Les mesures proposées dans le plan d’action du Gouvernement concernant la récupération les transferts illicites de capitaux posent un problème de moralité et sont irréalisables

Economie

,Le gouvernement dans son programme, met en relief cinq chapitres en 79 pages et quatre pages en annexe et dans le chapitre 1, section 2.3, une gestion efficace et transparente des finances publiques et 2.4, la prévention et la lutte contre la corruption. Dans son programme le gouvernement se propose de récupérer les transferts illicites de capitaux, par un accord à l’amiable, ne devant pas confondre le capital argent dans la sphère informelle avec le vol. Aucun pays du monde n’a blanchi des voleurs condamnés par la justice, et que dire de ces milliers de condamnés pour de petits vols, mesures qui discrédité l’Etat de droit par son immoralité, alors que le pouvoir parle de mobiliser la population face aux tensions géostratégiques et budgétaires, d’autant plus ces transferts illicites sont difficilement récupérables pour ceux placées dans des paradis fiscaux et avec des procédures judiciaires complexes pour les biens lisibles. Ne devant pas confondre acte de gestion dont la dépénalisation est nécessaire et corruption, le contrôle sur le plan politique passe par la démocratisation de la société et sur le plan technique la Cour des comptes, consacrée par la Constitution, organe suprême contre la dilapidation des deniers publics, en berne pour des raisons politiques depuis de longues années, devant jouer non comme rôle de coercition mais de prévention, comme dans tous les pays à Etat de Droit, au moyen de recommandations opérationnelles pour les plus hautes autorités du pays. Dans plusieurs rapports la banque d’Algérie faisait état de dizaines de milliards de DA d’infractions de change (pénalités) constatées par les services des douanes et les officiers de la police judiciaire. Ces problèmes ne sont pas nouveaux, et ont été déjà soulevés par le passé, puisque les conditions de transfert de capitaux en Algérie pour financer des activités économiques et rapatriement de ces capitaux et de leurs revenus ont été prévues dans le Règlement de la Banque d’Algérie n°90-03 du 8 septembre 1990 (loi sur la monnaie et le crédit) puis par le Règlement n°95-07 du 23 décembre 1995 modifiant et remplaçant le règlement n°92-04 du 22 mars 1992 relatif au contrôle des changes et l’article 10 de l’Ordonnance 96-22 du 9 juillet 1996 relative à la répression des infractions à la législation des changes et des mouvements de capitaux vers l’étranger. Rappelons également, le 11 août 2012, le ministère des finances par un tapage médiatique annonçait un décret exécutif numéro 12/279 portant institution d’un fichier national des fraudeurs ou contrevenants à la réglementation de change et mouvement de capitaux a été publié au dernier Journal officiel. Ce décret exécutif fixait pourtant les modalités d’organisation et de fonctionnement du fichier national des contrevenants en matière d’infraction à la législation et à la réglementation des changes et des mouvements de capitaux et vers l’étranger. Devait être instituée auprès du ministère des Finances et de la Banque d’Algérie, une banque de données dans laquelle serait enregistrée toute personne, physique ou morale, résidente ou non-résidente, ayant fait l’objet d’un procès-verbal de constat d’infraction à la législation et à la réglementation des changes et des mouvements de capitaux vers l’étranger.
Le Comité national et local des transactions, l’Inspection générale des finances, les directions générales des changes de la Banque d’Algérie, des douanes, des impôts, de la comptabilité, l’agence judiciaire du Trésor, la cellule de traitement du renseignement financier et le ministère du Commerce étaient les structures et institutions qui peuvent accéder au fichier. Qu’en est-il de l’application de toutes ces ordonnances et décrets ? L’Algérie a été destinataire de plusieurs rapports internationaux concernant la fuite des capitaux qui constitue une atteinte à la sécurité nationale. Ces sommes sont issues de diverses opérations liées à la corruption, l’évasion fiscale et aux opérations délictuelles réalisées en Algérie. Mais ces transferts illicites ne tiennent pas compte des différentes commissions versées à l’étranger par des groupes internationaux en échange de contrats publics ou de surfacturation de produits et services pour les opérateurs privés/publics, ni des sommes transférées légalement par les multinationales implantées en Algérie pour contourner les lois économiques et souvent placées dans des paradis fiscaux ou par l’achat immobiliers à travers le monde sous des prêtes noms. Bien que la présomption d’innocence soit reconnue par la Loi, pourtant image désolante de l’Algérie avec tous ces noms d’Algériens, souvent mis en index dans la presse internationale pour malversation ou de biens détenus à l’étranger. Comme conséquence une véritable crise de confiance entre l’Etat et le citoyen à qui on demande des sacrifices avec l’actuelle rigueur budgétaire. La lutte contre ce fléau qui menace la sécurité nationale passe forcément par plus de moralité, le renouveau du système d’information au temps réel, un véritable management stratégique lié à un véritable Etat de droit. Sans vision stratégique, le risque c’est le retour à une économie administrée où l’Etat voudrait tout contrôler bureaucratiquement sans la mise en place de mécanismes économiques transparent, la délivrance des licences prévues dans les accords internationaux devant être transitoires et surtout transparents, faute de quoi cela accentuera les la méfiance, les transferts et la corruption.
Le problème qui se pose pour l’Algérie est donc beaucoup plus profond et interpelle toute la politique socio-économique de l’Algérie et son adaptation au nouveau monde, étant, par ailleurs, liée à bon nombre d’accords internationaux, afin de se prémunir de litiges inutiles et coûteux, tout en préservant ses intérêts propres. Il y a urgence de mécanismes de contrôle démocratiques (Parlement notamment), de réactiver la Cour des comptes, devant éviter des affirmations sans preuve et des procès annoncés en fanfare, qui se terminent en queue de poisson, discréditant la justice algérienne et surtout la création de plusieurs institutions de contrôle dépendants de l’exécutif (étant juge et partie) qui se neutralisent en fonction des rapports de forces.
Les montants des surfacturations se répercutent normalement sur les prix intérieurs (les taxes des douanes se calculant sur la valeur du dinar au port surfacturé) donc supportés par les consommateurs algériens. Les transferts de devises via les marchandises sont également encouragés par les subventions généralisées mal ciblées, bien que servant de tampon social, source de gaspillage étant à l’origine des fuites des produits hors des frontières que l’on ne combat par des mesures bureaucratiques. Et d’une manière générale, la gestion administrative (flottement administré) du taux de change du dinar a intensifié les pratiques spéculatives. Les surfacturations dues à l’utilisation de la distorsion du taux de change entre l’officiel et le marché parallèle sont difficiles à combattre s’expliquant par l’incohérence de la politique du taux de change du gouvernement. Et comment pénaliser, la majorité des ménages algériens face à une allocation de devises dérisoire, moins de 150 euros qui se portent demandeur sur le marché parallèle de de vises tolérée par l’Etat, soit pour se soigner ou acheter des biens, face à la restriction des importations, et pour l’achat de matières premières pour certaines entreprises privées.
Comme j’ai eu à le souligner dans maintes contributions depuis des années, l’importance de la dépense publique entre 2000/2021, où les départements ministériels ont été dépourvus d’organes de suivi et de contrôle des projets, la désorganisation du commerce intérieur avec la dominance de la sphère informelle à dominance marchande, tissant des relations dialectiques avec la logique rentière avec des structures oligopolistiques, quelques centaines de personnes contrôlant une grande partie de cette masse monétaire où tout se traite en cash ont accentué la mauvaise gestion et les surfacturations. Je réitère la proposition que j’ai faite en 1983 lorsque je dirigeais les départements des études économiques et des contrats, en tant que haut magistrat, premier conseiller à la Cour des comptes, chargé du dossier surestaries, pour la présidence de l’époque, (programme anti-pénurie) d’une structure, chargé d’un tableau de la valeur en temps réel, sous la direction du Premier ministre, qui n’a jamais vu le jour car dérangeant les forces rentières. Car ces transferts illicites de capitaux ne peuvent se faire sans la complicité extérieure. Car s‘il y a des corrompus, il y a forcément des corrupteurs. Pour se prémunir, l’Algérie doit se mette en réseaux avec les sociétés étrangères d’inspection avant expédition (SIE) dans le cadre de l’accord Inspection Avant Expédition (IAE) dans le cadre du GATT et repris par l’OMC ? Comme il sera utile une collaboration étroite entre les services de renseignements qui se spécialisent de plus en plus dans l’économique, (USA-Europe/Chine notamment où l’Algérie effectue plus de 80% de ses échanges. L’Algérie devra également collaborer avec le TRACFIN (traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins), ce service français chargé d’enquêter sur toute présomption de soupçon en matière de fraude financière étant en mesure de fournir toutes les preuves matérielles impliquant des algériens dans ce genre d’opérations de transfert illicite de devises étrangères. Mais l’Algérie doit avant tout faire le ménage au sein de l’économie algérienne en mettant en place de nouvelles méthodes de gestion tant dans les administrations (méthode de rationalisation des choix budgétaires) que dans les entreprises (comptabilité analytique). Les différents ministères n’ont pas, dans la majorité de leurs secteurs, de management stratégique de suivi des projets réalisés par les étrangers ce qui accentue les surcoûts exorbitants et parfois des délits d’initiés. La direction de la douane algérienne, a demandé par le passé notamment à l’Europe et à la Chine naïvement, de leur communiquer les tarifs, pour dénoncer leurs opérateurs qui sont également complice de surfacturations. Or, il faut s’attaquer à l’essence la réforme du système financier qu’aucun gouvernement via le ministre des Finances depuis l’indépendance politique n’a pu réaliser car enjeu énorme de pouvoir, nécessitant la mise en place d’un système d’information reliés aux réseaux internationaux permettant des interconnexions, Ministère des Finances (banques- douanes- fiscalité), les ports/ aéroports, et les entreprises publiques/privées pour lutter contre les surfacturations et les trafics de tous genres, produits de mauvaises qualités ou périmés, ayant constaté parfois des produits dans les conteneurs ne correspondant pas aux déclarations, rappelons-nous le cas du gravier dans les conteneurs au lieu des produits Comme je le rappelais déjà en 2013 (voir mes interviews sur ce sujet à l’Agence France Presse – AFP- 4 août 2013 et à Radio France Internationale 6 août 2013 «l’Algérie et les transferts illicites de capitaux»), il reste beaucoup à faire pour que nos responsables s’adaptent aux arcanes de la nouvelle économie, où se dessinent d’importants bouleversements géostratégiques mondiaux, croyant que l’on combat la fuite des capitaux à partir de commissions et de circulaires, ignorant tant les mutations mondiales que la morphologie sociale interne, en perpétuelle évolution existe une relation dialectique entre sécurité et développement.

En conclusion, en préconisant l’adoption d’un mode de règlement à l’amiable garantissant la récupération des biens détournés, le risque est de créer une névrose collective au niveau de la population et selon la majorité des experts juristes consultés c’est presque une impossibilité à plus de 80% pour les capitaux placés dans des paradis fiscaux, en actions ou obligations anonymes et dans la majorité des cas mis au nom de tierces personnes souvent de nationalités étrangères( voir notre interview au quotidien gouvernemental Horizondz 12/09/2021). Rappelons-nous les fonds du FLN dans certains comptes spéciaux, durant la guerre de libération nationale dont une grande partie n’ont jamais pu être récupérés. Ne devant pas compter pour récupérer la majorité de ces fonds illicites à l’étranger en devises, à l’avenir, et supposant de surcroit que l’Algérie ait adhéré aux conventions internationales, préparons l’avenir car c’est par la mise en place des mécanismes transparents, passant par une nouvelle gouvernance, l’implication du citoyen et la moralité de ceux qui dirigent la Cité, que l’on évitera que les pratiques du passées ne se reproduisent plus.
Abderrahmane Mebtoul
Professeur des universités
Expert international