Les gouvernements occidentaux ont financé un important réseau de propagande

Syrie

Des services de renseignement occidentaux, financés par les gouvernements, ont formé des leaders de l’opposition syrienne, publié des articles dans des médias allant de la BBC à Al Jazeera et dirigé un groupe de journalistes.

Une foule de documents ont été divulgués, révélant ce réseau de propagande. Des documents ayant fait l’objet d’une fuite montrent comment des sous-traitants du gouvernement britannique ont développé une infrastructure de propagande avancée pour assurer le soutien de l’Occident à l’opposition politique et armée de la Syrie.Pratiquement tous les aspects de l’opposition syrienne ont été cultivés et vendus par des sociétés de relations publiques soutenues par les gouvernements occidentaux, de leurs récits politiques à leur image de marque, de ce qu’ils disaient à l’endroit où ils le disaient. Les dossiers divulgués révèlent comment les services de renseignement occidentaux ont joué des médias comme d’un violon, en élaborant soigneusement la couverture médiatique en anglais et en arabe [et en français, NdT] de la guerre contre la Syrie pour produire un flux constant de couverture pro-opposition. Des sous-traitants américains et européens ont formé et conseillé les dirigeants de l’opposition syrienne à tous les niveaux, des jeunes militants des médias aux chefs du gouvernement parallèle en exil. Ces firmes ont également organisé des interviews de dirigeants de l’opposition syrienne sur des chaînes de télévision établies elles que la BBC et Channel 4. Plus de la moitié des pigistes utilisés par Al Jazeera en Syrie ont été formés dans le cadre d’un programme conjoint du gouvernement américain et britannique appelé Basma, qui a produit des centaines de militants à employer dans les médias d’opposition syriens. Des sociétés de relations publiques des gouvernements occidentaux ont non seulement influencé la façon dont les médias ont couvert la Syrie, mais comme le révèlent les documents fuités, elles ont produit leurs propres pseudo-informations de propagande pour les diffuser sur les principaux réseaux de télévision du Moyen-Orient, notamment BBC Arabic, Al Jazeera, Al Arabiya et Orient TV.

Ces sociétés financées par le Royaume-Uni ont fonctionné comme des relais de relations publiques pour l’opposition armée syrienne dominée par l’extrémisme. Un sous-traitant appelé InCoStrat a déclaré qu’il était en contact permanent avec un réseau de plus de 1.600 journalistes et «influenceurs» internationaux, et qu’il les utilisait pour faire passer des messages favorables à l’opposition. Un autre sous-traitant du gouvernement occidental, ARK, avait élaboré une stratégie pour «relooker» l’opposition armée salafiste-jihadiste syrienne en «adoucissant son image». ARK s’est vanté de fournir une propagande d’opposition qui «passait presque tous les jours» sur les grandes chaînes de télévision de langue arabe. Pratiquement tous les grands médias occidentaux ont été influencés par la campagne de désinformation financée par le gouvernement britannique, et révélée par la multitude de documents ayant fait l’objet de fuites, du New York Times au Washington Post, de CNN au Guardian, de la BBC à Buzzfeed. Les dossiers confirment les reportages de journalistes, dont Max Blumenthal de Grayzone sur le rôle d’ARK, le sous-traitant du gouvernement américain et britannique, dans la popularisation des Casques blancs dans les médias occidentaux. ARK a géré les comptes des Casques blancs dans les médias sociaux et a contribué à faire de ce groupe financé par l’Occident une arme de propagande clé de l’opposition syrienne. Les documents fuités ont été principalement produits sous les auspices du Foreign Office (ministère britannique des affaires étrangères).

Toutes les entreprises nommées dans les dossiers avaient été engagées par le gouvernement britannique, mais beaucoup d’entre elles menaient également des «projets à donateurs multiples» qui recevaient des financements des gouvernements des États-Unis et d’autres pays d’Europe occidentale. En plus de démontrer le rôle que ces courroies de transmission des renseignements occidentaux ont joué dans la couverture médiatique de la Syrie, les documents mettent en lumière le programme du gouvernement britannique visant à former et à armer les groupes rebelles dans le pays. D’autres documents montrent comment Londres et les gouvernements occidentaux ont travaillé ensemble pour construire une nouvelle force de police dans les zones contrôlées par l’opposition. Nombre de ces groupes d’opposition soutenus par l’Occident en Syrie étaient des salafistes extrémistes. Certains des sous-traitants du gouvernement britannique dont les activités sont exposées dans ces documents divulgués soutenaient en fait la filiale syrienne d’Al-Qaïda, Jabhat al-Nusra, et ses ramifications fanatiques. Les documents ont été obtenus par un groupe se faisant appeler Anonymous, et ont été publiés dans une série de dossiers intitulés «Op. HMG [Her Majesty’s Government] Trojan Horse : De l’Integrity Initiative aux opérations secrètes dans le monde entier». Partie 1 – «Apprivoiser la Syrie». Les auteurs anonymes des fuites ont déclaré qu’ils visaient à «exposer les activités criminelles du Foreign Office et des services secrets britanniques», en ajoutant : « Nous déclarons la guerre au néocolonialisme britannique ! » The Grayzone n’a pas été en mesure de vérifier de manière indépendante l’authenticité des documents. Cependant, le contenu en coïncide clairement avec les reportages sur la déstabilisation occidentale et les opérations de propagande en Syrie publiés par ce média et beaucoup d’autres.

Le ministère britannique des affaires étrangères et l’armée mènent une guerre médiatique contre la Syrie

Un rapport fuité du Foreign Office britannique datant de 2014 révèle une opération conjointe avec le ministère de la défense et le ministère du développement international pour soutenir «les communications stratégiques, la recherche, le suivi et l’évaluation et le soutien opérationnel aux entités de l’opposition syrienne». Le Foreign Office a clairement indiqué que cette campagne consistait à «créer des liens de réseau entre les mouvements politiques et les médias», par la «construction de plateformes médiatiques locales indépendantes». Le gouvernement britannique avait prévu «un mentorat, une formation et un accompagnement pour une meilleure prestation de services médiatiques, y compris des médias numériques et réseaux sociaux». Son objectif était de «fournir des formateurs en relations publiques et en gestion des médias, ainsi que du personnel technique, comme des cameramen, des webmasters et des interprètes», ainsi que de la «production de discours, de communiqués de presse et d’autres communications médiatiques».

Un document supplémentaire du gouvernement de 2017 explique clairement comment la Grande-Bretagne a financé «la sélection, la formation, le soutien et le mentorat en communication de militants syriens qui partagent la vision britannique pour une Syrie future et qui respecteront un ensemble de valeurs conformes à la politique britannique». Cette initiative impliquait un financement du gouvernement britannique «pour soutenir l’activisme médiatique syrien populaire dans les sphères de l’opposition civile et armée», et visait les Syriens vivant dans les territoires d’opposition «extrémistes et modérés». En d’autres termes, le ministère britannique des affaires étrangères et l’armée ont élaboré des plans pour mener une guerre médiatique globale contre la Syrie. Pour établir une infrastructure capable de gérer le blitz de propagande, la Grande-Bretagne a payé une série de sous-traitants gouvernementaux, dont ARK, The Global Strategy Network (TGSN), Innovative Communication & Strategies (InCoStrat) et Albany. Les travaux de ces entreprises se chevauchaient, et certaines collaboraient dans des projets visant à cultiver l’opposition syrienne.

Le sous-traitant gouvernemental occidental ARK joue des médias comme d’un violon

L’un des principaux sous-traitants du gouvernement britannique derrière le programme de changement de régime en Syrie s’appelait ARK (Analysis Research Knowledge).ARK FZC est basé à Dubaï, dans les Émirats Arabes Unis. Il se présente comme une ONG humanitaire, affirmant qu’il «a été créé pour aider les plus vulnérables», en établissant une « entreprise sociale, responsabilisant les communautés locales par l’apport d’interventions flexibles et durables pour créer une plus grande stabilité, des opportunités et de l’espoir pour l’avenir». En réalité, ARK est une firme de renseignement qui fonctionne comme un bras de l’interventionnisme occidental. Dans un document fuité qu’il avait déposé auprès du gouvernement britannique, ARK a déclaré que «depuis 2012, il s’est concentré sur la mise en place de programmes efficaces, politiquement et politiquement sensibles aux conflits en Syrie pour les gouvernements du Royaume-Uni, des États-Unis, du Danemark, du Canada, du Japon et de l’Union européenne».ARK s’est vanté de superviser des contrats d’une valeur de 66 millions de dollars pour soutenir les efforts d’opposition en Syrie. Sur son site web, ARK liste tous ces gouvernements comme clients, ainsi que les Nations-Unies. Dans ses opérations en Syrie, ARK a travaillé avec un autre sous-traitant britannique appelé The Global Strategy Network (TGSN), qui est dirigé par Richard Barrett, un ancien directeur de la lutte contre le terrorisme mondial au MI6. ARK avait apparemment des agents sur le terrain en Syrie au début de la tentative de changement de régime en 2011, rapportant au Foreign Office britannique que «le personnel d’ARK est en contact régulier avec des activistes et des acteurs de la société civile initialement rencontrés lors du déclenchement des manifestations au printemps 2011».

(A suivre) Ben Norton