Le stress hydrique au Maghreb

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Historiquement, toutes les anciennes civilisations du monde ont commencé dans des régions disposant de ressources en eau, telles que les rivières ou les côtes. Par exemple, la civilisation de la Mésopotamie a débuté à l’Euphrate et au Tigre, celle de la Chine au Huang He et celle de l’Inde à l’Indus. Ce fait montre qu’ils dépendent réellement de l’eau dans leur vie quotidienne.

L’eau du fleuve est utilisée pour irriguer les zones agricoles, cuisiner, se laver et autres.D’après le livre d’Al-Mu’jam Al-Mufahras, l’eau ou « al-ma’ » en arabe a été mentionnée 63 fois dans le Coran. L’eau est très importante dans l’Islam. C’est une bénédiction d’Allah qui donne et soutient la vie, et purifie l’humanité et la terre. Elle est basée sur les mots d’Allah dans le verset 65 de la sourate al-Nahl : «Allah a fait descendre du ciel une eau avec laquelle Il revivifie la terre après sa mort. Il y a vraiment là une preuve pour des gens qui entendent». (Saint Coran, 16 : 65). En outre, Allah a dit que tous les êtres sont faits d’eau. Selon les recherches, la terre est recouverte de 3/4 d’eau et le corps humain contient 3/4 d’eau. Dans le verset 30 de la sourate al-Anbiyâ’ : «Ceux qui ont mécru, n’ont-ils pas vu que les cieux et la terre formaient une masse compacte ? Ensuite Nous les avons séparés et fait de l’eau toute chose vivante. Ne croiront-ils donc pas ? » (Saint Coran, 21 :30). Un autre verset décrit comment». Et Allah a créé d’eau tout animal. Il y en a qui marche sur le ventre, d’autres marchent sur deux pattes, et d’autres encore marchent sur quatre. Allah crée ce qu’Il veut et Allah est Omnipotent». (Saint Coran, 24 : 45). Ces versets soutiennent la théorie scientifique selon laquelle la vie a commencé dans les océans de la terre. Pénurie d’eau dans la région MENA L’eau a toujours été une source de risques et d’opportunités au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

Pourtant, l’évolution rapide des conditions socio-économiques, politiques et environnementales fait de la sécurité de l’eau un défi différent et plus urgent que jamais. La sécurité de l’eau signifie bien plus que de faire face à la rareté de l’eau. Cela signifie qu’il faut gérer les ressources en eau de manière durable, efficace et équitable. Cela implique également de fournir des services d’eau de manière fiable et abordable, de renforcer les relations entre les fournisseurs de services et les utilisateurs d’eau et de contribuer à un contrat social renouvelé. La région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord a une longue histoire de lutte contre la pénurie d’eau, mais l’impact du changement climatique a rendu le problème encore plus aigu. La gestion des ressources en eau est devenue une priorité absolue, car il faut trouver un équilibre entre la demande croissante, due au rythme rapide de l’urbanisation de la région, et la diminution des réserves d’eau naturelles. La sécurité de l’eau implique également d’atténuer les risques liés à l’eau, tels que les inondations et les sécheresses. La sécurité de l’eau est un objectif urgent, mais c’est aussi un objectif à portée de main. Il existe toute une série de solutions possibles aux problèmes de gestion de l’eau dans la région. Pour que ces solutions fonctionnent, des incitations claires sont nécessaires pour changer la manière dont l’eau est gérée, conservée et allouée.

Pour que ces solutions fonctionnent, les pays de la région devront également mieux faire participer les utilisateurs de l’eau, la société civile et les jeunes. L’échec des politiques visant à relever les défis liés à l’eau peut avoir de graves répercussions sur le bien-être des populations et la stabilité politique. La question stratégique pour la région est de savoir si les pays agiront avec prévoyance et détermination pour renforcer la sécurité de l’eau, ou s’ils attendront pour réagir aux inévitables perturbations des crises de l’eau. Le Maghreb manque d’eau Le changement climatique est devenu l’un des défis les plus importants et les plus complexes auxquels l’humanité est confrontée au XXIème siècle, et l’eau est au cœur de ses impacts. Cette situation est particulièrement grave dans les régions arides comme l’Afrique du Nord, où les ressources en eau sont déjà affectées par la variabilité du climat. En ce qui concerne le stress hydrique au Maghreb, Ali Chibani écrit dans Orient XXI. Les disponibilités en eau courante ont diminué de 60 % depuis quarante ans en Afrique du Nord. La modification de la pluviométrie liée au réchauffement climatique, le mauvais entretien du réseau et l’insuffisance d’infrastructures d’épuration sont en cause dans cette impasse inquiétante, qualifiée par les experts de stress hydrique. Dont les premières victimes sont les petits paysans de la région.

Le Maghreb est une région en grand stress hydrique, ce qui signifie que la demande en eau dépasse la quantité d’eau de qualité disponible. La Tunisie, l’Algérie, et le Maroc figurent tous sur la liste du World Resource Institute des 33 pays les plus stressés par l’eau dans le monde.iv Un récent rapport de la Banque mondiale a révélé que près de 40 % de la population algérienne est considérée comme stressée par l’eau, un chiffre qui s’élève à 66 % en Libye, 70 % au Maroc et 80 % en Tunisie. Les causes du stress hydrique sont à la fois naturelles et humaines. Le changement climatique fait partie de l’équation. Les températures augmentent à mesure que les précipitations diminuent, ce qui menace l’accès à l’eau et nécessite une irrigation accrue.vi Les sécheresses touchent particulièrement tous les pays du Maghreb en 2016. Les conséquences sont évidentes. Moins de précipitations signifie une baisse de la production économique, une perte de revenus pour les agriculteurs, des pertes d’emplois et une accélération de l’urbanisation. L’expansion de l’industrie, le vieillissement des infrastructures et une mauvaise gestion ont aggravé la pénurie croissante. Les aquifères souterrains s’assèchent, en partie à cause de l’extraction intensive par les industries à forte consommation d’eau. L’aquifère primaire de l’Algérie – l’aquifère du nord-ouest du Sahara – s’épuise à un rythme deux fois plus rapide que celui de la reconstitution des ressources.vii Souvent, les industries non seulement épuisent les ressources en eau mais polluent également les sources qui subsistent. La qualité de l’eau a diminué en même temps que l’approvisionnement, ce qui réduit encore l’accès des citoyens à une eau saine.

Afin de diversifier les sources d’eau, les pays du Maghreb ont augmenté leurs capacités de dessalement ces dernières années. Mais si le dessalement peut atténuer certains problèmes de pénurie d’eau à court terme, notamment pour l’eau potable, il est coûteux, gourmand en énergie et nécessite de transporter l’eau jusqu’aux points de consommation. En outre, les gouvernements devront gérer les impacts négatifs potentiels à long terme du dessalement sur les environnements marins. Alors que l’approvisionnement en eau a diminué au Maghreb, la demande en eau augmente. La quantité d’eau disponible par habitant a diminué dans tous les pays du Maghreb depuis l’indépendance. En partie, l’augmentation de la demande est simplement une question de mathématiques : La population des états du Maghreb a plus que doublé depuis 1975. Mais elle est également due à la structure des économies des états du Maghreb. L’agriculture consomme la grande majorité de l’eau dans la région et reste un moteur important de la production économique. Au Maroc, par exemple, l’agriculture emploie plus d’un tiers de la main-d’œuvre et constitue plus de 13% du produit intérieur brut (PIB). Dans les zones rurales, la dépendance de la production économique vis-à-vis de l’agriculture est encore plus forte. Même si l’Algérie produit principalement des hydrocarbures, elle dépend encore de l’agriculture pour environ 13% du PIB, qui emploie près de 13% de la main-d’œuvre.

En Tunisie, l’agriculture est également importante, puisqu’elle absorbe plus de 13% de la main-d’œuvre et représente 10% du PIB. Maroc Le Maroc est un pays qui manque d’eau et qui est confronté à la diminution des réserves d’eau souterraine et à une forte dépendance à l’égard de l’agriculture pluviale. Seulement 15% des terres agricoles totales sont irriguées, ce qui entraîne une utilisation et une gestion inefficaces de l’eau. De nombreuses communautés rurales dépendent d’une seule source d’eau pour subvenir aux besoins de leurs familles et à leurs moyens de subsistance. Au Maroc, les ressources en eau sont soumises à une pression accrue en raison de la combinaison de la croissance démographique, du développement économique et d’une forte diminution des précipitations. La disponibilité de l’eau au Maroc est passée de 3.500 m3 par personne et par an en 1960 à 1.000 m3 en 2000, et les prévisions indiquent qu’elle continuera à baisser pour atteindre 490 m3 en 2020, en dessous du niveau de «pénurie absolue d’eau» des Nations unies. Dans ce contexte de rareté, l’écart entre l’offre et la demande va s’accroître dans les prochaines années. Actuellement, la demande en eau au Maroc, estimée à 13,7 M (milliard de m3), est satisfaite par la mobilisation des eaux de surface (11,7 Mm3) et une surexploitation des eaux souterraines (2 Mm3).

En 2030, la demande en eau devrait augmenter pour atteindre 16,2 M/m3, et donc, si aucune mesure n’est prise, l’écart serait de 4,5 Mm3. Conscient de cette question urgente, le Maroc a mis en place une stratégie nationale basée sur le développement du secteur de l’eau autour de six composantes principales. L’un d’elles est la gestion et le développement de l’offre d’eau, qui consiste précisément à augmenter l’offre d’eau et à combler le déficit. Quels sont les projets mis en œuvre ? Les projets d’approvisionnement en eau prévus au Maroc sont des infrastructures de grande envergure, d’un coût de plusieurs millions de dollars, et devraient non seulement assurer une disponibilité durable de l’eau à l’avenir, mais aussi développer les activités industrielles, agricoles et touristiques des régions. Ces infrastructures sont principalement des barrages, des usines de dessalement et des usines de réutilisation des eaux usées. Barrages Le Maroc maintient sa «politique des barrages» , une politique de développement des ressources en eau axée sur la construction de barrages. Cette politique a permis de faire passer le nombre de grands barrages de 16 en 1960 à 128 en 2009, pour atteindre une capacité totale de réservoir de 11,7 Mm3. Aujourd’hui, le Maroc prévoit de construire trois nouveaux grands barrages par an d’ici 2030, afin de mobiliser 1.700 millions de m3 d’eau de surface supplémentaires par an. 15 barrages sont actuellement en construction, dont le barrage de l’Oued Martil (capacité de 120 Mm3).

(A suivre) Docteur Mohammed Chatatou