Le Maroc doit chercher «son» gaz ailleurs

Rupture des relations diplomatiques

Moins de 48 heures après l’annonce par le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, de la rupture des relations diplomatiques avec le Maroc, Mohamed Arkab, ministre de l’Energie et des Mines monte au créneau et annonce que tout le gaz destiné à l’Espagne et au Portugal transitera à l’avenir par le Medgaz.

Cette annonce de notre ministre a été faite lors de l’audience qu’il a accordé à l’ambassadeur d’Espagne à Alger. L’ensemble des approvisionnements de l’Espagne en gaz naturel algérien sera assuré à travers le gazoduc Medgaz, a assuré le ministre de l’Energie et des Mines, Mohamed Arkab, mettant en exergue le récent projet d’extension de la capacité du ce gazoduc reliant directement les deux pays rapporte l’Aps dans une dépêche datée de jeudi. Cette déclaration vient ainsi signer l’arrêt de mort du Gazoduc Maghreb Europe (GME) qui passe par le Maroc. Le ministre algérien rassurera le partenaire espagnol quant à la sécurisation des approvisionnements en gaz naturel en mettant en avant les efforts déployés par l’Algérie pour garantir la sécurité des approvisionnements en gaz naturel du marché espagnol à travers les importants investissements consentis pour acheminer dans les meilleures conditions le gaz naturel sur ce marché.
Le Medgaz dispose d’une capacité d’exportations de 10 milliards de m3 de gaz naturel par an. Dans le cas d’une demande additionnelle exprimée par l’Espagne et le Portugal, Sonatrach dispose de capacités de liquéfaction de 56 millions de m3, soit l’équivalent de 33 milliards de m3 de gaz naturel, pour y faire face. Une quantité qui représente plus de trois fois la capacité du Medgaz. La proximité géographique de l’Espagne et du Portugal facilitera l’acheminement rapide de GNL par la flotte de méthaniers propriété de Sonatrach. La décision de ne plus exporter le gaz naturel par le GME constitue un coup dur pour le Maroc. En moyenne le Maroc pouvait bénéficier de l’équivalent de 750 millions de m3 de gaz algérien comme droits de passage du gazoduc sur son territoire. Il est utile de préciser que ce droit de passage n’est pas payé au Maroc par l’Algérie mais par la société propriétaire du gazoduc. La totalité du gaz naturel qui sort de Maghnia est payé à l’Algérie selon le prix contractuel.
L’arrêt du gazoduc d’ici la fin de cette année fera perdre au Maroc une importante quantité de gaz naturel qui sert à produire de l’électricité. Ce pays a besoin de près de 1,4 milliard de m3 de gaz naturel annuellement. Ce gaz sert à alimenter deux centrales électriques dotées d’une puissance dépassant les 950 MW, soit prés de 10% de la puissance installée au Maroc (10 500MW). Les droits de passage ne pouvant couvrir la totalité les besoins en gaz naturel, le Maroc signe en 2011 un contrat de livraison de 640 millions de m3 supplémentaires avec Sonatrach. Ce contrat de dix ans prendra également fin en décembre 2021. La décision d’arrêter les exportations du gaz algérien par le GME ne permet pas également le renouvèlement de ce contrat. A partir du 1er janvier 2022 le Maroc sera obligé de chercher le gaz naturel dont il a besoin ailleurs qu’en Algérie. Mais de quelles options dispose le Maroc ? La seule possibilité pour le Makhzen reste l’importation du gaz naturel liquéfié du Nigeria, des Etats-Unis ou du Qatar à un prix supérieur au gaz algérien.
Mais cette option n’est pas possible dans l’immédiat. Le Maroc ne dispose d’aucune infrastructure de regazéification ou de stockage de Gnl. Un investissement moyen d’un milliard d’euros serait nécessaire pour installer des infrastructures capables de regazéifier prés de 1,5 milliard de m3 de gaz naturel sous forme de Gnl. En 2015, le gouvernement marocain promet 3,5 milliards d’euros d’investissement dans le gaz naturel pour sortir de sa dépendance du gaz algérien. En 2021, aucun des investissements promis n’a vu le jour. Pour éviter une crise énergétique, en attendant les investissements dans le Gnl, le Maroc sera obligé d’acheter de l’électricité d’Espagne, pays avec lequel il a une interconnexion électrique. Même en temps normal, le Maroc achète de l’électricité de l’Algérie et d’Espagne. Et il n’est pas évident que l’Algérie accepte de vendre de l’électricité au Maroc après la rupture des relations diplomatiques. Mais dans cette affaire, c’est le peuple marocain qui payera le prix. Il n’est pas à écarter que le prix de l’électricité au Maroc connaîtra une hausse en 2022, à un moment où le kWh dans ce pays coûte déjà trois fois plus chers qu’en Algérie.
Nadji C.