La révolution chinoise de 1949

C’est dans ce contexte très favorable qu’on a vu la diplomatie chinoise gagner en assurance et commencer à répliquer publiquement aux grossières attaques de sa consœur occidentale.

La crise sanitaire et économique entourant la Covid-19 a considérablement renforcé et accéléré cette tendance, la Chine étant parvenue à compenser rapidement les turbulences économiques qui ont secoué le commerce mondial à ces deux reprises.« La crise, c’est à la fois un danger et une opportunité », déclaraient il y a déjà une décennie les élites chinoises. Le danger actuel a rapidement été vaincu et ne restent plus que les opportunités… de voir le plan fondamental du PCC se réaliser à plus brève échéance qu’escompté initialement ! Dans impérialisme et anti-impérialisme, nous avions souligné que dès la fin des années 1970, grâce aux outils analytiques du marxisme-léninisme, Enver Hoxha avait « su prévoir précisément la voie que suivrait la Chine ». Dans son ouvrage L’impérialisme et la révolution, il remarquait ainsi que : Pour devenir une superpuissance » dans des conditions où « les colonies et les marchés dans le monde sont accaparés par les autres puissances », la Chine devrait traverser deux phases principales : « (…) d’abord, il lui faudra solliciter des crédits et des investissements à l’impérialisme américain et aux autres pays capitalistes développés, et en même temps acquérir de la technologie moderne pour mettre en valeur les ressources du pays, dont une grande partie passera, à titre de dividendes, aux créditeurs.

Ensuite elle investira la plus-value réalisée sur le dos du peuple chinois dans les Etats de divers continents, comme le font actuellement les impérialistes américains et les social-impérialistes soviétiques ». Il remarquait que l’établissement de liens étroits avec les pays impérialistes illustrait justement cette la première phase, et ajoutait que par la suite, à sa deuxième phase, l’impérialisme chinois ferait de grands efforts pour rassembler autour de lui « tous les pays du « tiers monde », « non alignés » ou « en voie de développement », afin de créer une grande force, qui non seulement accroîtra son potentiel dans son ensemble, mais l’aidera également à s’opposer aux deux autres superpuissances ». Le monde contemporain est précisément arrivé au point de basculement de la seconde phase où l’impérialisme chinois est en train de s’affirmer internationalement face à ses concurrents occidentaux en proie à des difficultés et à des contradictions internes et internationales aussi multiples qu’insurmontables.

Le « socialisme à la chinoise » tend à s’intégrer étroitement au marché mondial, hier en tant « qu’atelier du monde », et aujourd’hui en tant que son futur principal « centre d’innovation et de consommation » ! Telle est la portée historique des Nouvelles Routes de la soie autour desquelles est amenée à se construire la future division internationale du travail centrée autour du fringant et dynamique impérialisme chinois. Les marxistes-léninistes, sans se faire la moindre illusion sur le caractère inter-impérialiste de l’opposition Chine-Occident, ne peuvent pour autant pas renvoyer dos à dos les deux protagonistes et affirmer que la domination de l’un ou de l’autre bloc importe en définitive peu ou pas du tout aux peuples et au prolétariat international. Cette posture est en effet celle de nihilistes occidentaux qui s’attachent en fait à justifier la poursuite de la domination occidentale séculaire sur les affaires du monde…, ou bien celle de doux rêveurs qui pensent voir à brève échéance les peuples secouer leurs chaînes pour se libérer à la fois du colonialisme occidental et des (futures) chaînes pacifiques de l’esclavage salarié qui accompagneront la phase, désormais proche, de la libre expansion internationale du Capital financier chinois.

La Chine et ses alliés sont indéniablement dans leur droit de vouloir mettre un terme à la politique coloniale occidentale. Sous cet angle, ils défendent non seulement leurs propres intérêts économiques fondamentaux qui exigent l’extension sécurisée de leur sphère d’influence, mais aussi les aspirations légitimes de nombreux peuples de vivre débarrassés de cette épée de Damoclès. A l’étape actuelle de l’Histoire du développement du capitalisme, la Chine représente assurément le progrès vers le développement pour de nombreux pays si longtemps maintenus dans la plus complète arriération économique et misère par l’Occident, lequel incarne la réaction… avec des relents coloniaux et protectionnistes très prononcés ! Karl Marx aimait à dire en son temps que s’il se disait « l’ennemi du libre-échange », il ne se disait pas pour autant « l’ami du protectionnisme » : pour lui, le protectionnisme confinait d’ordinaire « à la réaction » car il freinait le développement des forces productives et donc des contradictions internes du capitalisme. « C’est seulement dans ce sens, révolutionnaire, disait-il, que je vote en faveur du libre-échange».

Qu’aurait-il ditdu protectionnisme ultra-agressif de la bourgeoisie US mise en œuvre sous l’administration Trump ? Aujourd’hui, les peuples et les travailleurs opprimés ne peuvent à l’évidence que voir d’un œil plus favorable l’émergence pacifique de l’impérialisme chinois face à la poursuite de la politique réactionnaire, aussi belliciste que protectionniste, du bloc impérialiste occidental. Non le capitalisme n’a pas encore atteint sa sphère de développement maximal, comme nous l’avons démontré il y a une décennie dans notre ouvrage Le Réveil du Dragon, les décennies à venir sous le leadership de l’impérialisme chinois promettent au contraire de lui donner une ampleur inédite dans nombre de pays dépendants coloniaux et semi-coloniaux dont l’économie est aussi arriérée que leur industrie est famélique. Et la promesse du développement du prolétariat en général et de la classe ouvrière en particulier est évidemment dans l’intérêt fondamental des peuples aspirant à leur future émancipation économique, politique et sociale.

La Chine essaie aujourd’hui de réaliser le capitalisme le plus parfait possible au moyen de sa connaissance des lois économiques du capitalisme. Mais un jour (c’est-à-dire dans un délai de l’ordre d’un demi-siècle ou plus !!!), les froides lois économiques de la production marchande n’en feront pas moins capoter ce projet. (A l’attention de ceux qui seraient intéressés par les multiples facettes de l’émergence de la Chine et le décryptage de ses enjeux passés, actuels et futurs, nous recommandons particulièrement l’ouvrage disponible en lien ci-dessus, ainsi que deux articles faisant le point sur les dernières victoires remportées par l’impérialisme chinois dans différents domaines au cours des dernières années et des derniers mois). Familiarisée avec certains enseignements et outils analytiques légués par le marxisme-léninisme auquel elle n’hésite d’ailleurs pas à rendre ponctuellement hommage, comme à l’occasion du bicentenaire de la naissance de Karl Marx en 2018, la bourgeoisie chinoise possède des caractéristiques uniques par rapport à sa consœur occidentale qui s’enorgueillit de ses mœurs dépravées et de sa culture dégénérée qu’elle n’hésite pas à décrire comme l’expression des « libertés » et de la « démocratie » occidentales dont la décomposition va pourtant crescendo.

Ci-dessous, le 4 mai 2018, le président chinois faisant face aux représentants du PCC dans la Grande Palais du Peuple célébrait le 200e anniversaire de la naissance de Karl Marx et rendait un hommage appuyé à la « pensée marxiste » qu’il définissait comme « un facteur clé » de la réalisation du « rêve chinois » et du « grand rajeunissement de la nation chinoise », ajoutant que la théorie de Karl Marx « brille encore de la lumière brillante de la vérité ». La bourgeoisie chinoise est d’abord caractérisée par une stratégie de développement à long terme, poursuivie indéfectiblement depuis maintenant quatre décennies et que les libéraux occidentaux prennent à témoin pour preuve de la « dictature communiste chinoise » à laquelle ils opposent leurs préjugés et slogans droit-de-l’hommiste pourris. Il est essentiel de souligner ici que sous le capitalisme les « droits-de l’homme » et la démocratie » ne se développement que parallèlement à l’accroissement de la richesse économique, en particulier dans les conditions de l’avènement de la « société de consommation » qui plonge dans la léthargie politique les larges masses travailleuses relativement privilégiées.

C’est-à-dire que l’existence et le développement des libertés bourgeoises sont conditionnés par une place privilégiée dans la division internationale du travail, place qui peut à l’occasion être garantie ou maintenue par les moyens les plus réactionnaires, hérités du fascisme et du colonialisme quand cela est nécessaire. La politique intérieure en apparence « démocratique » de l’impérialisme français a ainsi souvent eu pour corolaire une politique extérieure coloniale de type fasciste, comme en Algérie, à Madagascar et en Indochine ! La bourgeoisie chinoise se caractérise ensuite par un degré de cohésion et une discipline internes sans précédent dans l’Histoire de deux siècles de domination mondiale du capitalisme (la trahison des intérêts fondamentaux de la nation, dont la corruption est une manifestation, étant passible de la peine de mort), facteurs si essentiels pour « piloter » un siècle qui promet d’être le sien et ne pas être inquiétée par les tentatives de déstabilisation nationales et internationales désespérées de ses concurrents occidentaux.

La bourgeoisie chinoise possède enfin une intelligence sociale très développée : elle promeut activement l’ascension sociale qui pousse les enfants des familles modestes aux hautes études vitales pour le développement accéléré des sciences et techniques en Chine et elle tient aussi ses promesses de redistribution à l’égard des chinois les plus pauvres qui profitent aujourd’hui dans leur quasi-totalité d’une portion des fruits de quatre décennie d’une croissance économique aussi confortable qu’ininterrompue. Vis-à-vis des plus pauvres, elle veille également à se montrer humble, à l’écoute et jamais arrogante, faisant la promotion de l’exemplarité et répugnant à étaler trop ostensiblement sa richesse.

Ajoutons qu’en ce qui concerne le traitement des minorités ethniques, celles-ci ont systématiquement fait l’objet d’une discrimination positive qui les exclua par exemple de la politique de l’enfant unique mise en œuvre à l’égard de l’ethnie han dominante, politique qui fût l’un des facteurs ayant permis au jeune impérialisme chinois de disposer d’une main d’œuvre à bas coût mais bien formée. Sur le plan international, la bourgeoisie chinoise met en œuvre une diplomatie très intelligente, mêlant habillement souplesse et fermeté, s’attirant la sympathie des élites bourgeoises-compradore de nombreux pays dépendants en affirmant à tout va sa «fibre tiers-mondiste » et sa volonté d’instaurer une répartition internationale plus équitable de la plus-value, aux antipodes du pillage le plus éhonté et de la brutale politique occidentale coloniale de la terre brulée qui suscitent une opposition internationale de plus en plus forte.

(A suivre) Vincen Gouysse