Une nouvelle stratégie de lutte s’impose

Après les violents incendies de ces derniers jours

Sur le terrain, le nombre important de foyers d’incendies et leur éparpillement sur 15 wilayas ne permet pas de fédérer les moyens humains et matériels de la Protection civile pour protéger les populations en premier et ensuite lutter contre les incendies.

Pas moins d’une centaine d’incendies touchant quinze wilayas ont mis tout le pays sous pression ces dernières 72 heures. Le bilan est lourd trop lourd même  : Plus de 42 morts dont 25 militaires venant appuyer la Protection civile et les Gardes-forestiers ainsi que les volontaires qui luttaient contre ces incendies. Depuis l’indépendance du pays, jamais l’Algérie n’a enregistré des pertes humaines aussi lourdes dans des incendies de forêts. Sur le terrain le nombre important de foyers d’incendies et leur éparpillement sur 15 wilayas ne permet pas de fédérer les moyens humains et matériels de la Protection civile pour protéger les populations en premier et ensuite lutter contre les incendies pour éviter leurs propagations. En Kabylie, région montagneuse et très peuplée, on a dénombré dix sept victimes. Les multiples foyers d’incendies ont menacé plusieurs villages en même temps, d’où les difficultés d’évacuer les populations qui, dans beaucoup de cas, ont été rapidement encerclées par le feu. La sécheresse et la présence d’herbes sauvages sèches feront en sorte que l’incendie se propage très rapidement. Une situation difficilement maîtrisable. Avoir une centaine de foyers d’incendie dans une quinzaine de wilayas, presque en même temps, ne relève pas du hasard et encore moins de quelques actes criminels isolés.
C’est connu, quand il y a de fortes chaleurs, il y a toujours des incendies. Un débris de verre jeté dans l’herbe sèche ou un mégot de cigarette peuvent facilement déclencher un début d’incendie. Mais avoir une centaine d’incendies en un intervalle de temps très court suscite moult interrogations. Là, on n’est plus dans l’acte isolé mais carrément dans une volonté délibérée des «pyromanes» de faire sombrer le pays dans le chaos. Le cas de la wilaya de Tizi Ouzou est édifiant à plus d’un titre. Vingt deux foyers d’incendies dans une région montagneuse et très peuplée. Tous les moyens de la Protection civile de toutes les wilayas du Centre du pays, y compris de la capitale, ne peuvent venir rapidement à bout d’un tel nombre d’incendies dans une vaste région montagneuse et de surcroît, très peuplée. D’où l’intervention de l’Armée nationale populaire. Les militaires ne sont pas entraînés, à l’exemple de la Protection civile et des Gardes-forestiers à éteindre les feux. Dans ce genre de situation, ils interviennent pour ouvrir, à l’aide d’engins lourds, des pistes ou aménager des pares-feu. Ils interviennent aussi pour étouffer des brasiers après l’extinction de l’incendie. Le nombre important, vingt cinq, des victimes parmi les membres de l’Anp nous renseigne sur la violence de l’incendie et les graves menaces qu’il faisait peser sur les populations des villages. Ces deux à trois dernières années, l’Algérie fait face à de violents incendies durant la saison estivale. Ce phénomène ne touche pas seulement notre pays. Depuis une semaine, la Turquie, la Grèce et l’Italie font face à d’immenses incendies détruisant plusieurs villages et faisant des victimes. L’année passée, le Portugal et l’Espagne ont connu de violents incendies entraînant de lourdes pertes en vie humaine et en argent.
Le changement climatique touche de plein fouet le bassin méditerranéen avec une baisse des précipitations et un rétrécissement des mois de pluviométrie. Des conditions climatiques qui fragilisent les forêts et le couvert végétal et la rendent très vulnérable aux incendies. Malgré les changements climatiques et les menaces qui pèsent sur les zones boisées, et même agricoles, l’Algérie n’a pas adaptée son dispositif de lutte. A l’approche de la saison estivale, le mois de juin de chaque année, la Protection civile et la direction des Forêts, mettent sur pied un dispositif basé surtout sur les colonnes mobiles pour lutter contre les incendies. Les feux qui ont ravagé le pays depuis le début de la saison estivale nous renseignent sur l’inefficacité de ce dispositif face au nombre et à la violence des incendies qui ont touchée plusieurs wilayas du Nord du pays. Le recours aux hélicoptères pour plus d’efficacité n’a pas donné de grands résultats. Aux Etats-Unis, à titre d’exemple, le recours intensif aux moyens aériens pour éteindre les gigantesques incendies n’a pas permis de sauver plus de 600.000 hectares de forêts et des centaines de maisons. Dire que le recours intensif aux moyens aériens pour lutter effacement contre les incendies serait un leurre. Un canadair doit faire rapidement plusieurs rotations pour être efficace. Donc, il a besoin d’étendue d’eau (lacs) assez grand et à proximité pour assurer sa mission.
Une condition qui n’existe pas dans le Nord du pays. Tandis que recourir à l’eau de mer nécessite que cette dernière soit calme pour que l’appareil puisse amerrir et s’alimenter en eaux. En Algérie, il faudrait surtout responsabiliser les communes et les intégrer dans le dispositif de lutte contre les incendies. Il est temps pour le pays de sortir de la gestion centralisée des walis. L’Assemblée communale doit assumer ses responsabilités. Les communes situées dans les zones montagneuses et forestières doivent avoir un plan de lutte contre les incendies impliquant les villages et exploitations agricoles. Les premiers gestes à faire pour éviter la propagation rapide des incendies de forêts consiste en le désherbage des bordures de routes et des villages et maisons avant l’été. Il y a urgence également à mettre rapidement un terme aux décharges sauvages en bordure des forêts. A partir du moment où la menace la plus grave dans un incendie concerne les zones d’habitations l’Apc doit obliger les locataires de nettoyer les alentours de tout ce qui pourrait attiser le feu. La formation des jeunes bénévoles et des riverains des forêts à l’extinction des départs de feu et des gestes à faire en cas de danger devient inévitable après ce qu’on a vu ces derniers jours en Kabylie et ailleurs. Ce dispositif de base, celui de la commune sera complété par l’association des populations, surtout les jeunes à la surveillance des régions montagneuse et forestière durant la saison estivale.
Les nouvelles mesures concernant l’allocation chômage annoncée récemment par le président de la République peut encourager les jeunes à participer à ce dispositif dans les communes concernées. Ce dispositif de base permet de faciliter le travail des colonnes mobiles de la Protection civile et des forêts en recevant l’alerte rapidement et surtout de bénéficier déjà d’une organisation et d’un soutien local en cas d’un incendie sérieux. Il y a lieu, entre autre, d’interdire l’accès libre des citoyens aux grands massifs forestiers et aux parcs nationaux durant la saison estivale. Seules les structures touristiques et voyages organisés peuvent y accéder dans le strict respect des consignes de sécurités. N’a-t-on pas vu très souvent des visiteurs de parcs nationaux allumés, au vu de tous, des barbecues sans être rappelés à l’ordre par les Gardes-forestiers ou les gendarmes ?
Le durcissement de la réglementation concernant les pyromanes doit s’étendre à ceux qui dégradent le patrimoine forestier en imposant de lourdes amendes aux contrevenants. Ces sanctions doivent s’étendre à ceux qui habitent en bordure des forêts et qui ne prennent pas la peine de nettoyer les alentours de toute végétation ou objet qui mettent en danger la forêt et leurs foyers. Les incendies qui ont ravagé le pays ces trois derniers jours et le nombre élevé de victimes nous interpellent tous à réfléchir à une nouvelle stratégie de lutte contre ce genre de catastrophe pour ne plus revivre un drame pareil.
Nadji C.