Le cas du programme d’espionnage NSO–Pegasus

La révolution du numérique et son impact sur le nouveau pouvoir et la sécurité mondiale

L’organisation Forbidden Stories et 17 rédactions viennent de révéler un important scandale d’espionnage via le Maroc qui a servi de cheval de Troie et qui touche tant la sécurité des Nations que la vie privée des citoyens, via le puissant logiciel israélien Pegasus. Si les experts militaires s’accordent sur le fait que l’espionnage a toujours existé dans les relations internationales depuis que le monde est monde, mais aujourd’hui plus sophistiqué, il appartient à chaque nation d’utiliser des moyens plus sophistiqués pour se protéger des cybers attaques facteurs de déstabilisation.

Une Nation sans un service de contre espionnage incluant le Militaire et l’Economique, le Social dont l’anthropologie pour saisir les mutations sociales, et le Culturel afin de prévoir les comportements psychologiques, est comme un aveugle qui tâtonne sans stratégie. On pose toute la question du manque de coordination et donc de l’urgence de l’harmonisation des actions, devant différencier tactiques et stratégie afin de prendre des décisions en temps réel, le défi du XXIe siècle étant la maitrise du temps, impliquant de revoir le fonctionnement tant des différentes institutions budgétivores, des ministères et des ambassades.

1- Notre univers est devenu une grande maison de verre, l’infrastructure de l’Internet se répandant aujourd’hui autour du monde pour créer un large réseau mondial et ce grâce à l’informatique qui permet aujourd’hui de numériser les informations et de gérer de nouveaux systèmes. La maîtrise des nouvelles technologies reposant sur le savoir est le défi principal du XXIe siècle, engageant la sécurité mondiale et toute inadaptation à ces mutations isolerait encore plus le pays. Le contrôle de l’information grâce à l’informatisation permet le développement des sites d’information, impliquant une adaptation des journaux papier, une nouvelle organisation des entreprises et administrations en réseaux, loin de l’organisation hiérarchique dépassée, l’interconnexion bancaire et éclectique, pouvant bloquer tout pays dans ses transactions financières et la panne des réseaux peut plonger tout pays dans les ténèbres. L’utilisation de Facebook et Twitter par la diffusion d’informations parfois non fondées où faute de transparence, la rumeur dévastatrice supplante l’information officielle déficiente. Face à cette situation ayant des impacts géostratégiques, économiques et sécuritaires, où les relations diplomatiques de chefs d’Etat à Etat ont de plus en plus peu d’impacts, étant supplantés par des réseaux décentralisés, l’Etat major de l’ANP à travers les dernières éditions El-Djeich tire la sonnet d’alarme afin que la majorité des responsables des institutions stratégiques en Algérie en déphasage par rapport aux nouvelles réalités tant internes que mondiales, s’adaptent en urgence, nécessitant un important investissement dans le savoir. (voir l’American Herald Tribune du 11 août 2018 (USA) «Dr Abderrahmane Mebtoul : «Algeria Still Faces Significant Challenges et IMPED ministère de la Défense nationale octobre 2019 conférence du Pr A. Mebtoul où les axes de la maîtrise du numérique ont été développés)» c’est que la nouvelle révolution mondiale du numérique a un impact sur le comportement des citoyens, sur la gestion des institutions et des entreprises et d‘un manière générale sur la gouvernance et sur notre nouveau mode de vie.
Politiques, militaires, entrepreneurs, citoyens, nous vivons tous aujourd’hui dans une société de la communication électronique, plurielle et immédiate qui nous contraint à prendre des décisions en temps réel. L’interaction de l’électronique et de l’informatique explique que les applications des NTIC puissent répondre aux besoins aussi bien des entreprises et de l’Etat que des ménages et des individus. Désormais soumises aux mêmes lois du marché que n’importe quelle autre activité de production marchande, les NTIC constituent, en outre, un secteur où la concurrence se joue directement à l’échelle mondiale. La globalisation des entreprises, des marchés et des circuits de la finance n’a pas seulement impliqué un remodelage des structures économiques et des flux d’échange, elle a aussi conduit à la professionnalisation de la communication et de l’information, ainsi qu’à une intégration de plus en plus poussée des phases de la conception, de la création et de la consommation des produits, parallèlement à la fusion de sphères d’activités jadis séparées, voire opposées. Plus qu’une ouverture vers le grand public les TIC révolutionnent l’organisation interne de l’entreprise, les logiciels de gestion appelés les ERP (Entreprise Ressource Planning) gèrent différentes tâches comme les stocks ou la trésorerie, le travail collaboratif est simplifié grâce à l’utilisation de l’intranet et de la messagerie, le système «Wireless» ou «sans fil» maintient un lien permanent avec des collaborateurs , tout comme la vidéoconférence, tout cela générant un meilleur partage ainsi qu’une meilleure circulation de l’information interne.

2- Le programme phare de NSO nommé Pegasus, un logiciel d’origine israélienne surnommé «cheval de Troie», a permis de fouiller dans les données (calendriers, photos, contacts, messageries, appels enregistrés, coordonnées GPS…) des Smartphones, iPhone comme Android, infectés, mais aussi de contrôler à distance la caméra et les micros intégrés à l’appareil. Cela donne la possibilité d’écouter des conversations dans une pièce alors que le téléphone apparaît inactif. Ce logiciel en est à sa troisième version. Dans les premières moutures, la victime devait cliquer sur un lien pour charger le virus. Mais, depuis au moins deux ans, Pegasus est devenu une technologie dite « zéro clic » où la victime reçoit ce qui ressemble à un appel vidéo qui suffit à infecter le téléphone dès la première sonnerie, même si elle ne répond pas. Selon Forbidden Stories, la réception d’un « iMessage », la messagerie d’Apple, ou d’un SMS infecté servirait de viatique pour prendre le contrôle de l’appareil. C’est un puissant logiciel qui au départ devait contrecarrer les actions terroristes mais, seules des enquêtes précises en cours le détermineront, qui aurait été utilisé pour espionner le compte d’une dizaine d’Etats, et une liste de plus de 50 000 numéros de téléphone de personnalités diverses de par le monde dont environ 6 000 personnalités pour l’Algérie.
Cependant les nouvelles technologies ne concernent pas seulement les écoutes. Les drones sans pilotes commencent à remplacer l’aviation militaire classique pouvant cibler avec précision tout adversaire à partir de centres informatiques sophistiquées à des milliers de kilomètres. Les satellites remplissant l’atmosphère, permettent d’espionner tout pays, de détecter le mouvement des troupes et la diffusion d’images de toute la planète. C’est dans ce cadre que se développe l’Intelligence économique dont sa gestion stratégique est devenue pour une Nation et l’entreprise l’un des moteurs essentiels de sa performance globale et de sa sécurité. L’intelligence économique intègre deux dimensions supplémentaires par rapport à la veille : la prise de décision et la connaissance de l’information. Pour faire de l’intelligence économique un véritable avantage concurrentiel, il est indispensable de l’intégrer aux fonctions de l’administration et de l’entreprise. L’approche processus permet une meilleure coordination des étapes pour profiter au maximum du gisement informationnel en vue d’actions efficaces sur l’administration ou l’entreprise ou son environnement du fait d’interactions complexes. Une Nation ou une entreprise sera meilleure que ses concurrents si elle possède, avant les autres, les bonnes informations au bon moment, qu’il s’agisse de connaissance des marchés, d’informations juridiques, technologiques, normatives ou autres, créant une asymétrie d’information à son avantage. D’où l’appui aux entreprises pour l’accès aux volumes importants d’informations sur le commerce international détenu par les départements et agences ministériels, les Services de renseignement et de contre-espionnage, mettant en place un service d’information économique au profit des entreprises engagées dans le commerce extérieur.
Depuis l’apparition des intranets et des extranets, l’information se diffuse plus rapidement et plus largement hors des frontières, acquérant ainsi une telle valeur stratégique que l’enjeu est désormais de se l’approprier. Les interceptions de communications ont aussi évolué. L’achat d’ordinateurs ou de matériel informatique sans contrôle en insérant des puces peut détecter tout les mouvements. Il en est de même si certaines personnalités en déplacement à l’étranger dans un hôtel se font écouter leurs conversations ou se font soigner à l’étranger en cas d’opérations complexes pouvant insérer des puces dans l’organe. Des écoutes téléphoniques nous sommes passés aux interceptions des messages électroniques. Lorsqu’un mail est envoyé de façon habituelle, il n’est pas crypté et peut transiter par une dizaine de proxys qui jalonnent le parcours vers sa destination. Or, ces derniers conservent, pour des raisons techniques une copie des messages reçus. Les informations contenues dans le corps du message et dans les fichiers joints peuvent donc être lues par autant de responsables de proxies que nécessite le trajet. Les vols de documents ne se produisent pas seulement en accédant, à distance ou non, à un ordinateur ou un serveur, mais également de la façon la plus inattendue par les photocopieuses qui stockent les informations avant de les imprimer, des experts en informatique pouvant donc ensuite très facilement récupérer ces informations, d’autant plus que la plupart d’entre elles sont généralement connectées à un réseau, soit via un PC (imprimante partagée), soit grâce à une adresse IP propre.

En conclusion, de grands bouleversements géostratégiques s’annoncent qui modifieront le nouveau pouvoir mondial avec des incidences en termes de rapport de forces, politiques, sociales et militaires, toute action diplomatique n’ayant de réelles efficiences que si l’économie est forte (voir mon intervention en juin 2019) devant la communauté internationale de la société civile des deux rives de la Méditerranée orientale où j’ai eu l’honneur de présider la Commission de la transition énergétique assisté de nombreux experts internationaux, des 5+5+ Allemagne, en présence des ministres des affaires étrangères, dont celui de l’Algérie, des organisations mondiales internationales de l’Union européenne, OCDE, BM, FMI, BIRD qui faisait suite à ma conférence à l’Ecole supérieure de guerre ESG Alger devant les officiers supérieurs le 19 mars 2019 «les impacts géostratégiques, économiques et sociaux de la dépendance des hydrocarbures» où deux années après l’économie algérienne se retrouve dans la même situation). Ainsi, s’impose une coordination internationale et un code de bonne conduite, de nouveaux mécanismes juridiques de protection, face aux nouvelles technologies qui touchent tant la vie privée que la sécurité des Nations. Pour le cas Algérie, la marginalisation du savoir, où les relations de clientèles remplacent les compétences, la bureaucratie, héritage d’une économie administrée, constituent les contraintes les plus fortes et dont l’éradication est absolument nécessaire pour insuffler la dynamique au développement dans le cadre d’une libéralisation maîtrisée conciliant l’efficacité économique et une profonde justice sociale. Le monde est à l’aube d’une quatrième révolution économique. L’Algérie n’a pas d’autres choix que de réussir les réformes structurelles impliquant des stratégies d’adaptation et une autre politique socio-économique, loin des utopies du passé, dont celle de la transition énergétique et numérique. Le temps ne se rattrapant jamais en économie, toute Nation qui n’avance pas reculant forcément, les nouvelles révolutions technologiques en perpétuelles mutations, impliquent des actions concrètes loin des promesses utopiques du passé. Le langage de la vérité, la moralité des dirigeants et le combat contre les relations de clientèle, sont les conditions fondamentales si l’on veut mobiliser la population par un retour à la confiance sans laquelle aucun développement n’est possible.
Dr Abderrahmane Mebtoul Pr des Universités Expert international