Nécessité d’estimer la résilience de forêts

Régénération des espaces incendiés

L’estimation de la résilience d’une forêt incendiée (rapidité avec laquelle elle recouvre son état initial après une catastrophe) est un préalable à toute action de reboisement, ont estimé des experts.

Le conservateur principal au Parc national du Djurdjura (PND), Ahmed Alileche, a indiqué à l’APS qu’après les incendies qu’ont connus certaines wilayas et qui ont affecté particulièrement Tizi-Ouzou, «la première étape consiste à évaluer les dégâts et estimer la capacité de résilience de la forêt afin de dégager une approche de Gestion et de restauration des terrains incendiés (GRTI)». L’évaluation des dégâts et de la résilience des forêts brûlées «doit être menée par une équipe composée d’experts, en l’occurrence, des forestiers, des agronomes, des chercheurs universitaires et de l’Institut national de recherche forestière (INRF), qui aura à établir un diagnostic sur le terrain», a-t-il signalé. Une fois le diagnostic établi, des mesures urgentes visant à préserver les sols brûlés et à les protéger contre l’érosion doivent être menées dont, la création de fascines (des aménagements linéaires de pieux entre lesquelles sont déposés des branchages freinant l’eau de ruissellement, sur les terrains en pente forte, notamment, a-t-il ajouté.
Ce travail d’assainissement des sites incendiés a été entamé officiellement samedi dernier, en application des instructions du ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Abdelhamid Hamdani, au niveau des cinq wilayas ravagées par les feux du début du mois d’août. A Tizi-Ouzou l’opération a été lancée depuis la forêt de Taksebt dans la commune de Zekri, relevant de la daira d’Azazga, qui est la plus touchée par les feux (au plan de la superficie forestière incendiée). Elle a été confiée à l’Entreprise régionale de Génie rurale (ERGR) Djurdjura, rappelle-t-on. Selon le directeur général de cette entreprise du Groupe de génie rural (GGR), Salim Bensaidi, une quarantaine d’ouvriers ont été mobilisés pour couper les arbres totalement calcinés (brûlés à 100%) et qui ne peuvent se régénérer. Les arbres abattus sont ensuite découpés pour servir d’anti-érosion au sol. Après le diagnostic et les travaux d’urgence effectués, il s’agira ensuite, selon le conservateur principal du Parc national du Djurdjura, de distinguer les zones selon les possibilités de régénération.

Impératif de respecter la biodiversité locale
Le respect de la biodiversité locale est une condition sine qua non à toute démarche de restauration d’un espace forestier brûlé, a souligné M. Alileche. «Selon le degré de perturbation de l’espace incendié, on peut laisser la forêt se régénérer naturellement, lorsque l’intensité du feu est faible, notamment là où des arbres semenciers (dits climaciques) sont en nombre suffisant et capables de fournir la graine nécessaire à la régénération naturelle», a-t-il indiqué. «Pour les zones où le feu a tout anéanti, il y a lieu d’opter pour la régénération naturelle assistée par la plantation et le reboisement», a-t-il préconisé en insistant sur le respect de la biodiversité locale. Pour les forêts feuillues (châtaignier, chêne, érable, frêne, hêtre, merisier, entre autres), le recépage qui consiste à couper un arbre, dont les racines n’ont pas brûlées, à proximité du collet afin de provoquer l’apparition de rejets sur la souche et parfois de drageons (pousses issues de la racine d’un végétal qui peut devenir autonome et être replantée), a-t-il ajouté.
Du même avis, le chef de service de la protection de la faune et de la flore au niveau de la Conservation des forêts de Tizi-Ouzou, Mohamed Skandraoui, a également relevé que les actions à mener après ces incendies, seront déterminées par le comportement des espaces forestiers brûlés et leur capacité de régénération. En outre, il a souligné l’importance d’attendre la fin de la campagne de lutte contre les feux de forêts (fin octobre) et des opérations d’évaluation des dégâts des incendies, pour décider concrètement des volumes à reboiser. A propos des conditions nécessaires à la réussite de l’approche de gestion et de restauration des espaces incendiées, M. Alileche a observé qu’il «faut tout spécifier dans la démarche, arrêter des objectifs mesurables et être réaliste». Selon lui, «la prise en considération des spécificités de la région et des barrières de restauration ainsi que l’évaluation des risques d’échec face aux aléas du climat constituent le levier de toute cette approche de GRTI».
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