Les mesures de partenariat public-privé et l’ouverture du capital des entreprises publiques permettront-elles de relancer une économie en berne ?

Economie

La libéralisation maîtrisée afin d’éviter un bradage du patrimoine public, un monopole privé plus néfaste qu’un monopole public, suppose une totale transparence dans la mise en œuvre et complexe de la transition d’une économie étatisée bureaucratisée, à une économie de marché concurrentielle à finalité sociale, une opération éminemment politique portée par de nouvelles forces sociales. Il faut préciser qu’il ne faut pas confondre le partenariat public-privé avec l’ouverture du capital des entreprises publiques. Une privatisation est la vente ou cession par l’État au secteur privé d’une partie ou de la totalité d’une entreprise publique. Dans le cadre d’un PPP, l’État verse une somme au secteur privé en contrepartie de l’offre de service et de la prise en charge éventuelle de la construction et de la gestion des infrastructures. La privatisation suppose que le secteur privé soit le seul responsable d’assurer les services, alors qu’avec un PPP, l’État conserve son rôle de responsable envers les citoyens et reste présent dans le projet étant donné qu’il fait partie du contrat. Comme il ne faut pas confondre privatisation avec démonopolisation qui consiste à favoriser l’investissement privé nouveau, comme annoncé par le Premier ministre de l’ouverture du transport maritime et aérien. Or, selon le rapport du Premier ministère, en date du 1er janvier 2021, repris par l’APS, durant les 30 dernières années, l’assainissement des entreprises publiques a nécessité environ 25 milliards de dollars dont plus de 80% sont revenues à la case de départ et entre 2005/2020 la réévaluation des projets a coûté plus de 8 900 milliards de dinars, soit au cours moyen de 130 dinars un dollar le montant faramineux 68,5 milliards de dollars, chiffre avancé, par le Premier ministre, démontrant une non maîtrise dans la conduite des projets : mauvaise gestion et corruption. Dans ce cadre, le Président Abdelmadjid Tebboune lors de sa rencontre avec la presse nationale le 8 août 2021, a indiqué sa volonté d’ouvrir le capital des entreprises publiques y compris les banques au secteur privé.

1.-Le partenariat public-privé
1.1-Le PPP peut devenir un outil de financement alternatif, pour l’accélération et la multiplication des investissements d’infrastructures, l’amélioration de la qualité du service public, l’optimisation des coûts et délais de réalisation ainsi que le transfert du savoir-faire. D’où l’urgence de la mise en place d’un cadre juridique et institutionnel clair pour une meilleure conduite des projets, impliquant le secteur privé dans toutes les étapes de préparation et de maturation des projets publics objets de PPP, tout en optant, dans une première étape, pour les petits projets pilotes et rentables afin de pouvoir mobiliser les financements nécessaires. C’est une idée ancienne contenue dans une nouvelle loi publiée au Journal Officiel (JO), le 10 septembre 2018, qui stipule «l’État peut recourir à un financement, total ou partiel, d’opérations d’investissement public, dans un cadre contractuel ou de partenariat avec une personne morale de droit public ou privé, dans le respect notamment, du cadre de dépenses à moyen terme et des programmes retenus du secteur concerné». Nous avons dans la terminologie anglo-saxonne trois types de partenariats : les partenariats institutionnels (création de sociétés à capitaux publics et privés telles que les sociétés d’économie mixte ou joint-ventures), les partenariats dans lesquels les entreprises privées conseillent les personnes publiques pour la valorisation de leurs biens et les contrats de Private Finance Initiative (PFI) qui sont la forme la plus répandue. Il s’agit de la différencier des délégations de service public qui sont des contrats par lesquels une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service. Le cocontractant perçoit une rémunération mixte constituée d’une redevance fixe et d’un intéressement qui est fonction de l’amélioration de la qualité du service, du niveau des économies réalisées et du résultat financier de l’exploitation. Précisément le contrat de partenariat est un contrat à long terme (de 10 à 35 ans ou plus) par lequel une personne publique attribue à une entreprise une mission globale de conception, réalisation, financement ainsi que d’entretien, maintenance et/ou d’exploitation de l’ouvrage.
Le cocontractant est rémunéré par un paiement de la personne publique pendant toute la durée du contrat, pouvant être liée à des objectifs de performance et intégrant l’amortissement des investissements initiaux. Le contrat de partenariat diffère de la concession dans la mesure où le cocontractant est uniquement chargé de l’exploitation et non de la gestion des ouvrages étant fondé sur une répartition optimale des risques : le risque de trafic incombe à la personne publique, le cocontractant prenant en charge le risque de construction et de performance. Comme il ne faudrait pas assimiler les PPP à la privatisation.
La Banque mondiale soutient l’émergence d’un modèle basé, entre autres, sur l’adoption de Partenariat Public Privé (PPP). Défini comme une entente contractuelle entre les pouvoirs publics et la sphère privée pour fournir des services traditionnellement proposés par l’Etat, le PPP dans le secteur de l’eau par exemple en Algérie a été réglementé par la nouvelle loi sur l’eau, promulguée en août 2005. Le Code de l’eau autorise le secteur privé à participer en tant qu’opérateur d’une concession au développement du secteur (loi de 1996 modifiant la loi de 1983, améliorée en 2005).
D’une manière générale, les PPP présentent un certain nombre d’avantages qui peuvent leur permettre d’optimiser le rapport coûts-résultats de l’intervention du secteur public dans le cadre des projets d’infrastructure, facilitent et encouragent la mise en œuvre des projets dans les délais et dans les limites du budget. Mais afin d’éviter les dépassements, de s’assurer que le partenaire privé livre et à exploite les actifs du projet dans les délais, cela suppose la maîtrise des coûts est souvent et une meilleure gouvernance. Cette réduction du coût des risques constitue le principal moyen d’optimiser le rapport coûts-résultats du secteur public et, dans le cadre de PPP réussis, elle compense généralement toute augmentation de coût résultant d’un financement par emprunts privés et non par emprunts publics.
En d’autres termes, le secteur public doit être en mesure de s’assurer que le prix qu’il paie au partenaire privé au titre des investissements et des risques liés au projet correspond à un bon usage de l’argent des contribuables ce qui n’est pas le cas souvent en Algérie où les surcoûts surtout dans les infrastructures pouvant varier entre 10 à 30% par rapport aux standards internationaux sont voilés par des transferts via la rente des hydrocarbures.
1.2- Les PPP ne sont pas la panacée car la préparation des projets de type PPP prend généralement plus de temps que des passations de marchés classique en raison de leur complexité, étant important de bien choisir les projets qui peuvent être effectués sous forme de ppp et de bénéficier de conditions favorables qui incluent des acteurs publics et privés compétents et solvables et un cadre macroéconomique et réglementaire stable. Cela renvoie à l’adaptation du cadre juridique.- Des dispositions légales et réglementaires doivent être prises ou adaptées pour permettre un développement harmonieux de ces opérations, dans le respect des spécificités des opérations de partenariat public-privé notamment dans la loi sur les marchés publics. Cette reconnaissance n’a pas pour effet de sortir les opérations de partenariat de la réglementation sur les marchés publics, ni de créer une nouvelle catégorie de commandes publiques.
L’objectif est uniquement de réserver aux PPP un traitement juridique différencié des autres marchés publics en raison des particularités de ce type d’opérations. Des actions doivent être menées pour assurer la reconnaissance légale des PPP dont l’insertion d’un titre spécifique dans la loi relative aux marchés publics. Ce nouveau titre regroupe toutes les dispositions applicables aux marchés publics qui sont passés sous la forme d’un partenariat public-privé, dont notamment l’exigence pour le pouvoir adjudicateur concerné de mener une évaluation préalable complète et positive de son projet de PPP avant le lancement de la procédure, les règles spécifiques en matière de délai d’engagement et la rédaction de clauses spécifiques du Cahier général des charges. Le cadre juridique des PPP doit être complété par l’adoption d’un cahier général des charges qui traitera des dispositions spécifiques applicables à ce type de marché. Ces dispositions spécifiques porteront notamment sur les mécanismes de suivi et de contrôle de l’opération, notamment le rôle du fonctionnaire dirigeant, sur les clauses de paiement, sur les situations de force majeure, sur les pénalités, sur les cas de dissolution du contrat, sur les conséquences d’éventuels changements législatifs devant miser sur la stabilité du contrat et éviter toute rétroactivité contraire au droit international. Mais en dernier ressort le succès des PPP doit reposer sur l’organisation de la transparence du dialogue. Il est essentiel d’organiser le dialogue dans des conditions de transparence et de respect de l’égalité de traitement entre les entreprises participantes et ce par une information préalable et la plus complète possible des entreprises participantes sur la manière dont le dialogue sera structuré: l’objet et la portée précis du dialogue, la durée de la procédure, le nombre de réunions, leur caractère éliminatoire ou non, l’acceptation de variantes, une information intermédiaire, après chaque réunion, comportant une synthèse des principaux points traités de manière à s’assurer de la bonne compréhension des parties lors des réunions de travail et enfin la rédaction d’un procès-verbal après chacune des étapes.

2.-Concernant l’ouverture du capital des entreprises publiques
Selon le Ministère de l’Industrie, le secteur public marchand compte en 2020, 10 complexes industriels publics, comprenant 187 établissements et 270 unités de production.
2.1- L’ouverture du capital des entreprises publiques c’est-à-dire la privatisation partielle, ne peut intervenir avec succès que si elle s’insère dans le cadre d’une cohérence et visibilité de la politique socio- économique globale et que si elle s’accompagne d’un univers concurrentiel et un dialogue soutenu entre les partenaires sociaux. C’est un acte éminemment politique et non technique car déplaçant des segments de pouvoir d’où des résistances au changement des tenants de rente sous le slogan »bradage du patrimoine national ».
La privatisation partielle ou totale doit répondre à de nombreux objectifs qui ne sont pas tous compatibles et qu’il convient de hiérarchiser dans la formulation d’un programme de privatisation pouvant varier et être adaptés en fonction du contexte international, social et économique interne et de l’activité ou de l’entreprise ce qui suppose la résolution de plusieurs contraintes qui doivent être levées afin d’éviter la méfiance des investisseurs sérieux. concurrentielle.
(A suivre)
Professeur des universités
Expert international
DR Abderrahmane Mebtoul