Nouvelles conflictualités et les défis de la sécurité collective pour la construction de la paix

Synthèse

Cette contribution est une très brève synthèse de mon intervention au colloque international, ministère de la Défense nationale – Institut de Documentation, d’Evaluation et de Prospective : «Sécurité collective et nouvelles conflictualités : les défis contemporains de la construction de la paix», qui s’est tenu à Alger 8 janvier 2019 et dont l’intégralité a été produite dans revue IMDED-Alger «stratégie».

C’est que les enjeux futurs préfigurent d’importantes reconfigurations géopolitiques et géoéconomiques mondiales, dans la région méditerranéenne et sahélienne, nécessitant pour l’Algérie des stratégies d’adaptation.

1- Problématique de la sécurité collective
Aux antipodes de la sécurité par l’équilibre des puissances qui avait marqué le système international au XIXe siècle, la sécurité collective repose sur le «déséquilibre des forces». Ce système a d’abord été institutionnalisé, au lendemain de la Grande Guerre, par la Société des Nations (SDN), puis a été repris en 1945 par l’Organisation des Nations unies (ONU). Loin d’avoir donné les résultats que ses promoteurs avaient placés en lui, il marque néanmoins un tournant dans l’histoire des relations internationales. Une approche globale comme facteur d’adaptation selon les experts militaires est nécessaire se au nouveau contexte : la cohérence, l’anticipation, l’adaptabilité, la permanence, la «légitimation» et la «résilience». C’est que les crises internationales ont toujours concerné de nombreux acteurs. Mais traditionnellement, en dehors de l’organisation de sécurité collective à vocation universelle et à compétence générale qu’est l’ONU, leur gestion revenait avant tout aux États. Or de nombreux autres acteurs y participent désormais notamment les organisations non gouvernementales et les organisations d’intégration régionale.
On le constate, le champ est composé d’une multitude d’acteurs et d’approches qui implique de facto un morcellement des actions et une difficulté à avoir un impact significatif sur le terrain. De nombreuses études tentent de catégoriser les principaux acteurs de ces conflictualités émergentes. La plupart d’entre elles opposent les États, dotés de forces armées régulières, à des acteurs non-étatiques, laissant apparaître de nouveaux adversaires. Cette opposition, selon les experts en géostratégie entre États et acteurs non-étatiques, ne semble pas totalement satisfaisante car elle ne reflète pas l’ensemble des systèmes asymétriques. En effet, une typologie des acteurs ne peut se faire qu’en prenant en compte plusieurs critères : les motivations, l’organisation et les modes d’action. De nouvelles conflictualités sont apparues où leurs acteurs se caractérisent souvent par l’illisibilité de leur organisation, l’imprévisibilité de leurs actions multiformes qui privilégient la violence dûment mise en scène par la recherche du sensationnel et de la médiatisation.
Grâce aux nouvelles technologies et à leur prolifération non maîtrisée, ces conflictualités sont susceptibles d’utiliser toute la panoplie des capacités actuelles : armement sophistiqué, maîtrise de l’information, diversité des types d’agression (capacité d’exporter une menace n’importe où dans le monde), générant des menaces (cyber-délinquance, cybercriminalité, etc.) qui mettent en évidence l’insuffisance des systèmes de sûreté ou de substitution dans les sociétés modernes. En effet, les moyens modernes de communication facilitent l’expression libre et la circulation, via les réseaux, des idées les plus extrêmes, dans un but revendicatif, subversif ou prédateur. Elles peuvent atteindre tous les pans de la société : cohésion sociale, légitimité de l’autorité, pertinence du modèle économique, sociétal ou religieux. Ainsi véhiculées, les techniques d’«agression» de toutes natures se propagent, et contribuent d’autant plus à la fragilisation des «cibles» potentielles qu’elles s’appuient souvent sur l’image, support d’émotion et propice aux comparaisons.

2- Les défis contemporains pour la construction de la paix
La Construction pour la paix (CP) est un champ qui se développe rapidement et dont la valeur ajoutée est reconnue aux niveaux des institutions internationales, des Etats, de la société civile. Comme tout autre type de formation, la formation à la paix soulève de nombreuses questions auxquelles nous nous devons répondre afin de garantir sa qualité. Les défis politiques touchent à la relation entre la formation et la manière dont les parties externes s’engagent dans le règlement des conflits. Cela inclut leurs objectifs et leurs programmes. Les défis politiques comprennent également la relation entre les États, les organisations internationales et les sociétés civiles mondiale et locale et leur influence sur la formation. Il convient également de mentionner les défis politiques inhérents au processus d’apprentissage lui-même. Les défis politiques sont très étroitement liés au débat sur l’objectif de la formation à la paix, qui est de préparer des individus à avoir une influence positive sur le conflit. Les différents acteurs ont des points de vue disparates quant à la manière de réaliser cela le plus efficacement possible. Par conséquent, il existe parfois une tension entre, d’une part, les processus de paix traditionnels menés par les États (la diplomatie officielle) et par l’armée et, d’autre part, les processus engagés par des civils, qui résultent de traditions telles que la non-violence active et le dialogue à la base. Les deux approches luttent chacune à leur façon pour trouver des solutions aux problèmes contemporains de violence généralisée et de guerre.
Dans sa résolution intitulée Projet de programme mondial pour le dialogue entre les civilisations (A/56/L.3), l’Assemblée générale présente solennellement ce Programme mondial. Le dialogue entre les civilisations y est décrit comme un processus engagé entre les civilisations et en leur sein, fondé sur l’inclusion et le désir collectif de tirer enseignement d’hypothèses, de mettre en évidence les valeurs communes essentielles et d’y intégrer diverses perspectives. Au nombre des objectifs du dialogue énoncés dans le programme, figurent notamment la recherche de terrains d’entente entre les civilisations afin de relever les défis qui menacent les valeurs communes, les droits de l’Homme et les acquis de l’humanité dans divers domaines. Le dialogue entre les civilisations, est-il indiqué dans le Programme, peut contribuer à des progrès dans différents domaines dont la promotion du renforcement de la confiance aux échelons local, national, régional et international. Il est également précisé que la participation à ce dialogue doit inclure des membres de toutes les civilisations. Le programme d’action invite les Etats, le système des Nations unies et les organisations internationales et régionales ainsi que la société civile à mettre en œuvre notamment des programmes visant à développer le dialogue et la compréhension et à bannir l’intolérance, la violence et le racisme entre les peuples en particulier les jeunes.
Il invite également les gouvernements, les organismes de financement, les organismes de la société civile et le secteur privé à mobiliser les ressources nécessaires à la promotion du dialogue entre les civilisations. C’est que les conflictualités du monde contemporain et la solution finale la Paix, ne sont pas seulement économique ou sécuritaire, mais également et surtout ont pour essence une profonde crise morale devant se fonder sur une profonde rénovation de la perception du monde. Depuis que le monde est monde nos sociétés vivent d’utopie. Comme le dit l’adage populaire, l’espoir fait vivre. D’ailleurs, au niveau des sociétés, nous assistons à une pièce de théâtre où chacun a un rôle déterminé, les pouvoirs en place avec leurs cours et leurs discours contribuant à cette utopie. Les guerres et les révoltes sociales en sont le contrepoids. Les messages de paix, de tolérance fondés sur le dialogue productif, tant au niveau planétaire qu’au sein des sociétés, sont-ils des messages d’utopie ou seront-ils concrétisés dans un avenir proche pour éviter, par exemple, que la religion ne soit utilisée à des fins de tensions entre le monde musulman et l’Occident, préjudiciable à l’avenir de l’humanité qui a besoin de tolérance ? C’est que les guerres de religion ont fait recette – rappelons les guerres entre catholiques et protestants, la persécution des juifs – et l’on a pu, paradoxalement, utiliser ces termes antinomiques de «guerre sainte», alors que les livres saints ont pour fondement tolérance et respect d’autrui.
Or, depuis de longues années, je suis convaincu, avec de nombreux intellectuels de différentes sensibilités et nationalités, que la symbiose des apports du monde musulman et de l’Occident par le dialogue des cultures – Islam, Judaïsme et Christianisme étant des religions de tolérance, pour ne citer que ces grandes religions monothéistes –, devant respecter toute croyance de chacun, permettront d’éviter ces chocs de civilisations préjudiciables à l’avenir de l’humanité. En résumé, les enjeux économiques au XXIe siècle, seront déterminants pour avoir une influence dans els relations internationales. La promotion des synergies culturelles, économiques, politiques sont seules à même d’intensifier une coopération pour un développement durable ente le Nord et le Sud, et ce afin de faire de notre univers un lac de paix et de prospérité partagée d’où seront bannis l’extrémisme, le terrorisme et la haine.
Cela implique une paix durable au Moyen-Orient, ce berceau des civilisations où les populations juives et arabes partagent une histoire millénaire de cohabitation pacifique et d’atténuer par le dialogue les conflits à travers la planète. Avec le réchauffement de la planète, nous devrions assister à des impacts sur la sécurité alimentaire et à d’importants flux migratoires ; le problème de l’eau sera un enjeu majeur du XXIe siècle et la transition numérique et énergétique devrait recomposer le pouvoir économique mondial. Tous ces enjeux géostratégiques posent la problématique des liens dialectiques entre sécurité collective et développement, entre la morale des personnes chargés de gérer la Cité et le développement.
Professeur des universités Expert international
Abderrahmane Mebtoul