Afin d’éviter les erreurs du passé, et conduire le pays à l’impasse

Action du gouvernement

,En ces moments de hautes tensions géostratégiques, financières et sociales, avec la hausse du taux de chômage et de l’inflation en 2021 que l’on ne combat pas avec des slogans ou des décrets, les lois économiques étant insensibles aux slogans politiques, il devient impérieux d’éviter les errements du passé par le pilotage à vue sans objectifs stratégiques. Du fait de la mentalité rentière de certains responsables, face aux nouveaux enjeux mondiaux et aux tensions internes budgétaires et sociales, s’impose un discours de vérité, loin de la démagogie.

Or, combien de fois nous n’avons pas attiré l’attention depuis de longues années sur les dérives de la politique économique mais avons-nous été écoutés ? (voir www.google.com 1980/2021). Je souhaite que nos responsables évitent six mythes qui ont conduit le pays à la situation actuelle, malgré ses importantes potentialités

1.- Premier mythe à éviter, prévoir un développement sans bonne gouvernance. Les scandales financiers mis en plein jour, ayant existé par le passé mais de moindres dimensions, relatés ces dernières années montrent clairement que certains dirigeants n’étaient pas mus par les intérêts supérieurs du pays. Or, sans un retour à la confiance et la moralité des dirigeants, cette société anémique comme l’a mis en relief le grand sociologue maghrébin Ibn Khaldoun, il est illusoire de parler de développement et d’un Front intérieur poudrant indispensable en faveur des réformes qui seront douloureuses à court terme mais porteuses d’espoir à moyen terme. L’annonce de l’amélioration de la balance commerciale, pour 2021 ne relèvent pas d’une bonne gestion mais de la réduction drastique des importations qui ont paralysé bon nombre de secteurs. C’est comme dans un ménage où la réduction de la nourriture entraine des maladies mais cette fois sur le corps social. Le taux de croissance du produit intérieur brut PIB dépend fondamentalement via la dépense publique de l’évolution du cours des hydrocarbures, le taux d’intégration des entreprises publiques et privées ne dépassant pas les 15%, plus de 95% étant des entreprises unipersonnelles ou de petites SRL peu innovantes, qui détermine à la fois le taux de croissance, le taux d’emploi et les réserves de change. Les 2,9 milliards de dollars d’exportation hors hydrocarbures pour les huit premiers mois , 2021, annoncés par le ministère du Commerce ne doivent pas faire illusion, 70/80% étant des dérivées d’hydrocarbures ou des produits semi-bruts, les produits manufacturés et les produits alimentaires représentant environ 600 millions de dollars et devant pour avoir la balance devises nettes pour l’Algérie, soustraire les matières premières importées en devises et les exonérations fiscales. L’Algérie ne peut continuer à fonctionner sur la base d’un cours supérieur à 100 dollars le baril, où selon le FMI le cours budgétaire inscrit dans les différentes lois de finances tantôt 30 ou 40 dollars étant un artifice comptable, le prix d’équilibre était estimé de 104,6 dollars en 2019 et à plus de 110 dollars pour les lois de Finances 2020/2021. Les tensions sociales, tant qu’il y a la rente, sont atténuées artificiellement grâce aux recettes des hydrocarbures qui permettent des subventions et transferts sociaux représentant 23,7% du budget général de l’Etat et 9,4% du PIB pour l’exercice 2021, mais mal gérés et mal ciblés.

2.-Deuxième mythe : création de millions d’emplois sans réformes ni rigueur budgétaire. A la lumière des données officielles on constate un gaspillage important des ressources financières. Selon le rapport du Premier ministère en date du 01 janvier 2021, repris par l’APS, durant les 30 dernières années, l’assainissement des entreprises publiques a nécessité environ 25 milliards de dollars dont plus de 80% sont revenus à la case départ, entre 2005/2020, la réévaluation des projets a coûté plus de 8.900 milliards de dinars, soit au cours moyen de 130 dinars un dollar le montant faramineux de 68,5 milliards de dollars, chiffre avancé par le Premier ministre, ministre des Finances, qui répondait aux questions des députés de l’APN dans le cadre du débat du Plan d’action démontrant une non-maitrise dans la conduite des projets : mauvaise gestion et corruption En 2021 directement et indirectement les exportations 98% des entrées en devises sont représentées par les hydrocarbures et ses dérivées, montrant que le blocage est d’ordre systémique. Le déficit budgétaire qui selon la LF2021, serait de 21,75 milliards de dollars au cours de 128 dinars un dollar, cotation au moment de l’élaboration de cette loi, et un déficit global du trésor prévu de 28,26 milliards de dollars.
La croissance a été négative d’au moins 5/6% en 2020 et les prévisions de 2021 se calculent par rapport à la période précédente, un taux de croissance négatif en To par rapport à un taux de croissance positif en T1 donne une croissance cumulé faible environ entre 0 et 1% en termes réels en 2021.
En ce mois de septembre 2021, nous avons un tissu productif interne privé et public , peu performant, le taux d’intégration ne dépassant pas 15% où selon l’ONS plus de 80% du tissu économique est constitué d’unités personnelles ou de petites SARL peu innovantes. Il est utopique de créer en 2021, comme, annoncé, le 12/01/2021au Forum Ech Chaab par un Ministre Délégué auprès du Premier ministère, entre 1 et 2 millions d’entreprises par décrets, soit pour dix emplois par entreprises la création entre 10 et 20 millions d’emplois alors que la majorité des entreprises existantes sont en sous activité et qu’ un projet PMI/PME pour sa maturation et sa rentabilité , répondant aux normes couts/qualité, dans le cadre concurrentiel nécessitant au minimum deux/trois années et pour les grands projets 5/7 ans. Et se pose cette question avec quel financement relancer les entreprises actuelles et impulser de nouveaux projets sans puiser dans les réserves de change si on exclut l’endettement extérieur.

3.-Troisième mythe des solutions purement monétaristes, comme la solution miracle de la dévaluation du dinar pour dynamiser les exportations hors hydrocarbures. Pour faire face aux tensions financières, vision purement monétariste, source d’inflation en cas de non création de valeur ajoutée, nous assistons à une dévaluation accélérée qui ne dit pas son nom de la cotation du dinar officiel du dinar où le 21 septembre 2021, un dollar s’échange à plus de 136 dinars. L’inflation sera de longue durée dans la mesure où la loi de finances 2021 prévoit, pour 2022, 149,32 DA pour 1 USD et pour 2023 l’on verrait donc la dévaluation de la monnaie nationale se poursuivre avec 156,72 dinars pour un dollar ce qui rend sceptiques les investisseurs créateurs de valeur ajoutée à moyen terme, face tant à l’instabilité juridique que monétaire, spéculer étant plus rentable que réaliser un projet.
La dépréciation du dinar par rapport au dollar et l’euro a pour but essentiel de combler artificiellement le déficit budgétaire, non articulé à un véritable plan de relance économique et donc assimilable à un impôt indirect que supporteront les consommateurs algériens. Cette cotation du dinar est donc fortement corrélée au niveau de production et productivité et dans une économie rentière aux réserves de change qui ont évolué du 01 janvier 2014 à 194 milliards, selon le plan d’action du gouvernement ayant clôturé à 48 milliards de dollars au 31/12/2020 et à environ 44 entre avril/mai 2021. Dans ce cadre, il s’agira d’éviter d’appliquer des schémas de pays développés comme le financement non conventionnel 16 milliards de dollars prévus en 2021, où les recettes keynésiennes de relance de la demande globale applicables à une économie productive structurée, alors que l’Algérie souffre de rigidités structurelles et de la faiblesse de l’offre.

4.-Quatrième mythe, l’intégration de la sphère informelle par des mesures bureaucratiques. Cette sphère, contrôlant plus de 50% de l’activité économique, où selon la Banque d’Algérie entre 2019/2020, la masse monétaire en dehors du circuit bancaire, a atteint 6140,7 milliards de dinars, soit une hausse de 12,93% par rapport à 2019, le président de la république en mars 2021 ayant annoncé entre 6000/ 10.000 milliards de dinars, entre 33 et 47% du PIB, ayant dénoncé le manque d’informations fiables qui faussent toute prévision. Faute de la compréhension du fonctionnement de la société, l’on croit combattre par des actions bureaucratiques, expliquant tous les résultats mitigés de cette intégration. Ainsi, malgré tout un tapage publicitaire, l’argent capté à travers la finance islamique selon les données du Premier ministre devant le Parlement pour un montant dérisoire de 10 milliards de dinars, une soit rapporté à 6140 milliards de dollars donnant 0,16% ( voir le poids de la sphère informelle et ses incidences géostratégiques au Maghreb étude du professeur Abderrahmane Mebtoul réalisée pour l’institut français des relations internationales IFRI-Paris décembre 2013 et revue stratégie du Ministère de la défense nationale IMDEP octobre 2019).

5. Cinquième mythe, le développement des start –up et de la privatisation comme facteur de développement, sans visions stratégique. L’expérience des pays développés montre que la rentabilité des star -up est fonction d’institutions et d’entreprises performantes. Evitons de renouveler les expériences négatives de l’ANSEJ que selon un rapport officiel 2020, plus de 70% des projets, des jeunes promoteurs, sont en difficultés ou en faillite, ne pouvant pas rembourser les emprunts bancaires. Comme le développement des start- up nécessitent un fort débit d’internet qui fait cruellement défait et leur succès dépend de la 5G afin de maîtriser de l’intelligence artificielle, non encore mise en place. Concernant la privatisation sans réformes structurelles même partielle via la Bourse d’Alger peut, conduire au bradage du patrimoine national où le constat est l’absence de titres de propriétés clairs, des comptabilités défectueuses, des sureffectifs, des banques qui croulent sous le poids des créances douteuses et le déficit structurel de la majorité des entreprises publiques processus. Elle ne peut intervenir avec succès que si elle s’insère dans le cadre d’une cohérence et visibilité de la politique socio- économique globale, que si elle s’accompagne d’un univers concurrentiel et un dialogue soutenu entre les partenaires sociaux. C’est un acte éminemment politique et non technique ne devant pas confondre privatisation et démonopolisation, qui est l’ encouragement d’investisseurs privés nouveaux ou le partenariat public privé PPP s’appliquant surtout aux infrastructures, où l’Etat reste le maitre d’œuvre.

6.-Sixième mythe, l’exportation des matières premières brutes comme facteur de développement. La filière mines à travers toute l’arbre généalogique est contrôlée au niveau mondial par quelques firmes avec d’importantes restructurations ces dernières années.

Professeur des universités
Expert international
Dr Abderrahmane Mebtoul