Genèse, caractéristiques, évolution et perspectives

Hirak

Dans cette modeste contribution, sur la base d’une tentative d’approche marxiste-léniniste (1) de l’histoire immédiate, sur le «Hirak» ou soulèvement populaire, je m’appuierai sur une reconstitution chronologique approximative des divers faits marquants amassés dans les sources journalistiques et orales de première main, en plus de certains échanges avec des camarades et ami(e)s, d’internet (avec la nécessaire prudence exigée à cause de la propagande perfide – fake news – des protagonistes), et de l’observation directe de l’événement à Oran pendant plusieurs semaines et Alger pendant le 8 novembre 2019 et les 21 /22 février 2020.

Le «Hirak» connaitra une troisième phase après l’échec du torpillage du scrutin présidentiel qui, relativement sauvegardera momentanément dans une situation encore fragile, l’institution présidentielle et se terminera avec la crise sanitaire du coronavirus. L’usage de la violence de certaines forces islamo-berbériste dans l’émigration et en Kabylie marquera la transition à celle-ci. Il connaitra une mobilisation particulière à Alger le 21 et 22 février 2020, soit à l’occasion de la commémoration de la date symbolique et historique du soulèvement populaire. Comme pour la seconde phase qui avait les prémisses de ses tendances dans la première, celle-ci avait les siennes dans la phase précédente. Le décès du chef d’Etat-major donna lieu à un cortège funèbre national large et insoupçonnable avec principalement un contre-mot d’ordre «Gaïd Salah ma3a Echouhada» (71) à celui des manifestations précédentes «Gaïd Salah ma3a elkhawana».

La prééminence passera cette fois-ci aux islamistes, avec Rachad en tête, alors que ladite alternative démocratique domina relativement la seconde phase. La printanisation du «Hirak» deviendra sa caractéristique principale depuis la veille du scrutin présidentielle et s’aggravera encore plus jusqu’à sa suspension forcée à la mi-mars 2020.(72) Pendant cette troisième phase du «Hirak», l’Etat néocolonial (la France), principal soutient des forces dominantes parmi les manifestants contre la tenue du scrutin, après avoir soutenu jusqu’au bout la sainte alliance Bouteflika-Toufik, sera obligé de faire un repli tactique. La fermeté du pouvoir algérien sur la souveraineté nationale et son action diplomatique feront échouer toutes les tentatives d’ingérence flagrantes et lui imposeront de changer son ambassadeur (ex-patron de la DGSE) qui s’était trop compromis avec les réseaux du lobby de la «FrançAlgérie». Il faut être naïf pour croire que la partie est définitivement gagnée sur ce front qui constitue le plus grand danger de la «printanisation» concernant le «Hirak» en Algérie et son prolongement par rapport aux réseaux liés à Otpor, le NED, UE et autres officines (sionisme, islamisme, Maroc…) qu’il ne faut pas sous-estimer. (73). L’histoire nationale nous enseigne, loin de tout complotisme, que la troisième force néocoloniale dans toutes ses variantes qui s’était infiltrée au sein du FLN-ALN dès l’année 1961, malgré souvent les divisions secondaires entre les éléments de ses réseaux, avait réussi à constituer une relève sur laquelle s’appuiera la France pour maintenir l’Algérie dans son giron géopolitique, économique et culturel sous des rapports de domination de type néocolonial.(74).

Les noyaux dynamiques de cette relève était à l’avant-garde du «Hirak» dans sa seconde phase, s’appuyant sur l’Etat néocolonial français aussi bien en Algérie que parmi l’émigration en France et la diaspora en général.(75) Prenant le relai de BHL, brûlé en Algérie, Raphaël Glucksmann le néofasciste connu pour sa rhétorique démagogique fera adopter une motion de l’Union Européenne contre l’Algérie, la veille du scrutin présidentiel du 28 novembre 2019, en «soutien du Hirak». Cette initiative fera à son tour démasquer tous les principaux activistes de la 2e phase du «Hirak», en particulier d’ex-cadres du PAGS qui se sont reconvertis au libéralisme ou à la trahison de la social-démocratie et de l’opportunisme (I., B., O. …).(76) L’affaire de Kamel Eddine Fekhar, le séparatiste mozabite qui sera hissé au statut d’héros du «Hirak» à son second stade, notamment après sa mort due à sa grève de faim, sera instrumentalisée à fond par les nouveaux ténors imposés au «Hirak».(77) Nos craintes pour l’Algérie, notre patrie, sont pleinement justifiées dans ce contexte dangereux pour l’Etat-National, affaibli par les quarante années de politique destructrice libérale, qui se trouve à la croisée des chemins pour sa propre survie.

Après l’échec de plusieurs tentatives de déstabilisation successives du pays, voire de dislocation avortées grâce à la résistance patriotique et populaire (civile et militaire), il faut s’attendre à une nouvelle tentative s’appuyant sur un nouveau plan affiné et secret, piloté par le tandem franco-sioniste qui s’acharne sur l’Algérie résistante, parrainés par les USA et aidé par le régime marocain et leurs alliés du Golfe.(78) L’axe Turquie-Qatar,(79), soutenu aussi en sous-main par l’OTAN, en appui aux islamistes, constitue lui aussi une autre face du danger de déstabilisation de l’Algérie. Et paradoxalement, l’effet de cette épidémie du Covid-19, tout en créant une nouvelle situation interne de répit aux forces anti-néocolonialistes, met à nu le niveau de dégradation de la situation socio-économique atteint par notre pays et en même temps la faiblesse de la cohésion politique nationale de ces forces patriotiques et leurs capacités de mobilisation des masses populaires, en premier lieu de la classe ouvrière et son avant-garde. (80) La dangerosité de la situation fait que seule l’alliance populaire avec l’ANP et une juste politique étrangère d’appui sur les pays amis et les contradictions inter-impérialistes, les peuples de la région (dont ceux du Maroc et de la France) est en mesure de garantir la souveraineté nationale, l’unité territoriale de notre pays menacée ouvertement et la paix régionale contre toutes les convoitises. (81) 4- Perspectives du «Hirak» : Après avoir évité le «printemps arabe», pourquoi les Algériens veulent «qu’ils dégagent tous» ?

Pour les partisans du socialisme, les patriotes anti-néocoloniaux, la classe ouvrière et l’ensemble des masses populaires, le seul «Hirak» qui vaut la peine d’être mené est celui de la résistance contre l’impérialisme, le sionisme et la réaction arabe, de la lutte contre la politique libérale et le néocolonialisme dans cette phase de la révolution démocratique nationale à perspective socialiste sur la base d’une plateforme politique et socio-économique. Nous devons préserver l’alliance entre le peuple laborieux et l’ANP, mieux assainie de toute oligarchie corrompue et affairiste, pour une politique alternative renouant avec le développement national planifié et intégré répondant aux besoins sociaux du peuple, la préservation de l’Etat-national indépendant et souverain et la paix civile chèrement acquise. L’Algérie fidèle à son histoire révolutionnaire doit continuer à soutenir la lutte des peuples Palestinien, Sahraoui, Kanak pour leur indépendance nationale et à défendre la paix mondiale contre les guerres et les blocus impérialistes en Afghanistan, Libye, l’Irak, le Yémen, le Venezuela, Cuba, la Corée du Nord, l’Iran, la Syrie…(82). Il s’agit de traduire ces orientations globales par un projet de plateforme à débattre et enrichir et en faire un outil de l’adhésion des masses populaires à la lutte multiforme sur tous les fronts, autour de son avant-garde, pour la conquête du pouvoir d’Etat. La transition réclamée par le «Hirak» à sa deuxième phase que reflète le contenu de la plateforme signée par les 119 ne débouchera que sur une révolution démocratique bourgeoise qui approfondira la voie capitaliste et ne peut être que désastreuse pour notre peuple, dans un pays de la périphérie et dans le contexte de la mondialisation impérialiste.(83)

(Suite et fin) B. Lechleche. Chercheur-Historien