La lutte contre la corruption et la mauvaise gestion doit délimiter clairement les prérogatives des institutions de contrôle par des mécanismes de régulation transparents

Programme d’action du gouvernement

Le Gouvernement dans son programme, met en relief cinq chapitres en 79 pages et quatre pages en annexe tableaux , principaux agrégats économiques et sociaux : le chapitre 1 s’intitule consolidation de l’Etat et de droit et rénovation de la gouvernance ; le chapitre 2, pour une relance et un renouveau économiques ; le chapitre 3, pour un développement humain et une politique sociale renforcée ; le chapitre 4, pour une politique étrangère dynamique et proactive et enfin le chapitre 5, renforcement de la sécurité et de la défense nationale.

Cette présente contribution s’appesantit sur le chapitre 1, dans sa section 2.3, une gestion efficace et transparente des finances publiques et 2.4, la prévention et la lutte contre la corruption. En préconisant l’adoption d’un mode de règlement à l’amiable garantissant la récupération des biens détournés, sans compter la moralité, vouloir blanchir des personnes qui ont volé les deniers publics propriété de toute la Nation, contraire à un Etat de droit, le risque est de créer une névrose collective au niveau de la population et selon la majorité des experts juristes consultés, c’est presque une impossibilité pour les capitaux placés dans des paradis fiscaux, en actions ou obligations anonymes et dans la majorité des cas mis au nom de tierces personnes souvent de nationalités étrangères. Sans verser dans les règlements de compte, à ne pas confondre acte de gestion dont la dépénalisation est nécessaire et corruption, le contrôle, sur le plan politique passe par la démocratisation de la société et sur le plan technique la Cour des comptes, consacrée par la Constitution, devant jouer non comme rôle de coercition mais de prévention, est l’organe suprême contre la dilapidation des deniers publics.

1- Les intentions louables de moralisation de la gestion de la Cité, afin que ce rêve si cher à tous les Algériens, condition d’un Front national interne solide face tant aux tensions budgétaires, sociales internes, que géostratégiques à nos frontières s’appliqueront-elles sur le terrain ? Transparency International dans son rapport de janvier 2021 note que la frustration face à la corruption des gouvernements et le manque de confiance dans les institutions témoignent de la nécessité d’une plus grande intégrité politique devant s’attaquer de toute urgence au rôle corrupteur des grosses sommes d’argent dans le financement des partis politiques et à l’influence indue qu’elles exercent sur les systèmes politiques. L’ONG relève que «les pays où les réglementations sur le financement des campagnes sont complètes et systématiquement appliquées, ont un score moyen de 70 sur l’IPC, alors que les pays où ces réglementations sont soit inexistantes, soit mal appliquées n’obtiennent respectivement qu’une moyenne de 34 et 35».
Qu’en est-il du classement sur la corruption de l’Algérie ; 2004 : 97e place sur 146 pays ; 2010 : 105e place sur 178 pays ; ; 2015 – 88e sur 168 pays ; 2019 – 106e sur 180 pays, rapport de janvier 2021 pour 2020, 104e place sur 180 pays avec une note de 36 sur 100. Selon cette institution, internationale, une note inférieure à 3 signifie l’existence d’un «haut niveau de corruption, entre 3 et 4 un niveau de corruption élevé, et que des affaires saines à même d’induire un développement durable ne peuvent avoir lieu, cette corruption favorisant surtout les activités spéculatives.
Les différents scandales financiers en Algérie, qui touchent certains secteurs publics et privés, relatés chaque jour par la presse nationale, dépassent souvent l’entendement humain du fait de leur ampleur, encore que tout Etat de droit suppose la présomption d’innocence afin d’éviter les suspicions et les règlements de comptes inutiles. Il ne faut pas confondre la corruption, avec acte de gestion, la dépénalisation de l’acte de gestion que je réclame depuis de longues années, afin d’éviter de freiner les énergies créatrices, la définition du manager étant de prendre des risques, pouvant gagner ou perdre. Le cancer de la corruption démobilise la société par une méfiance généralisée et accentue le divorce Etat-citoyen.

2- Si l’on excepte la mauvaise gestion de certaines entreprises publiques qui accaparent une partie importante du financement public, il ne faut jamais oublier l’administration et les services collectifs dont les infrastructures qui également accaparent la mauvaise gestion des services collectifs. S’est-on interrogé une seule fois par des calculs précis le prix de revient des services de la présidence, du chef du gouvernement, des différents ministères et des wilayas et APC, de nos ambassades (car que font nos ambassades pour favoriser la mise en œuvre d’affaires profitables aux pays ), du coût des différents séminaires, et réceptions et commissions par rapport aux services rendus à la population algérienne ? A ce titre, il convient de se poser la question de l’efficacité des transferts sociaux souvent mal gérés et mal ciblés qui ne s’adressent pas toujours aux plus démunis. Il semble bien qu’à travers toutes les lois de finances, l’on ne cerne pas clairement les liens entre les perspectives futures de l’économie algérienne et les mécanismes de redistribution devant assurer la cohésion sociale, donnant l’impression d’une redistribution passive de la rente des hydrocarbures sans vision stratégique, bien qu’existe certaines dispositions encourageant l’entreprise.
Dans ce cadre, de la faiblesse de la vision stratégique globale, le système algérien tant salarial que celui de la protection sociale est diffus, et dans la situation actuelle, plus personne ne sait qui paye et qui reçoit, ne connaissant ni le circuit des redistributions entre classes d’âge, entre générations et encore moins bien les redistributions entre niveaux de revenus ou de patrimoine. C’est la mauvaise gestion et la corruption expliquent que le niveau des dépenses est en contradiction avec les impacts économiques et sociaux. De ce fait, le contrôle institutionnel dont la Cour des Comptes, organe suprême du contrôle selon la Constitution dépendante de la présidence de la République, en léthargie depuis de longues années, l’organe de lutte contre la corruption l’Inspection Générale des Finances (qui est juge et partie dépendant d’un ministre), sans parler des contrôles routiniers des services de sécurité, devra éviter les télescopages donc une cohérence et coordination. Mais le contrôle le plus efficace passe par une plus grande démocratisation, le contrôle populaire, l’APN et le Sénat devant en principe jouter un rôle de contrepoids par des critiques et propositions productives, ne devant pas servir d’anti chambre de l’exécutif.
L’efficacité du contrôle passe nécessairement par une lutte contre ce cancer, la bureaucratisation. Le bureau comme l’a montré le grand sociologue Max Weber étant nécessaire mais devant être au service de la société. Le terrorisme bureaucratique enfante la corruption. Et la sphère avec une intermédiation financière informelle réduisant la politique financière de l’Etat. Lors d’une conférences de presse, récemment, le président de la République a reconnu lui-même que faute d’un système d’information fiable, il est difficile d’évaluer le montant de la sphère informelle donnant entre 6 000 et 10 000 milliards de dinars circulant au niveau de cette sphère soit entre 33 et 47% du PIB. Dans ce cadre, l’intégration de la sphère informelle selon une vision cohérente, loin de toute vision bureaucratique autoritaire doit aller de pair avec par une participation plus citoyenne de la société civile et devant favoriser la légitimité de tout Etat du fait qu’elle permettra à la fois de diminuer le poids de la corruption à travers les réseaux diffus et le paiement des impôts directs qui constituent le signe évident d’une plus grande citoyenneté, l’élément fondamental qui caractérise le fonctionnement de l’Etat de droit étant la confiance.
On peut émettre l’hypothèse que c’est l’Etat qui est en retard par rapport à la société qui enfante ses propres règles qui lui permettent de fonctionner. La corruption est également favorisée par les produits subventionnés, la distorsion, de la cotation du dinar par rapport aux pays voisions, le trafic aux frontières lié à cotation du dinar sur le marché parallèle. La procédure est simple, je vous achète 1 euro vous me facturer 1,10 ou 1,20 euros et on partage et comme la différence avec le marché parallèle est de 50%, il y a encore une rente au niveau du marché intérieur où souvent le prix final s’aligne pour les produits importés sur le marché parallèle excepté les produits subventionnés.

3- Un autre facteur important pour le contrôle, un système d’information transparent et fiable est une condition fondamentale de tout contrôle. La crise mondiale actuelle a bien montré l’urgence de l’intervention des Etats du fait que les mécanismes de marché seuls ne garantissent pas la transparence et le développement. Or, une erreur de politique économique peut se chiffrer en pertes pour la Nation de plusieurs centaines, voire des milliards de dollars. Il existe des liens complexes entre le façonnement des comptes au niveau des entreprises et l’environnement et lorsqu’on invoque la mauvaise gestion, il y a lieu de bien cerner l’ensemble des causes internes et externes du résultat brut d’exploitation. D’où l’importance d’un système d’information transparent pour apprécier objectivement les performances. Car l’expérience montre souvent des amortissements exagérés par rapport aux normes internationales pour des unités comparables, le gonflement de la masse salariale qui éponge la valeur ajoutée, l’absence d’organigrammes précis des postes de travail par rapport au processus initial, gonflement démesuré des frais de siège qui constitue un transfert de valeur en dehors de l’entreprise avec prédominance des postes administratifs, comptabilités à prix courants de peu de signification ne tenant pas compte du processus inflationniste.
Et comme au niveau macro-économique, la production est production de marchandises par des marchandises, nous sommes dans le brouillard pour tester les performances individuelles surtout en absence de comptes de surplus physico-financiers à prix constants qui peuvent aider à suppléer à ces déficiences comme je l’avais suggéré à la présidence de l’époque en tant que haut magistrat premier conseiller et directeur général à la cour des comptes entre 1980/1983. Aussi il s’agit de bien spécifier les facteurs internes à l’entreprise des facteurs externes. Au niveau interne car beaucoup de gestionnaires rejettent la responsabilité sur les contraintes d’environnement en soulignant l’importance des créances impayées, force de travail inadaptée, blocage bancaire, infrastructures (logement, santé, routes) mais oublient d’organiser leurs entreprises. Combien d’entreprises publiques possèdent-elles la comptabilité analytique, les banques des comptabilités répondant aux normes internationales, afin de pouvoir déterminer leur efficience.
Combien d’entreprises établissent un budget prévisionnel cohérent du personnel, des achats, des ventes déterminant les écarts hebdomadaires, mensuels entre les objectifs et les réalisations, ces opérations budgétisées étant la base du plan de financement, sans compter la faiblesse des différents travaux comptables de base. Sans oublier l’urgence de la réforme bancaire, lieu de distribution de la rente, qui doit toucher la nature du système et pas seulement la rapidité de l’intermédiation financière par la numérisation (aspect purement technique), qui paradoxalement pourrait faciliter des détournements plus rapidement si l’on ne s’attaque pas à la racine du mal, l’absence d’observatoires de l’évolution des cours boursiers, de l’évolution du Dollar, du Yen et de l’Euro a pour effet négatif des prix à l’achat exorbitants en devises pour ne pas parler de surfacturations, gonflant la rubrique achat de matières premières du compte d’exploitation où bon nombre de produits comme le blé, le rond à béton… qui sont cotés journellement à la bourse ayant des incidences sur le niveau des réserves de change.
Dr Abderrahmane Mebtoul, Pr des universités, expert international