Cadre juridique, facteur de démobilisation

Les changements nuisent à l’efficacité

L’objet de cette contribution, avec les tensions budgétaires et géostratégiques, l’Algérie n’ayant pas besoin d’une pléthore de ministères qui se télescopent dont l’expérience récente a montré le manque de cohérence et de management stratégique (la responsabilité étant intersectorielle) idem pour les collectivités locales.

L’efficacité des institutions, sous réserve d’une planification stratégique devra s’articuler autour de grands ministères homogènes et de cinq à six grands pôles régionaux pour faire face à la crise économique et redonner confiance aux citoyens, Avant 1965, la forme d’autogestion était privilégiée; de 1965 à 1980, nous avons de grandes sociétés nationales et de 1980 à 1988, nous assistons à une première restructuration découpant les grandes sociétés nationales. Comme conséquence de la crise de 1986 qui a vu le cours du pétrole s’effondrer, des réformes timides sont entamées en 1988: l’Etat crée huit fonds de participation qui étaient chargés de gérer les portefeuilles de l’Etat.

Comme conséquence de la cessation de paiement en 1994 et l’accord de rééchelonnement en 1996, l’Etat crée 11 holdings en plus des cinq régionaux avec un Conseil national des privatisations; en 2000, nous assistons à leur fusion en cinq méga holdings et la suppression du Conseil national des privatisations; en 2001, nouvelle organisation et l’on crée 28 sociétés de gestions des participation de l’Etat (SGP) en plus des grandes entreprises considérées comme stratégiques. Lors de différents Conseils de gouvernements tenus durant toute l’année 2007/2008, une nouvelle organisation est proposée par le ministère de la Promotion de l’Investissement qui n’a pas fait l’unanimité; Sonatrach et Sonelgaz ne sont pas concernées par cette organisation répondant à des lois spécifiques. Depuis à aujourd’hui existent des organisations hétérogènes des capitaux marchands de l’Etat avec une tendance de revenir à la tutelle des ministères où les P-DG d’entreprises publiques ont peu d’autonomie.

Le gouvernement algérien courant 2009 a décidé d’introduire la règle des 49/51% généralisée à tous les secteurs ce qui a nui à l’attrait de l’investissement étranger et a permis des transferts illicites de capitaux avec parfois la complicité de partenaires étrangers non mus par la création de valeur ajoutée interne. Or comme je l’ai mis en relief dans plusieurs interviews nationaux (www.google.com 2008/2009) et internationaux la Tribune.fr du 13 mai 2013 (France) et l’American Herald tribune (USA) du 26 décembre 2016 il faut éviter l’utopie tant économique que politique, la règle des 49/51% ayant pour fondement l’idéologie et non l’efficacité économique.

En ce mois de août 2021, l’Algérie est toujours en transition vers l’économie de marché, qui doit se fonder sur des mécanismes concurrentiels dans tous les domaines cohabitant une gestion administrée toujours dominante avec des embryons de libéralisation et le risque de passage d’un monopole public à un monopole privé spéculatif. D’où l’importance du rôle stratégique de l’Etat régulateur, comme en témoigne le poids de la bureaucratie, la corruption (renvoyant à la refonte de l’Etat), la léthargie du système financier, l’épineux problème du foncier, l’inadaptation du système socio-éducatif et la dominance des emplois rente montrant clairement l’absence d’une véritable politique salariale fondée sur le travail et l’intelligence, car le devoir de solidarité ne saurait signifier versement de traitement sans efforts, vision populiste suicidaire.

Nouvelle organisation ministérielle et locale

Comme j’ai eu à le préciser dans plusieurs contributions parues entre 2006/2008 cette réorganisation devient urgente pour des raisons d’économies, de gestion et d’efficience gouvernementale autour de grands ministères avec des secrétariats d’Etat techniques limités qui n’assistent pas au Conseil des ministres, le principal responsable étant le ministre de tutelle devant combiner le dialogue et l’unité de commandement. L’Etat doit réduire son train de vie, donner l’exemple de rigueur, éviter en cette période de crise des dépenses inutiles de prestige sans impacts véritables sur le devenir économique du pays et donc sur l’amélioration du pouvoir d’achat des citoyens. Du point de vue des réformes territoriales, l’objectif est de s’orienter ver une réelle décentralisation et non la déconcentration en créant d’autres entités administratives bureaucratiques, les nouvelles technologies permettant des réseaux décentralisés efficaces, afin de rapprocher l’Etat du citoyen et accroitre l’efficacité économique.

Cela suppose une autre organisation locale, notamment du rôle des walis par la création de cinq à six pôles socio-économiques régionaux pilotés par les Chambres de commerce régionales, le wali jouant le rôle de régulateur et non de gestionnaire, impliquant tant l’administration, les élus, les entreprises, les banques, la société civile, les universités/centres de recherche devant donc revoir les Codes communaux et de wilayas. Les directions de wilayas qui sont budgétivores devront être regroupées en adéquation avec celles des ministères. Il y a urgence de la création d’un grand ministère de l’Economie couplant le ministère des Finances,le ministère du Commerce et le ministère des Investissements de l’Industrie, de la PMI /PME tout en lui rattachant les Mines, segment stratégique de la relance industrielle.

Les différentes agences chargées de l’investissement qui se télescopent et qui sont loin d’avoir répondu aux attentes des pouvoirs publics malgré de nombreux avantages accordés, (ANDI – emploi des jeunes etc.) devront être rattachés à ce ministère pour plus de cohérence. Le secteur tourisme devrait être couplé avec celui de l’artisanat et de la culture. Le défi majeur du XXIème siècle étant celui de l’eau, dont l’Algérie et plus globalement, l’Afrique devrait connaître selon l’ONU une importante sécheresse 2024/2025, la solution étant le dessalement de l’eau de mer dont la base est le gaz, combiné avec les énergies renouvelables au ministère clé de l’Energie, il y aurait lieu de lui adjoindre celui des Ressources en eau tout en impulsant l’industrie pétrochimique et les énergies renouvelables qui accusent un retard important. L’agriculture et la pêche formeraient un tout ainsi que les Transports, Travaux publics et l’Habitat. Quant aux structures de la Jeunesse et des Sports, celui de la Promotion de la condition féminine, de la protection de l’enfance, elles devront faire l’objet d’un traitement particulier.

Il est entendu, du fait de leur sensibilité, comme dans tous les pays du monde, l’organisation du ministère de la Défense et des services de sécurité, des Affaires étrangères et de la Justice (l’indépendance de la justice étant consacrée dans la Constitution), il faut faire confiance à leurs structures internes aidées des experts dans ce domaine, pour leurs adaptations au bouleversement du nouveau monde Culture participative pour un nouveau projet de société Car nous avons deux options: soit satisfaire les appétits partisans par une redistribution passive de la rente avec la création de 40 ministères sans efficacité réelle, ou privilégier l’efficacité gouvernementale allant vers plus de réformes, condition d’un développement durable. Ce dernier repose sur le travail et l’intelligence afin de redonner une lueur d’espoir, surtout à une jeunesse désabusée en conciliant l’efficacité économique et la justice sociale dans un univers concurrentiel où toute Nation qui n’avance pas recule.

Le retour à la croissance hors hydrocarbures qui reste tributaire, outre de l’élément fondamental de bonne gouvernance et de la revalorisation du savoir, d’un certain nombre de conditions: la réhabilitation de l’entreprise et la levée des contraintes bureaucratiques à l’investissement passant par la refonte urgente du système financier, fiscal, douanier, domanial, du foncier, une détermination plus grande de la réalisation du programme du partenariat public/privé et de la privatisation qu’elle soit totale ou partielle. Sur le plan sociopolitique, cela passe la production d’une culture politique participative, une communication institutionnelle efficiente et l’élaboration d’un nouveau consensus social et politique (ce qui ne signifie aucunement unanimisme, signe de la décadence de toute société) permettant de dégager une majorité significative dans le corps social autour d’un véritable projet de société.

La réussite est avant tout non celle d’un homme seul (une seule main, comme dit l’adage, ne saurait applaudir), mais celle d’une équipe compétente soudée, de véritables managers sachant tant gérer qu’à l’écoute des populations, animés d’une profonde moralité avec une lettre de mission à exécuter dans les délais respectant les coûts internationaux. En conclusion, l’Algérie, pays à fortes potentialités, doit s’adapter aux nouveaux enjeux mondiaux, où le développement du XXIèmesiècle reposera sur la bonne gouvernance et la valorisation du savoir dominé par la transition énergétique et numérique avec la nouvelle révolution du système d’information et de vives tensions au niveau de la région qui préfigurent d’un bouleversement géostratégique et économique.

L adaptation à ces nouvelles donnes implique un Etat de droit, la promotion de la condition féminine, la démocratie tenant compte de notre anthropologie culturelle et la mise en place de l’économie de marché concurrentielle productive, loin de tout monopole qu’il soit public ou privé. La réussite de cette grande entreprise dans le cadre de l’espace euroméditerranéen et africain, espace naturel de l’Algérie, interpelle toute la société supposant une révolution culturelle des mentalités des dirigeants et des citoyens qui ont longtemps reposé sur la rente. Car à vouloir perpétuer des comportements passés, l’on ne peut aboutir qu’à une vision périmée. Le risque, sous couvert de discours trompeurs d’autosatisfaction, de la paralysie économique avec une déflagration sociale est justement là.

Pr Abderrahmane Mebtoul *Professeur des universités, expert international