Une défiance à l’égard du système partisan face à une situation socio-économique préoccupante

La leçon des élections législatives du 12 juin 2021

Le constat est amer en ce mois de juillet 2021, l’Algérie depuis l’indépendance politique est une économie fondamentalement rentière, le système financier, enjeu énorme de pouvoir, étant étroitement connecté à la production de la rente. Toute augmentation ou baisse du cours des hydrocarbures avec les dérivés (98/97% des recettes en devises) ont eu des incidences à la fois économiques et politiques comme en témoigne les impacts politiques de la crise de la baisse du cours entre 1986/1990.

Les réserves de change qui tiennent à 70% la cotation du dinar, sont passées de 194 milliards de dollars fin 2013 à 62 fin 2020, 42 fin 2021 et qu’en sera-t-il fin 2021 avec toutes les restrictions qui ont paralysé tout l’appareil de production en 2020. Sur le plan macro-social, les caisses de retraite selon le ministère du Travail, en date du 8 avril 2021, le déficit financier de la CNR pourrait atteindre 690 milliards de dinars en 2021, le nombre de retraités dépassant les 3,3 millions, la CNR enregistrant un taux de cotisation, estimé à 2,2 travailleurs pour chaque retraité alors que pour un équilibre, le taux de cotisation devrait atteindre cinq travailleurs pour un retraité. Encore que les transferts sociaux et subventions généralisées, qui représenteront 23,7% du budget général de l’Etat et 9,4% du PIB pour l’exercice 2021 sont intenables dans le temps. Il faudra créer entre 350 000/400 000 emplois par an entre 2021/2025 qui s’ajoute au taux de chômage actuel afin d’atténuer les tensions sociales et pour le FMI, le taux de chômage incluant la sphère informelle et les emplois rente, devrait atteindre 14,5% en 2021, et 14,9% en 2022, contre 14,2% en 2020, ce taux dépassant les 20/30% pour les catégories 20/30 ans et paradoxalement les diplômés.
Pour l’Algérie, la population active dépasse 12,5 millions sur une population totale résidente, 44,7 millions d’habitants au 1er janvier 2021 avec une sphère informelle représentant selon le FMI environ 33% de la superficie économique mais plus de 50% hors hydrocarbures, contrôlant une masse monétaire hors banques, selon les informations données par le président de la république, entre 6 000 et 10 000 milliards de dinars 30-45% du PIB, différence montrant l’effritement du système d’information, soit au cours de 130 dinars un dollar entre 46,15 et 76,90 milliards de dollars. Les entrées en devises entre 2000/2019 ont été supérieures à 1 000 milliards de dollars pour une sortie de biens et services d’environ 935 milliards de dollars, le solde étant les réserves de change fin 2019 pour un taux de croissance dérisoire entre 2/3% alors qu’il aurait dû dépasser les 9/10% : mauvaise gestion ou surfacturation. Si on applique seulement un taux de surfacturation de 15%, les sorites illégales de devises sont supérieures à 140 milliards de dollars, et ce, avec la complicité d’opérateurs étrangers. Cela témoigne de la faiblesse du contrôle tant démocratique que technique.
Il est utile de rappeler qu’en tant que haut magistrat à la cour des comptes (premier conseiller) et directeur général des études économiques entre 1980/1983, ayant été chargé du dossier du contrôle du programme pénurie et des surestaries, j’avais proposé un tableau de la valeur au niveau du ministère des Finances pour détecter ces surfacturations, tableau qui n’a jamais vu le jour car s’attaquant à de puissants intérêts rentiers. Ayant eu à diriger l’audit sur Sonatrach entre 2007/2008, il a nous été presque impossible d’avoir une vision claire de la gestion de Sonatrach notamment coûts arrivé au port tant du baril du pétrole que du cout du gaz –MBTU – faute de comptes physico-financiers et de comptabilités analytiques éclatés par sections. En résumé, c’est dans ce nouveau contexte que l’Algérie célèbre le 5 juillet 2021 la fête de l’indépendance. Il serait, en cas du retour au FMI courant 2022, tant pour le pouvoir, l’opposition de parler d’indépendance sécuritaire, politique qu’économique.
Avec des incidences géostratégiques négatives de déstabilisation de la région méditerranéenne et africaine que ne souhaite ni les USA, ni l’Europe, ni d’ailleurs aucun Algérien patriote, comme je l’ai souligné dans deux interviews entre 2017/2018 à AfricaPresseParis, l’autre à l’American Herald Tribune, Dr Abderrahmane Mebtoul : «Algeria Still Faces Significant Challenges». L’efficacité des institutions, sous réserve d’une planification stratégique qui devra s’articuler autour de grands ministères homogènes et de 5/6 grands pôles régionaux économiques, pour faire face à la crise économique et redonner confiance aux citoyens.
Comme je l’ai souligné lors de deux récentes interviews au niveau national le 27 juin 2021 à une télévision algérienne, le 1er juillet 2021 à Chorouk et au niveau international le 30/06/2021 à Maghreb Voices (USA), du fait de vives tensions économiques et sociales, le défi du futur gouvernement est avant tout économique afin d’asseoir la transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales, impliquant de profondes réformes structurelles, douloureuses à court terme, nécessitant une forte cohésion sociale, mais porteuses d’avenir à moyen et long terme.
(Suite et fin)
Professeur des Universités Expert international Dr Abderrahmane Mebtoul