Rôle stratégique de l’Etat régulateur et réformes structurelles par une libéralisation maîtrisée

Les défis de l’Algérie face à la crise

Le Président Abdelmadjid Tebboune lors de sa rencontre avec la presse nationale le 8 août 2021, a tracé les grandes lignes de l’instauration d’une économie de marché productive à finalité sociale, loin de tout monopole qu’il soit public ou privé, source de surcoûts et d’inefficacité économique et sociale, et a préconisé l’ouverture du capital de certaines entreprises y compris les banques.

Ses orientations seront-elles appliquées, lui même reconnaissant les difficultés de la transition d’une économie administrée, bureaucratisée à l’extrême, depuis plus de 60 années à une économie de marché à finalité sociale, liée à un Etat de droit, supposant de nouvelles forces sociales réformistes qui se heurtent à la résistance des conservateurs rentiers ?Aussi, face à la crise sanitaire, aux tensions budgétaires, la baisse drastique des réserves de change et le manque de dynamisme du secteur public, le processus de privatisation doit être défini clairement, où pour toute entrée en bourse s’impose des comptabilités transparentes en temps réel selon les normes internationales, avec un solde positif, ne devant pas être utopique, personne ne s’aventurera pour une entité structurellement déficitaire. Or, selon les données du Premier ministère reprises par l’APS le 1er janvier 2021, l’assainissement des entreprises publiques durant les 30 dernières années, a nécessité environ 250 milliards de dollars dont plus de 80% sont revenues à la case de départ, un véritable gouffre financier, plus de 95% des entreprises ne répondent pas aux normes comptables les plus élémentaires. L’important est le nombre d’acteurs fiables au niveau de ce marché pour l’instant limité. Imaginez-vous un très beau stade de football pouvant accueillir plus de 200 000 spectateurs sans équipe pour disputer la partie. Je me propose de livrer quelques propositions sur les finalités du processus de privatisation, qu’il soit partiel ou total en Algérie. Ce processus est lié à l’avancée des réformes structurelles, impliquant un consensus social minimal afin d’éviter le bradage du patrimoine national. Pour éviter tout amalgame, le conseil de privatisation, qui a été gelé toute l’année 1997, qui s’était engagé dans une totale transparence par des avis d’appel d’offres en face des repreneurs et de la presse nationale en 1998, a été dissous en janvier 2000, n’ayant pas privatisé un clou, étant retourné à l’Université en tant que professeur.

1- Les objectifs stratégiques du processus de privatisation et l’importance de l’Etat régulateur pour une économie de marché à finalité sociale

L’on ne doit pas confondre privatisation, complémentaire, tous deux, processus éminemment politique, allant vers le désengagement de l’Etat de la sphère économique afin qu’il se consacre à son rôle de régulateur stratégique en économie de marché. La privatisation est un transfert de propriété d’unités existantes vers le secteur privé et la démonopolisation consiste à favoriser l’investissement privé nouveau. L’objectif de la démonopolisation et celui de la privatisation doivent renforcer la mutation systémique de la transition d’une économie administrée vers une économie de marché concurrentielle. Le premier objectif d’une bonne privatisation est son impact sur la réduction du déficit budgétaire. La majorité des entreprises publiques ont un actif net inférieur au quart de leur capital social et une trésorerie inférieure à un mois de leur chiffre d’affaires avec un endettement croissant auprès des banques publiques malades de leurs clients.

Le deuxième objectif est que la privatisation peut être facteur de la dynamisation des exportations hors hydrocarbures. En effet, au vu de données, et en fonction de différents scénarios, il est démontré que seule une dynamisation des exportations hors hydrocarbures où sur les 2,03 milliards de dollars annoncés pour le premier semestre 2021, par le ministère du Commerce, montant auquel il faudra retirer les matières importées en devises pour avoir la balance devises nette au profit de l’Algérie, 70% sont des dérivés d’hydrocarbures et de produits semi produits, restant aux produits nobles environ 600 millions de dollars. Le troisième objectif est de contribuer à l’instauration d’une économie de marché concurrentielle loin de tout monopole qu’il soit public ou privé. Il n’existe pas d’économie de marché à l’algérienne mais des spécificités sociales avec des règles universelles, la domination de la propriété privée des moyens de production.

La gestion des entreprises publiques est rigide par définition, malgré souvent la bonne volonté des gestionnaires soumis à des interférences administratives. La privatisation bien menée peut être le moteur de la croissance de l’économie nationale car favorisant l’émergence de structures concurrentielles, de nouveaux comportements fondés sur le risque et une nouvelle culture de l’entreprise (intervention du Pr A. Mebtoul suite à l’invitation de M. Steve Gunderson Président et Directeur Général du Council on Foundations (Conseil des fondations de Washington) et Miss Jennifer Kennedy «GCDF Gunderson Council Foundation» qui s’est tenu du 26 au 30 mai 2008 à New York (USA) rencontre co-organisée avec la fondation Bill et Melinda Gates et sponsorisée notamment par les importantes fondations Rockefeller, Ford, MacArthur, Andrew Mellon, Carnegie et Hewlett.

Il appartiendra à l’Etat régulateur, garant de la cohésion sociale à laquelle je suis profondément attaché surtout en cette période de tensions budgétaires et internes et à nos frontières (voir revue la revue Djeich pour un Front social interne 2020/2021), de faire respecter le contrat entre les employeurs et les salariés afin que la logique du profit ne porte atteinte à la dignité des travailleurs. Mais en n’oubliant jamais que la plus grande dévalorisation morale dans toute société et d’être un chômeur ou un assisté. L’important n’est pas de travailler chez le privé national, international ou chez l’Etat, l’important pour nos enfants est de trouver un emploi durable dans le cadre de la protection sociale.

La bureaucratie, héritage d’une économie administrée, constitue une des contraintes les plus fortes dont l’éradication est absolument nécessaire pour insuffler au marché la dynamique et la fluidité attendues. Sur le plan du système financier, la mise à niveau du système bancaire est un des axes majeurs car c’est au sein de cette sphère que les rythmes de croissance seront arbitrés à titre principal. L’objectif à viser, est d’aboutir à un système bancaire affranchi des ingérences, plus efficient et plus en harmonie avec les exigences d’une intermédiation financière performante et orientée vers l’économie de marché de capitaux.

Pour ce qui est du système fiscal, celui-ci doit être plus incitatif tout en autorisant une grande rigueur dans son application en vue de la lutte contre l’évasion fiscale par la mise en place d’un système d’information et de communication plus moderne et moins sujet à interprétation. Il est également proposé d’améliorer la lisibilité de la politique générale de l’Etat par référence notamment à une nouvelle loi cadre de planification budgétaire et de simplifier et regrouper dans un cadre plus cohérent, l’organisation institutionnelle chargée d’exécuter une politique désormais plus claire de libéralisation de l’économie et pourquoi pas un grand ministère de l’Economie scindé en plusieurs secrétariats d’Etat techniques.

A suivre Par Dr Abderrahmane Mebtoul Expert international Professeur des universités