Croissance économique via une nouvelle gouvernance

Alimentation de la Caisse de l’allocation chômage et des retraites

Lors du Conseil des ministres du 22 août 2021, il a été décidé d’éliminer les pénalités de retard en matière de cotisations à la sécurité sociale en faveur de 760 552 employeurs, tout en encourageant les cotisations aux Caisses de la sécurité sociale dans l’objectif de préserver le tissu économique et un projet de loi instituant les allocations chômage qui s’ajoutera aux formules d’allocations de chômage adoptées dans d’autres secteurs.

Fait nouveau, une partie de la classe moyenne commence à disparaître graduellement et à rejoindre la classe pauvre, l’inflation, et c’est une loi universelle jouant comme facteur de concentration au profit des revenus variables et au détriment des revenus fixes. L’action louable au profit des zones d’ombre serait un épiphénomène face à la détérioration du pouvoir d’achat de la majorité de la société civile informelle, la plus nombreuse, atomisée, non encadrée qui risque de basculer dans l’extrémisme, face à des discours de responsables déconnectés de la réalité, des partis politiques traditionnels et une société civile officielle souvent vivant de la rente, inefficiente comme intermédiation sociale. Pour alimenter la Caisse allocation chômage, les pouvoirs publics peuvent prévoir transitoirement entre 0,5 et 1,5% des recettes de Sonatrach (voir notre interview au quotidien gouvernemental El Moudjahid 24 août 2021). Encore que l’Algérie possède quelques marges de manœuvres, avec une dette publique totale par rapport au PIB de 63,3%, contre 53,1% en 2020, et que la dette publique nette totale représentera 60,5%, contre 50,4% en 2020 et une dette extérieure inférieure relativement faible qui devrait atteindre 3,6% et 5,2% du PIB en 2021 et 2022, contre 2,3% en 2020.
Comme conséquence, les tensions sociales sont atténuées artificiellement grâce aux recettes des hydrocarbures qui permettent des subventions et transferts sociaux représentant 23,7% du budget général et 9,4% du PIB pour l’exercice 2021, mais mal ciblées et mal gérées.
L’Algérie, selon le FMI dans son rapport d’avril 2021, continue de bénéficier d’une marge de mouvement positive, la dette extérieure restant modeste. Mais il faut être réaliste, la chute drastique du cours des hydrocarbures via le faible taux de croissance, l’augmentation du chômage et la baisse des réserves de change qui ont clôturé fin juin 2021 à 44 milliards de dollars contre 194 milliards fin 2013, malgré toutes les restrictions qui ont paralysé l’appareil de production et accentué l’inflation (un exemple l’augmentation de plus de 100% des voitures d’occasion et des pièces détachées), rend difficile l’alimentation de la Caisse de chômage et menace la pérennité des caisses de retraite. Toute nation ne peut distribuer que ce qu’elle a préalablement produit, le populisme pouvant conduire à un processus inflationniste incontrôlable sans création de valeur et donc, à la dérive économique et sociale avec des incidences sécuritaires et donc attention aux effets de l’émission monétaire sans contreparties productives (planche à billets prévoyant pour 2021 environ 2100 milliards de dinars).
D’où l’importance d’un nouveau modèle de croissance créant de la valeur, fonction d’une nouvelle gouvernance, dont les sous-segments sont une nouvelle politique de l’emploi, l’actuelle privilégiant les salaires-rente avec le nivellement par le bas, décourageant les énergies créatrices (audit réalisé sous ma direction pour la présidence de la République 2008, 5 volumes 680 pages sous le titre pression démographique et nouvelle politique de l’emploi dont les recommandations n’ont pas été appliquées).
– Premièrement, en ce qui concerne l’emploi, la politique passée et actuelle a été de préférer la distribution de revenus (salaires versés sans contreparties productives) à l’emploi, c’est-à-dire contribuant implicitement à favoriser le chômage. Aussi, il s’agit de modifier les pratiques collectives et réduire les à-coups sur l’emploi en accroissant la flexibilité des revenus et des temps de travail par une formation permanente pour permettre l’adaptation aux nouvelles techniques et organisations.
– Deuxièmement, ce n’est pas un changement d’assiette des prélèvements qui résoudra les problèmes, mais dans la maîtrise de la dépense aussi bien la dépense globale que la dépense remboursée, car dans cette sphère spécifique, celui qui consomme n’est pas nécessairement celui qui finance, et cela n’est pas neutre pour l’activité productive. L’ensemble des dépenses de la sécurité sociale ne doit pas croître, en volume, plus vite que la croissance du produit intérieur brut (PIB).
– Troisièmement, cette rationalisation des dépenses ne saurait signifier restriction aveugle afin de permettre de couvrir les besoins des plus démunis, renvoyant à la rénovation du système fiscal, le niveau de l’impôt direct dans une société mesurant le degré d’adhésion de la population car le système d’impôt est au cœur même de l’équité. Mais l’impôt pouvant tuer l’impôt modifiant l’allocation des ressources réalisée, notamment l’offre de capital et de travail ainsi que la demande de biens et services. Un système fiscal efficace doit trouver le moyen de prélever des recettes en perturbant le moins possible les mécanismes qui conduisent à l’optimum économique et s’articuler autour des prélèvements faiblement progressifs sur des assiettes larges. En attendant qu’une économie productive se mette en place, je propose quelques recommandations, permettant une meilleure efficacité économique et reposant sur plus de justice sociale qui ne saurait signifier égalitarisme, supposant une mutation de l’Etat providence :
* Premièrement, entre 2/5% des recettes d’hydrocarbures doivent alimenter les caisses de retraite et la caisse allocation chômage annuellement.
* Deuxièmement, toutes les personnes ayant 32 années de travail plein peuvent aspirer à la retraite, sauf s’ils sont volontaires, et cas exceptionnel pour des personnes malades ou ayant subi un accident de travail.
* Troisièmement, pour les métiers pénibles, et les femmes, il y a lieu de prévoir des clauses de spécificités. Un nouveau modèle social permettant la création de richesses et donc la levée des contraintes de la mise en œuvre des affaires avec les réformes des institutions pour moins de bureaucratie, par une réelle décentralisation autour de grands pôles économiques régionaux, du système financier et socio-éducatif inadapté, et la lutte contre la corruption, le rapport annuel, Doing business 2020, classant l’Algérie à la 157e place avec un score de 48,6 points, sur 190 pays, loin de ses potentialités.
En résumé, la situation économique actuelle est complexe surtout avec les effets de l’épidémie de coronavirus et du réchauffement qui modifieront tant les relations internationales que le pouvoir économique mondial imposant à l’Algérie des stratégies d’adaptation afin d’éviter sa marginalisation en ce monde où toute Nation qui n’avance pas régresse, n’existant pas de situations statiques. Surmonter l’actuelle crise politique et économique est un défi à la portée de l’Algérie afin d’éviter les tensions sociales et devenir un acteur clef de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine. Espérons qu’avec l’impact de l’épidémie du coronavirus qui a paralysé toute l’économie mondiale et pas seulement l’Algérie, que le dialogue, outil par excellence de la bonne gouvernance, l’emporte sur les passions, l’objectif stratégie privilégier les intérêts supérieurs de l’Algérie.
(Suite et fin)
Abderrahmane Mebtoul
Professeur des universités Expert international