Urgence d’une nouvelle gouvernance

L’inflation galopante avec l’accélération de la détérioration du pouvoir d’achat, risque de déstabiliser le pays

,Le gouvernement doit agir vite et très vite, pour éviter d’inévitables tensions sociales qui se répercutent sur la sécurité nationale. Loin des bureaux climatisés, nos bureaucrates, qui se livrent à des discours d’autosatisfaction, qu’ils aillent faire le marché et rouler avec leurs propres voitures, devant mettre fin à ce carnaval des importations de voitures, pour constater les prix exorbitants des réparations, la voiture n’étant pas un luxe du fait de la déficience des moyens de transport et la situation économique et sociale est préoccupante.En ce XXIe siècle, une Nation n’étant forte que par son économie et l’adhésion de sa population, pourtant les potentialités, et elles sont énormes, pour surmonter la situation actuelle et faire de l’Algérie un pays pivot un de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine

1.- S’agissant d’un problème aussi complexe que celui de l’inflation, il me semble utile de préciser que qu’une analyse objective doit tenir compte de la structure et des particularités de l’économie à laquelle ils sont appliqués, les aspects de structures de l’économie internationale, de l’économie interne résultant de l’option de la stratégie de développement économique, aux schémas de consommation générés en son sein pour des raisons historiques, d’influences socioculturelles et aux composantes des différentes forces sociales pour s’approprier une fraction du revenu national. L’inflation atteint un niveau intolérable durant ce dernier semestre 2021, plus de 50% pour les fruits et légumes dont la pomme de terre, la laitue à 200 dinars le kg, certains produits alimentaires locaux et légumes secs importés, le prix de la viande de mouton dépassant les 1 700 dinars, celui du bœuf 2 000 dinars le kg, le foie à 3 500/4 000 dinars le kg, étant inaccessible au revenu moyen, le manger du pauvre la sardine plus de 800 dinars le kg pour ne pas parler d’autres poissons entre 2 000/3 000 dinars le kg, le poulet plus de 400 dinars le kg, entre 50/100% pour certains biens durables, et pièces détachées et voitures d’occasion, une parmi d’autres, des explications des nombreux accidents, assistant à une pénurie de certains médicaments, en plus des factures d’électricité, de l’eau, du loyer pour certains ménages, on peut se demander comment un ménage avec entre 30 000/50 000 dinars peut-il survivre surtout s’il vit seul en dehors de la cellule familiale qui par le passé grâce au revenu familial servait de tampon social ? Mais attention à la vision populiste : doubler ou tripler les salaires sans contreparties productives entraîne une dérive inflationniste, un taux supérieur à 20% qui pénalise surtout les couches les plus défavorisées, l’inflation jouant comme redistribution au profit des revenus spéculatifs. Ce blocage est lié à la gouvernance car selon les données officielles, le taux d’inflation cumulé entre 2000/2021 qui n’a pas été réactualisé depuis 2011, approche 100% entre 2000/2021 et on peut pondérer aisément à 50% donnant une détérioration du pouvoir d’achat d’environ 150% durant cette période. Nous assistons à une concentration excessive du revenu national au profit d’une minorité rentière où un fait nouveau, une partie de la classe moyenne commence à disparaître graduellement et à rejoindre la classe pauvre. L’action louable au profit des zones d’ombre serait un épiphénomène face à la détérioration du pouvoir d’achat de la majorité de la société. Les tensions sociales, tant qu’il y a la rente, sont atténuées artificiellement grâce aux recettes des hydrocarbures qui permettent des subventions et transferts sociaux représentant 23,7% du budget général de l’Etat et 9,4% du PIB pour l’exercice 2021, mais mal gérés et mal ciblés, qui ne profitent pas aux plus démunis. Dossier politique éminemment sensible avec des impacts socio-économiques, la mise en place de subventions ciblées suppose, à la fois, un système d’information fiable posant la difficulté de l’intégration de la sphère informelle (revenus informels) et une large concertation sociale pour éviter des remous sociaux qui ont des incidences politiques et sécuritaires. Quant aux caisses de retraites, véritable bombe à retardement, pour 2020, les perceptions ont atteint les 762 milliards de dinars et les dépenses dépassent les 1.400 milliards DA avec un déficit observé de l’ordre de 640 milliards DA avec une prévision de 700 milliards de dinars 2021. Pour environ 3,3 millions de retraités fin 2020 et le ratio de nombre de travailleurs cotisants pour un retraité est actuellement à 2/1 alors que le norme pour garantir la viabilité d’un système de retraite est d’au moins cinq actifs cotisants pour un retraité.

2.-Je recense cinq raisons au processus inflationniste intimement liées. Premièrement, la faiblesse de la gouvernance, l’absence de mécanismes de régulation d’ensemble, la responsabilité ne relevant pas seulement du Ministère du commerce, les actions punitives étant limitées, les lois économiques étant insensibles au slogans politiques, processus accélérée par le manque de coordination entre certains ministères.
Deuxièmement, la faiblesse du taux de croissance, résultant de la faiblesse de la production et de la productivité, l’Algérie selon le rapport de l’OCDE dépensant deux fois plus pour avoir deux fois moins d’impacts en référence au pays similaires. Sur les 2,9 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures annoncées par le ministère du Commerce, sans analyser la structure, les produits manufacturés et alimentaires dont le sucre représentent pour les huit premiers mois 2021, environ 600 millions de dollars, 80% étant des dérivées d’hydrocarbures et des produits semi-finis devant pour avoir la balance devises nette pour l’Algérie soustraire les matières premières importées en devises et les exonérations fiscales. Cela découle de la non-proportionnalité entre les dépenses monétaires et leur impact renvoyant à la corruption via les surfacturations, pour exemple une entrée en devises de plus de 1000 milliards de dollars entre 2000/2019 et une importation de biens et services environ 935 milliards de dollars pour une croissance dérisoire en moyenne annuelle de 2/3% alors qu’elle aurait dû dépasser 9/10% et pour 2020 une sortie de devises de 20 milliards de dollars pour une croissance négative de moins 6% espérant 3% pour 2021 mais un taux de croissance se calcule par rapport à la période précédente ainsi 3% rapporté à un taux négatif de 6% donne entre 0-1% largement inférieur à la pression démographique, plus de 44 millions d’habitants au 01 janvier 2021, où il faut pour réduire les tension sociales créer 350 000/400 000 emplois productifs par an, non des emplois rente, qui s’ajoute au taux de chômage actuel. L’amélioration du solde de la balance commerciale n’est pas significative dans cette conjoncture actuelle car on ne peut tout restreindre, quitte à étouffer tout l’appareil productif qui selon les organisations patronales fonctionne à peine à 50% quitte à aller vers une implosion sociale avec un taux de chômage qui avoisine 15% en 2021, mais beaucoup plus élevé si l’on pondère par les emplois improductifs et touchant particulièrement les diplômés. En cas de baisse drastique des réserves de change entre 10/15 milliards de dollars, contre 48 milliards de dollars fin 2020, 44 entre avril/mai 2021 et 194 milliards de dollars le 01 janvier 2014 qui tiennent la cotation du dinar algérien à plus de 70%, la Banque d’Algérie sera contrainte de dévaluer le dinar officiel à environ 200/220 dinars un euro avec une envolée du cours sur le marché parallèle qui fluctue en fonction du taux d’inflation d’environ 300 dinars un euro minimum.
Troisièmement, la dévaluation du dinar qui influe sur le prix international des produits importés finis, semi finis et équipements, 85% des matières premières des entreprises publiques et privées étant importées, le taux d’intégration ne dépassant pas 15%. Le prix final au consommateur est amplifié par la dévaluation drastique du dinar qui est passé de 76/80 dinars un dollar vers les années 2000/2004 et à 136,3867 dinars un dollar et 161,2601 dinars un euro le 16 septembre 2021, avec un cotation sur le marché parallèle malgré la fermeture des frontières dépassant les 210 dinars un euro. La loi de Finances 2021 prévoit, pour 2022, 149,32 DA pour 1 USD et pour 2023 verrait donc la dévaluation de la monnaie nationale se poursuivre avec 156,72 dinars un dollar ce qui rend sceptiques les investisseurs créateur de valeur ajoutée à moyen terme, face tant à l’instabilité juridique que monétaire, spéculer étant plus rentable que réaliser un projet. Cette dévaluation permet d’augmenter artificiellement la fiscalité hydrocarbures (reconversion des exportation hydrocarbures en dinars) et la fiscalité ordinaire (via les importations tant en dollars qu’en euros convertis en dinar dévalué), cette dernière accentuant l’inflation des produits importés (équipements), matières premières, biens finaux, montant accentué par la taxe à la douane s’appliquant à la valeur dinar, étant supportée en fin de parcours, par le consommateur comme un impôt indirect, l’entreprise ne pouvant supporter ces mesures que si elle améliore sa productivité. L’effet d’anticipation d’une dévaluation rampante du dinar a un effet négatif sur toutes les sphères économiques et sociales dont le taux d’intérêt des banques qui devraient le relever de plusieurs points, s’ajustant aux taux d’inflation réel, freinant à terme le taux d’investissement à valeur ajoutée et par la déthésaurisation des ménages qui mettent face à la détérioration de leur pouvoir d’achat des montants importants sur le marché, alimentant l’inflation, plaçant leur capital-argent dans l’immobilier, l’achat d’or ou de devises fortes pour se prémunir contre l’inflation.
Quatrièmement, les effets du financement non conventionnel qui se manifestent qu’au bout de deux à trois ans. Les gouvernements précédents avaient amendé l’article 45 de la loi sur la monnaie et le crédit en recourant à la planche à billets, sans introduire, comme je l’ai suggéré, l’institutionnalisation dans cette loi, d’un comité de surveillance, composé d’experts indépendants, pour éviter toute dérive. Outre la couverture des besoins du Trésor, le financement non conventionnel était destiné au remboursement de la dette publique interne, notamment les titres de l’Emprunt national pour la croissance, levé en 2016, ainsi que les titres émis en contrepartie du rachat de la dette bancaire de Sonelgaz et ceux émis au profit de Sonatrach, en compensation du différentiel sur les prix des carburants importés et de l’eau dessalée. Sur les 6 556,2 milliards (mds) de dinars mobilisés jusqu’en janvier 2019 par le Trésor public auprès de la Banque d’Algérie, dans le cadre du financement non conventionnel, un reliquat de 610,7 mds de dinars restait à consommer d’ici à la fin 2019.
(Suite et fin)
Dr AbderraIhmane Mebtoul
Professeur des universités