Elle est l’auteure d’un recueil de poésie «Deux choses m’ont échappé» en 2018, et du récit «Sur les traces d’Enayat El-Zayyat» sur le suicide d’une jeune écrivaine égyptienne (Actes Sud, collection Sindbad dirigée par Farouk Mardam Bey). Le livre a reçu le Sheikh Zayed Book Award 2021 considéré comme le Nobel du monde arabe. « Au début des années 1990, Iman Mersal découvre chez un bouquiniste «L’Amour et le Silence», l’unique roman d’Enayat Zayyat, publié en 1967 et tombé dans l’oubli. Elle ignore tout de son autrice, si ce n’est qu’elle est morte avant d’avoir pu le publier.
Vingt ans plus tard, elle se lance dans une enquête qui va s’étaler sur plusieurs années pour essayer de savoir qui était Enayat Zayyat et de comprendre ce qui a amené cette jeune femme de bonne famille à se donner la mort à vingt-sept ans. Elle glane des bribes d’information dans les archives de la presse, rencontre l’actrice Nadia Lutfi, la plus proche amie d’Enayat, puis des parents et des connaissances. De proche en proche, elle accède à des couches de vérités toujours parcellaires, parfois contradictoires, qui composent un puzzle dont elle sait d’emblée qu’il restera incomplet.
Le refus de l’éditeur est-il vraiment la cause de son suicide ? À quand remontait son trouble dépressif ? Quel rôle ont joué dans cette dépression son divorce, la perte de son fils dont le père avait obtenu la garde, ou encore l’éloignement de Nadia Lutfi ? Pourquoi ce suicide alors qu’elle venait d’être embauchée à l’Institut archéologique allemand du Caire pour un travail qui la comblait ? Toutes ces questions et bien d’autres emmènent Iman Mersal dans une quête à la fois historique et intellectuelle, poétique et intime, qui est aussi une invitation adressée à l’Égypte d’aujourd’hui à se regarder au miroir de son passé récent, celui de ces années 1950 et 1960 qui font l’objet d’un culte nostalgique que ce livre, loin de le nourrir, épluche comme un oignon et décortique feuille après feuille, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien. (Présentation des éditions Actes Sud) (Récit traduit de l’arabe par Richard Jacquemond)
C.F.-T.